Je t'aime plus que tout au monde. Je n'ai jamais pu te le dire mais est-ce que je ne te le prouve pas ? Ce besoin de te voir si souvent, ce fait que notre relation est arrivée à me suffire, ce refus peut-être inconscient d'une autre relation forte. Tout ça vient de ce que je tiens tellement à toi
(lettre à H, juillet 1985)
novembre 2024 : miguel
vu le film 'les jeunes amants' avec Fanny Ardant souveraine, si belle avec son visage d'aujourd'hui qui est le même qu'avant avec la vie qui se lit dessus, Fanny Ardant est un cas parmi les actrices françaises, pas une star, mieux que ça, une légende
En Espagne, les gens qui lisent mon nom m'appellent souvent Jean, ce que je n'aime pas, je rectifie tout de suite : Jean Michel, ce prénom qui est tellement mien, ou sinon je me fais souvent appeler Miguel, et d'ailleurs mes parents à la naissance ont failli m'appeler Miguel
Pour revenir à ce que j'ai dit récemment sur mon peu de persévérance en amitié, je dois quand même dire que j'ai eu dans ma jeunesse beaucoup d'amis, un peu à Sciences Po, ensuite dans notre petit groupe de garçons qui incluait aussi une fille, dans mes cours de théâtre et surtout tous ces garçons rencontrés, platoniquement ou pas, je n'ai rien oublié, tous, chaque visage à défaut de chaque nom, ils sont ma jeunesse, je le dis pour ne pas passer pour un monstre, monstre je l'étais pas, j'étais tendre, trop tendre, c'est pour ça que parfois j'étais monstre, je me serais fait dévorer sinon...
ma mère avait coutume de dire : "les filles aujourd'hui c'est des mecs", à l'époque ça m'énervait un peu quand elle disait ça mais aujourd'hui je comprends ce qu'elle voulait dire, elle qui était une femme libre, et que ne dirait-elle pas aujourd'hui...
avec Hervé on disait qu'il fallait faire de sa vie une œuvre d'art, je n'ai pas changé, je veux aussi faire de mes combats du moment une œuvre d'art
cette vague déferlante d'antisémitisme me donne la nausée, ce président de mes bottes me donne la nausée, la gauche me donne la nausée, la mémoire courte me donne la nausée, sur les murs de notre appartement à Madrid Alfredo a mis des affiches de Bauhaus (renseignez-vous)...
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Françoise me manque
Mireille Mathieu (78 ans) fait une grande tournée en Allemagne, elle chante deux soirs à Berlin parce que le premier soir s'est vendu en trois temps quatre mouvements, du coup elle a rajouté une date, Berlin l'adore, je le sais pour avoir assisté à plusieurs de ses concerts avec Alfredo là-bas
avec Alfredo ça ne nous gênerait pas de finir comme dans le film 'Don't look up', on se tiendrait la main et hop ! basta la terre !
je vais pas radoter j'arrête là pour cette fois-ci hasta luego JM ©
octobre 2024 : quoi? l'éternité
Delon est mort, on s'extasie sur sa beauté mais moi je trouve Paul Newman bien plus beau et d'une beauté à la fois sombre et vivante, et d'ailleurs Newman est resté beau jusqu'à la fin, pas Delon
Thomas Bernhard est sûrement l'auteur que j'ai le plus lu, même dans sa propre langue, l'allemand, mais maintenant il me saoule un peu, ces répétitions à longueur de pages, là où je l'aime le plus c'est dans ses œuvres (soi-disant) autobiographiques
Je n'ai jamais aimé 'ne me quitte pas' de Brel, cet amour qui se traîne aux pieds de l'autre, admettons que la femme revienne avec lui après cette supplique, imagine comment ils pourraient vivre ensemble après ce dégueulis de ne me quitte pas, laisse-moi devenir l'ombre de ton chien, etc.
Je relis souvent les romans que j'ai écrits, des extraits, quand je les mets dans mon site, et je me dis que tout ce que j'ai écrit m'aide aujourd'hui à continuer, à survivre, à voir cette cohérence de ma vie tant nécessaire pour me dire que je suis toujours le même
On croit que pour écrire il faut être publié mais c'est une connerie, je l'ai été deux fois (je radote) mais on peut très bien écrire sans penser à aucune publication, au contraire on en est d'autant plus libre, surtout aujourd'hui où tu ne peux plus écrire sur rien à cause des nouveaux censeurs, une œuvre existe à partir du moment où elle est écrite
Pendant longtemps j'aurais voulu naître à Paris, mais aujourd'hui je crois que cette enfance à la campagne m'aura beaucoup influencé, je voyais les arbres, les animaux, les rivières, et c'est toujours là en moi
Bon, donc l'Abbé Pierre était un sacré pervers, mais si on ne sépare pas l'œuvre de l'homme, il ne nous restera plus beaucoup d'écrivains, de prix Nobel, de sauveurs de l'humanité, etc.
Olivia colman est pour moi la plus grande actrice de ces dernières années
quand on parle de l'amour du passé, il faut faire attention, c'est de l'amour de la vie qu'il s'agit ; la vie est beaucoup plus au passé qu'au présent. Le présent est un moment toujours court et cela même lorsque sa plénitude le fait paraître éternel. Quand on aime la vie, on aime le passé parce que c'est le présent tel qu'il a survécu dans la mémoire humaine... (Marguerite Yourcenar)
29 ans ensemble, ça m'émerveille toujours, cette intimité, cette fusion tout en étant davantage soi-même, quand je pense à la seconde où nous nous sommes rencontrés et le chemin après, combien c'est lui et c'est moi, oui ça m'émerveille
À suivre, JM ©
septembre 2024 : un monde avec toi
j'aurais voulu être un cadeau permanent pour lui, j'aurais voulu le protéger toute ma vie, je le veux toujours d'ailleurs, mais ce qui me pèse le plus dans le combat que je mène c'est que je ne puisse pas être pour lui une force de bonheur permanente, mais ça n'existe pas, aimer c'est ça, le soleil qui éclaire cette nuit de la vie, et après tout, lui et moi on s'en sort pas si mal, le reste je m'en fous
j'ai jamais été un modèle d'amitié, l'amour a pris trop de place, j'ai tout donné, d'abord et avant tout, à Alfredo, et H autrefois (et à ma mère dès la naissance) et même s'il y avait de la place pour de l'amitié, cette place-là ne me préoccupait pas tant que ça et je n'étais pas vraiment prêt à tout pour la préserver, c'est aimer qui a conduit toute ma vie
quand on voit un film lui et moi nous rions des mêmes choses, une chose de plus qui nous lie, j'ai souvent remarqué avoir vu des films avec des amis qui riaient à des moments qui ne me faisaient pas rire du tout, avec un rire bête qui plus est
l'anxiété malgré tout c'est lié aussi à l'envie de vivre
le sexe a toujours été pour moi un de mes moyens d'évasion les plus sûrs (autrefois), mais sûrement pas lié à l'amour
je suis entouré de gens qui ne me connaissent pas, les autres, ceux de la jeunesse ne sont plus là, ni ma mère, il ne me reste que lui et c'est tout, ce qui veut dire que c'est :
tout
moi c'est la chanson, plus encore que le cinéma et bien davantage que les livres que j'ai lus, qui aura été ma vie, les chansons ont rythmé toute ma vie, depuis tout petit
dans le sexe moi j'étais assez simple dans mes goûts, assez adolescent, pas de pénétration (qui m'a semblé toujours le comble de l'ennui) et j'étais très cérébral
les jo de Paris sont terminés, retour à la case départ : il aura fallu pendant deux semaines se taper la litanie des commentaires lénifiants et béats comme quoi la France s'était réconciliée avec elle-même et que le paradis était redescendu sur terre, autant de commentaires vides parce que sans aucune analyse derrière, et pour cause, la vérité c'est que la France est dans un tel état de manque de sa grandeur passée (manque d'un roi, quel qu'il soit) qu'elle se raccroche à tout ce qui en est un ersatz, une finale de foot gagnée, des jo ou ce que tu veux, plus dure sera la chute
le modèle familial classique c'était la chose la plus belle quand c'était réussi, mais ce n'était pas souvent réussi, c'est pour ça qu'il a fallu le déconstruire parce qu'au bout du compte seul l'amour compte
dans mon rêve j'étais sur une immense plage sombre avec Alfredo, il se disait que la mer était dangereuse, pourtant elle était très retirée, un peu menaçante sans plus, mais à un moment je me rends compte que la mer n'est pas seulement face à nous, elle est aussi derrière nous...
finalement l'histoire aura rendu justice à Nixon qui fut sûrement un des meilleurs présidents américains, dont l'intelligence, la culture et l'intuition des affaires extérieures étaient évidentes, il n'est qu'à regarder ce que de nos jours on a à se mettre sous la dent, un personnage complexe certes mais qui n'aura eu que le tort de mentir à propos d'un petit cambriolage grotesque
dans L'Insecte je me suis appelé
Sang Inquiet, et c'est vrai que toujours je voulais être conquérant mais toujours aussi j'étais inquiet
celui qui chante se torture, quels cris en moi, quel animal je tue ou quelle créature, au nom du bien, au nom du mal, seuls le savent ceux qui se turent (Aragon,
Les poètes)
c'était y a 40 ans, la génération sacrifiée du sida, mais qui peut comprendre
quand je vois des beaux garçons dans la rue, je les regarde mais je les envie pas, d'abord parce que j'étais plus beau qu'eux à leur âge, et que je suis toujours bien au mien, et puis comme chante Barbara : t'en fais pas pour moi, j'en ai profité... aucune nostalgie, pas là
à toi, mon monde, JM ©
août 2024 : la beauté du geste
trouver la force dans le bonheur avec Alfredo
c'est drôle sur ma chaîne YouTube, la video la plus vue est celle où je dis 'fraternité', le texte de la chanson d'Aznavour, plus de 200 'j'aime' et je vais allègrement sur les 20 000 vues
ça m'énerve cette fascination pour Marlon Brando, je trouve ça exagéré, surtout si on considère sa fin de vie, je préfère Paul Newman, de loin, mais il y a des clichés comme ça qui perdurent, sacré Marlon il aurait mieux fait de maigrir en tout cas, mais j'avoue que dans Apocalypse Now il était bien, et dans sa fameuse sortie dans 'Sur les quais' :
j'aurais pu être quelqu'un de bien, etc., etc.
se battre, se battre et encore se battre
j'ai encore essayé d'écrire sur elle, mais c'est impossible, écrire sur elle c'est la voir mourir une seconde fois, alors tu manques de talent ? non, ce sont les mots qui sont trop petits pour contenir un tel amour
vu sur hbo le documentaire 'Faye', sur Faye Dunaway, je l'ai toujours aimée, c'est la dernière star à la Garbo, quelle beauté, et quelle actrice, c'était l'époque où je m'enivrais de cinéma, américain, français, italien, Chinatown, Les trois jours du condor, Laura Mars...
parfois je me sens tout-puissant, parfois je doute, et ainsi de suite, mais jamais de découragement, jamais de désespoir, le désespoir, vois-tu, c'est un luxe qu'on ne peut pas toujours se permettre
extrait de Holy Motors de Leos Carax : "qu'est-ce qui vous pousse à continuer, Oscar ? - Je continue comme j'ai commencé : pour la beauté du geste"
dans le livre sur Mitterrand que je suis en train de lire, il est question du rapport de Mitterrand avec les rituels, rituels qui ont souvent trait à 'se souvenir', se souvenir ce n'est pas de la nostalgie, c'est une fidélité, quelque chose qui empêche les morts de mourir tout à fait, quelque chose lié à la cohérence d'une vie
parfois je regrette de ne pas avoir passé plus de temps avec mon père, ne pas avoir été plus tendre et pourtant je l'aimais, nous lui devons tant, sa vie c'était tout pour nous, il était si difficile à comprendre, si autoritaire parfois mais si tendre comme le sont peu souvent les pères, surtout de cette époque, mais j'étais tellement proche de ma mère, qui elle d'ailleurs comprenait mon père et l'aimait totalement, mais en fait je n'ai pas de regrets, je lui ai souvent écrit combien je l'aimais et ce que je lui devais, je crois qu'il savait que je lui ressemblais d'un certain côté, on était une famille tellement à part
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ces idiots du journal Libération ont fait tout un article sur 'Barbara et son public', je l'ai un peu parcouru et j'ai trouvé ça tellement convenu, que savent-ils de nous et elle, ils ne parlent que de sa chanson
Ma plus belle histoire d'amour chantée la première fois à Bobino, mais Barbara et son public c'est loin de n'être que Bobino, tout est dit dans Ma plus belle histoire d'amour qu'elle a toujours chanté sur scène mais cette histoire d'amour est devenue monumentale à partir de Pantin, la Barbara de Bobino était déjà la Barbara de toujours mais pas tout à fait, ceux qui l'aiment comme moi le savent, Pantin, Lily Passion, Mogador, le Châtelet, et même d'ailleurs l'Olympia précurseur de 1978, elle avait dit au public que personne ne s'expliquait ce qui s'était passé là, pendant ces trois semaines de l'Olympia, que c'était tellement fou, même les gens du métier ne comprenaient pas, et elle avait ajouté : personne ne comprend mais peut-être vous et moi oui que l'on comprend... (je cite le sens, pas mot pour mot)
Cérémonie d'ouverture des jo à Paris : je me méfie de l'unanimisme...
pour toi mon ange, JeanMich ©
juillet 2024 : mon premier amour
Pas envie de faire comme Fritz Zorn dans 'Mars', et Dieu sait quel livre c'est, pas envie d'écrire sur
ça, pas directement en tout cas
De Niro qui était plutôt en dehors des films du genre réservé et timide étant jeune, a changé, il enfonce Trump dès qu'il peut, sans lésiner, un régal
j'ai des phases où j'écoute moins Barbara, je l'ai réécoutée récemment et comme d'habitude, et comme disait Hervé, elle m'a redonné encore davantage le goût de vivre, elle me manque cruellement
Hervé avait écrit dans sa nouvelle magnifique 'L'outarde' :
Mama depuis longtemps avait cessé de rire ou de pleurer, et ne s'accordait chaque jour qu'une à deux minutes d'un désespoir ravalé "presto", idem, et encore deux minutes c'est beaucoup
ah cette dissolution, quelle connerie, mais la politique, Monsieur, c'est un métier...
je recommence le sport à fond la caisse, et je monte neuf étages par jour dans ma tour
je ne sais pas pourquoi la mort de Françoise Hardy m'a atteint à ce point, bien sûr parce qu'elle est ma jeunesse, bien sûr parce que sa maladie et ses souffrances, mais je crois surtout que je pense à Thomas qui est tant lié à sa mère, je sais ce que c'est, cette déchirure, j'ai acheté mon premier album d'elle j'avais 12 ans, c'était une compilation intitulée
Françoise, c'était à Hossegor, l'été, j'ai 52 chansons d'elle dans mon ordinateur, des plus anciennes aux plus récentes
j'aime tellement vivre ici, à Madrid, en Espagne, dans quelques jours, le 8 juillet, nous célébrerons 29 ans ensemble l'Ange et moi, mon Dieu cette vie, nous deux, mais j'en ai assez parlé et c'est impossible de vraiment dire ce que nous sommes, lui et moi, les mots sont trop petits je l'ai déjà dit, j'en parle quand même parce que c'est impossible aussi de ne pas en parler
et maintenant Anouk Aimée, pour moi Anouk Aimée c'est le film
Mon premier amour, que j'avais vu avec maman, à Biarritz je crois, l'histoire d'un amour entre une mère et son fils justement, ce film il reste
là, en moi, un jour j'avais croisé Anouk sur les Champs Elysées, elle est restée belle jusqu'à la fin, sans retouche, naturellement, incroyablement belle, je l'aimais
j'adore les crêpes, et pour nos 29 ans Alfredo a acheté une machine à faire les crêpes, les cadeaux c'est toujours un moyen de montrer son amour, avec maman aussi on était d'accord là-dessus
lu les mémoires de Marthe Keller sur son métier, une merveille, une découverte
c'est l'été, l'été ne dure pas mais tant qu'il dure, il est éternel
JM ©
juin 2024 : la jeunesse est une révolte
Paul Auster mort a eu droit à la une entière de Libération, pour Annie Girardot ils lui avaient accordé à peine une demi une, ils sont comme ça ces gens-là, toujours à suivre le sens du vent, indécrottablement prévisibles, à pleurer
Finalement j'ai un point commun avec mon cher Salinger, à quelque chose près je n'ai publié qu'un livre et les autres je ne les ai pas publiés plus ou moins volontairement, la différence c'est que Salinger a vendu des millions d'exemplaires du sien, big deal
Finalement, considérant que mon arrêt total de la clope pendant un an n'avait pas donné les résultats escomptés, je me suis remis à fumer quatre cigarettes par jour, mais seulement une ou deux taffes pour chacune, et puis c'est tout
Sciences Po est devenu n'importe quoi, l'Ange et moi avons connu l'époque bénie, celle où j'ai connu Hervé, on faisait partie de l'élite, soi-disant, mais on en faisait pas un plat, on pensait pas que le monde était né avec nous, j'y ai aussi connu A. qui m'emmenait dans son Austin le samedi soir, et mon cher D. avec qui j'allais assister au Masque et la plume
De Pivot je revoyais souvent des extraits de son émission avec Marguerite Duras, le samedi soir avant de sortir, entre autres choses que je revoyais avec ma tête amphétaminée, c'est aussi comme ça que l'Ange a connu et aimé Duras dont il a lu le Barrage, pas moi
Un jour j'avais mis comme message sur mon répondeur la voix de Duras qui disait : "moi ce que j'aime, ce sont les obsédés sexuels, parce qu'ils savent exactement ce qu'ils veulent", ou quelque chose d'approchant, un jour quelqu'un de l'administration de Sciences Po avait appelé pour parler avec Alfredo et était tombé sur le répondeur, cette personne avait fait comprendre à Alfredo que ce message n'était peut-être pas le plus indiqué pour quelqu'un qui était à Sciences Po, aujourd'hui ils applaudiraient des deux mains de peur d'être incorrect
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Comme dans la chanson :
j'veux de la tendresse, plus que jamais, j'ai souvent été abandonné
Si Mireille Mathieu ne chante pas aux JO, je tomberai des nues, dans n'importe quel pays autre que la France une chanteuse de son acabit et avec sa voix chanterait, mais qu'est-ce qui se passe dans ce pays
parfois je me dis que dans cette maladie que je vis là, je vis une grande aventure, une aventure fascinante, ce qui est vrai, mais je ne suis pas toujours dans l'esprit de me dire ça, pour me dire que c'est une grande aventure il faut que je sois moi-même conquérant, ou révolté :
Souvent je me suis demandé s'il y avait au monde un désespoir capable de vaincre en moi ce furieux appétit de vivre (Dostoïevski,
Les frères Karamazov)
clair que sans lui je me dirais que j'ai déjà bien rempli ma vie, parfois aimer atteint l'insupportable
merci mon ange pour ce que tu es, merci de ton courage, merci de tes larmes, merci de ton énergie, de tes inventions, merci de ton désespoir qui ne gagne jamais, merci pour demain, merci pour tes silences, merci pour ta main, merci pour les nuits, pour les jours, merci d'être ce que tu es
JM
©
mai 2024 : big boys
j'en ai par-dessus la tête de ces commémorations de ci ou de ça, c'est le règne du blabla, et de l'hypocrisie
la seule qui aurait pu influencer Depardieu sur ses comportements, c'est Barbara, la seule
avant mon opération, je marchais tellement lentement que je me faisais dépasser par des petites vieilles qui rigolaient en douce et qui me faisaient des croche-pattes avec leurs cannes, les chiennes
il paraît que Taylor Swift serait la seule à pouvoir faire perdre Trump si elle s'engageait dans la campagne, tellement elle est populaire, voilà l'état des lieux
j'adore les miniatures, Alfredo m'a acheté en miniature sur Amazon l'Aston Martin de 007 dans Goldfinger
Richard Yates est sûrement un immense écrivain, que je peux relire sans arrêt
je me suis acheté une chemise sans col blanche en lin (chez Zara), chose que je n'avais pas fait depuis des mois, m'acheter des fringues, elle me va très bien d'ailleurs
je monte deux fois par jours six étages dans la tour où l'Ange et moi vivons à Madrid, la fameuse Torre de Madrid, pour ma
fucking santé
je n'ai rien lu de Joël Dicker, je ne l'exclus d'ailleurs pas, en tout cas le garçon me paraît plutôt sympathique et ne se prenant pas pour le centre du monde, contrairement à l'insupportable Edouard Louis, ce monsieur je-sais-tout qui dégouline de prétention, je déteste ce genre de pseudo intellectuel, c'est le contraire de Xavier Dolan avec qui je suis sûr je m'entendrais très bien
le cinéma Normandie sur les Champs va fermer, j'y ai tant de souvenirs, je l'ai même mis dans mon roman 'Wild Samuel'. En fait j'ai connu les Champs-Elysées quand il y avait le plus de cinémas au mètre carré au monde. C'était fou et la bohème.
beaucoup aimé la série anglaise 'Big boys', et le film 'Juniper' avec une Charlotte Rampling magnifique
Marguerite Duras disait que ce qui l'étonnait le plus c'était que les gens, chaque jour, ne pensent pas à l'extermination des Juifs pendant la guerre... elle en serait malade de voir ce qui se passe aujourd'hui
le fait de n'avoir pas eu d'enfants a permis que je reste l'enfant de ma mère jusqu'au bout, et que je le sois encore, et je dois dire que Alfredo aussi, avec ma mère
acheté l'intégrale de Nicoletta, superbe femme, superbe chanteuse
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rien à dire sur les chèvres ce mois-ci. Jimmy. ©
avril 2024 : Lumière
Je n'ai pas écrit dans mon journal ce mois-ci alors il va falloir tout écrire d'un coup. On fait le point (poing) ?
La France ? Rien de nouveau sous le soleil. De la parlotte sans arrêt, la loi du plus fort partout, et tout le monde qui s'habitue à cette normalité. Il n'y a plus de roi. Le roi maintenant n'est qu'un petit voyageur de commerce qu'on voit partout vendre sa camelote, il est frais mon poisson ! comme dans un marché, en moins bien.
L'Espagne ? Malgré ses défauts et notamment son fuseau horaire aberrant, cela reste un pays merveilleux pour y vivre, et Madrid devient la ville à la mode, avant Paris et Londres. C'est ce mélange incroyable de traditions et d'extrême modernité, chose impossible en France. Comme dans les films d'Almodóvar. Moi qui ai beaucoup voyagé je peux dire que pour un gay, la meilleure ville pour vivre, c'est Madrid, et même si l'homophobie c'est partout que ça traîne son odeur de sang.
Et moi ? J'ai dit autour de moi que c'en était fini de me demander comment j'allais. Je vais. Alfredo et moi sommes devenus propriétaires d'un appartement à retaper dans un village charmant de Sicile, Ragusa. Au moins notre apprentissage de l'italien servira à ça. En fait nous sommes co-propriétaires avec d'autres amis, essentiellement la sœur d'Alfredo et la famille de son
marito.
Frédéric Mitterrand parti rejoindre son oncle. On était devenus un peu amis au moment de son Actors Studio. Il avait de l'humour et un jour à la télévision il avait reçu toute une soirée Mireille Mathieu avec qui il s'était très bien entendu, alors qu'avant il ne l'aimait pas tant que ça. Il m'aimait bien le Frédéric, ça je le sais, même s'il s'est toujours comporté avec élégance avec moi. Avec Hervé on allait parfois dîner dans son Olympic Entrepôt du 14ème arrondissement, qui était derrière la rue Niepce où habitait Hervé.
J'ai repris l'écriture. Je prolonge la troisième partie de ma trilogie
Âmes dehors, celle intitulée
Hotel Monroe. Cela se passe de nos jours à New York et l'histoire des personnages peut être prolongée sans fin.
C'est étrange comme tout se ressemble. Les gens qui passent près de perdre la vie disent qu'ils lui accordent plus de prix après, à la vie. Moi non, pas besoin d'être malade pour savoir où je suis, la maladie c'est ni un plus, ni un moins, ça fait partie de l'ombre, et moi j'ai toujours voulu aller vers la lumière, mais sans avoir peur de l'ombre.
Alfredo est en train de s'occuper à changer des choses dans l'appartement de Madrid, douche, sofa, bureau, j'en passe et des meilleurs. C'est un orfèvre de ces choses. Je lui laisse carte blanche. Il est bien plus patient que moi pour organiser ce qui est matériel.
Et puis avec le temps, on en a un peu marre de blablater, de radoter. Je conseille à tout le monde d'écouter ma chaîne YouTube. J'y lis des extraits de mes romans et poèmes, et aussi des textes de chansons. J'ai 90 abonnés à ce jour.
Les chèvres ont des pupilles rectangulaires. Jimmy.©
mars 2024 : à ma manière (dédié à Alfredo)
j'ai voulu commencer un texte où tous les paragraphes commenceraient par "je me souviens" mais j'ai très vite arrêté, parce que les souvenirs, en tout cas dans mon cas, sont quelque chose de vivant, si tu les figes sur le papier, tu les tues
comme le chante Régine :
j'ai toujours porté bonheur aux hommes ! mais est-ce si sûr ?
on dit toujours stupidement que pour écrire il faut avoir lu, être un grand lecteur, je n'ai jamais cru à ça, moi j'ai voulu vivre avant d'écrire, c'est ça qui m'a fait écrire, et quand j'ai publié L'Insecte qui était mon huitième roman j'étais, relativement, pratiquement inculte, j'ai lu après et j'ai découvert après mes auteurs favoris, et en lisant la biographie de Thomas Bernhard écrite par Miguel Sáenz je me rends compte que Bernhard, un de mes favoris, contrairement à ce qu'on croit, n'était pas un si grand lecteur que ça, même si ses livres sont truffés de noms d'écrivains, lui-même l'a souvent dit, je ne m'étendrai pas là-dessus mais il suffit de savoir que dans sa maison de campagne en Autriche, à Ohlsdorf, la bibliothèque était quasiment inexistante
Opération :
On regarde la perfusion toutes les cinq minutes pour voir quand elle finira
Mes deux refuges : Alfredo et ma tête
Mardi idées noires
Jeudi analyses de sang bonnes, dit le chirurgien...
Toujours mal au ventre quand je marche
Hâte de revivre
Pire moment de ma vie
Alfredo amour fou, il dort toutes les nuits dans la chambre
Je n'écrirai pas là-dessus parce que j'écris sur la jeunesse
Parce que je n'écris pas sur le désespoir même si comme l'avait écrit Hervé de mes poèmes "le désespoir affleure sans jamais l'emporter"
Je ne fais pas cadeau à la vie du désespoir, la vie je la tue ou j'en fais mon histoire
La première fois que j'ai vu Dominique Besnehard, il était agent à l'époque, il a dit que j'étais un grand acteur et puis les mois ont passé sans qu'il ne bouge le petit doigt pour moi, du coup je lui ai écrit une longue lettre dans laquelle je disais qu'il n'était pas obligé de me dire que j'étais un grand acteur si c'était pour ne rien faire ensuite, qu'il fallait être cohérent, du coup il m'a téléphoné en me disant que personne ne lui avait jamais parlé ainsi et il m'a invité à dîner, au dîner y avait aussi Orlando, le frère de Dalida qui venait de se suicider quelques semaines auparavant, pas gai, finalement quelques mois plus tard il m'a présenté à Jean-Luc Godard avec lequel j'ai tourné Puissance de la parole, et plus tard encore il m'a dit, tu vois que j'ai fait quelque chose pour toi
Moi on ne m'a jamais embêté sexuellement, je les attirais mais je crois que je leur faisais peur aussi, alors on ne m'embêtait pas mais on on ne m'a jamais beaucoup aidé non plus
Quand je vois les Césars aujourd'hui avec MeToo et tout et tout, je repense aux premiers Césars avec Romy Schneider, Simone Signoret, Annie Girardot, ces femmes libres, Romy elle incarnait tout ça, la fragilité et la force, on en rêvait, ça me manque
Suis-je toujours le même ? (ah cette obsession)
Je lutte à ma manière, je l'ai toujours fait, pas à la manière stupidement optimiste des autres, j'intègre la lutte à toute ma vie, je lutte pour rester moi-même et donc pour continuer à faire de
aimer une œuvre d'art, je lutte pour n'être toujours pas aux ordres de la sale vie
En fait on ne va visiter les malades à l'hôpital que pour se dire en sortant, Dieu merci moi je suis en bonne santé
Évidemment quand je faisais du vélo à Berlin ou quand on dînait avec l'Ange dans un restaurant en Italie ou à New York, je me disais pas, quelle chance tu as d'être en bonne santé, mais je m'émerveillais toujours de nous et de vivre l'instant présent, j'ai jamais été blasé, il suffisait d'un rien
Barbra Streisand a aimé le film
Une belle course, nous aussi ; quant à Barbra j'ai tant de souvenirs avec elle que je ne peux en nommer un seul :
memories like the corners of my mind (oui je sais c'est
light et pas
like, mais j'ai cru pendant longtemps que c'était
like et je préfère d'ailleurs :
les souvenirs aiment les recoins de mon âme)
Le pire n'existe pas : tout est la vie
Le meilleur existe mais ce n'est pas la vie
Jimmy ©
février 2024 : comme quoi il ne faut pas aller contre sa douleur, physique ou morale, il faut aller avec.
Pour moi Depardieu est lié à Barbara, alors toute cette histoire me met sens dessus dessous.
D'accord avec Alain Finkielkraut depuis longtemps : le rempart démocratique contre les inégalités sociales c'est la sélection, les concours anonymes, la sélection que tous ces crétins de gauchistes ont supprimée aggravant ainsi les inégalités qu'ils prétendaient combattre, les faits démentaient leurs paroles, il faudrait revenir à la sélection des talents et des mérites mais Finkielkraut se demande s'il n'est pas trop tard, probablement.
Avec cette histoire de cancer, la vie se sera bien vengée de tout ce que je lui aurai fait, désobéi, trafiqué, en mesquine qu'elle est, et alors ? no regrets, je m'en fous, je recommencerais si c'était à refaire, je suis toujours pas à ses ordres, je l'emmerde et je la désordonnerai toujours, la vie.
J'avais écrit dans 'Undead' :
pour pas mourir j'étais prêt à tout, même à vivre, je confirme.
Dans une chanson Brassens dit qu'au moins, quand il sera mort, il aura plus mal aux dents, ce qui est certes un avantage, encore que moi je me méfierais, les dents de la mort ça doit pas être très alléchant non plus.
Ah cette polémique sur le collège Stanislas, Stan pour les intimes, dont je fus, mais peu de temps, après mon bac, j'avais 17 ans, prepa HEC à Stan, je détestais ça, c'était la première fois que je quittais la maison, j'avais le mal de la séparation d'avec mon enfance et pourtant j'avais envie de Paris mais pas dans ces conditions, sans parler du bizutage dont m'avait sauvé un
ancien adorable qui était de ma région, aux vacances de Toussaint j'ai dit à mes parents : j'y retournerai pas, ils ont dit, oui tu vas y retourner, mais j'y suis pas retourné, moi qui avais toujours été le premier de la classe c'était la révolution, j'ai dit, je prépare le concours d'entrée à Sciences Po Paris, seul, à la maison, l'année d'après j'ai été reçu à Sciences Po, comme quoi, et l'année suivante j'y ai rencontré Hervé que je n'aurais jamais rencontré si j'étais resté à ce putain de Stan, et probablement pas rencontré l'Ange non plus, c'est dire, et maintenant aujourd'hui toute cette polémique sur Stanislas, homophobe paraît-il, homophobe ? en tout cas quatre ans plus tard, j'ai rencontré au drugstore de Saint-Germain-des Prés un garçon de 18 ans qui y était à Stan, on a passé une nuit blanche tous les deux, essentiellement à arpenter Paris, à se parler et à s'embrasser, et puis on est allé dans ma petite chambre de la rue Rousselet, et au petit matin il a rejoint sa chambre à Stan, ni vu ni connu, notre rencontre au drugstore avait été très romanesque mais ce serait trop long ici, je l'ai déjà raconté dans
Undead.
Acheté l'anthologie de tous les textes de Léo Ferré, je ne t'oublie pas Léo.
27 janvier, anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau. Jimmy. ©
janvier 2024 : révolution Thomas Bernhard raconte dans 'die Kälte', qu'alors qu'il se battait à 18 ans pour ne pas mourir de sa maladie des poumons, il avait découvert 'Les démons' de Dostoïevski et que pendant de nombreuses semaines il ne voulut plus rien lire après cette découverte, il dit qu'il est ressorti des Démons de Dostoïevski converti lui-même en héros, ce qui est souvent le propre de ces livres, ils te grandissent toi.
Je n'ai jamais dit et je ne dirai jamais que je suis fier de ma vie, je trouverais ça idiot de dire ça, mais ce que je dis oui, c'est que j'aime ma vie, celle-là que j'ai construite, bon an mal an, vaille que vivre, celle-là que j'ai voulue, je n'en voudrais pas une autre, même avec plus de reconnaissance, même avec moins de malheurs, je l'emporterai avec moi ma vie, elle me tiendra compagnie, elle est inépuisable.
Nous, je veux dire lui et moi, c'est tellement énorme que ça ne tient pas dans la vie, encore moins dans une vie normale.
(maladie) Est-ce que je deviens faible ou est-ce que je deviens un surhomme ?
Nous sommes allés changer de succursale bancaire à Madrid, à un moment le banquier m'a demandé ma profession et j'ai dit, écrivain, Alfredo a corrigé disant que j'étais rentier, après il m'a dit que je ne devais surtout pas dire dans une banque que j'étais écrivain, parce que ça voulait dire que j'étais sans un sou, du coup j'avais l'impression d'avoir dit au banquier que j'étais une pute.
J'écoutais des vieux Sheila et à un moment mes yeux sont tombés sur le livre de Thomas Bernhard que je suis en train de relire (Extinction), j'adore ça, l'alliage, tout est dans tout, on disait ça avec Hervé ; et d'ailleurs hier j'ai commandé sur Amazon un exemplaire de Jo et Zette de Hergé, et en même temps cet Extinction de Bernhard mais en espagnol, parce que je préfère la traduction espagnole de Miguel Sáenz, son unique traducteur en espagnol (en France il y a plusieurs traducteurs, ça dépend du livre) et avec qui j'ai correspondu autrefois et à qui j'avais envoyé ma traduction en espagnol de L'insecte.
Cela dit j'ai arrêté de le lire après 100 pages, sans scrupules, je l'avais déjà lu 5 ou 6 fois, j'explique pourquoi dans la section suivante, je n'ai pas de totem.
Ce sera donc 2024. Je ne fais aucun vœu pour cette année. Ça me fait suer les vœux, bonne année, bonne santé. Bonne année, bonne santé, mon cul ! Il y a bien des malheurs et bien des malheureux sur cette terre, et beaucoup d'injustice, mais ça, ce n'est pas une nouveauté. Moi je me balance, comme chante Barbara,
chacun sera servi mais c'est moi qui choisis.
À toi mon ange je redis tout ce que tu sais, l'immensité terrifiante que nous sommes nous deux, que personne ne soupçonne ni ne saura jamais, c'est un trop grand mystère pour être partagé.
J'écris ces mots face à la Casa del Campo, le soleil se couche, orange et rouge, et moi j'en veux toujours plus, je fais ma révolution en vivant. Jimmy. ©
décembre 2023 : JMIJ - pour parodier Molière et Stendhal : on avale le malheur, on ne le mâche pas. Les romans et les films ne racontent que des histoires d'amour qui finissent- mal en général- des histoires d'amour impossibles qui en fait ne sont pas impossibles mais seulement pas possibles, personne ne s'aventure à raconter ces histoires d'amour qui durent, je ne parle pas de mariage ou je ne sais quoi, non je parle de ces histoires d'amour qui ne peuvent pas finir, celles-là seules sont des histoires d'amour impossibles, parce que celles-là seules se heurtent à la finitude de la vie, à sa petitesse, ces histoires d'amour sont impossibles chaque jour mais elles durent, et personne ne s'aventure à raconter ça, parce que ça aussi c'est impossible, on préfère raconter les histoires d'amour plus normales, qui parfois sont très belles aussi ; je pense qu'un des plus beaux films à ce propos est
La femme d'à côté de Truffaut :
ni avec toi ni sans toi. Le ministre de la justice comparaît devant la Cour de justice de la République et je viens de m'apercevoir que celle-ci est présidée par un juge qui était mon meilleur ami d'enfance à Hossegor, il a mon âge, je ne sais pas pourquoi mais en voyant ça et en voyant aussi sa photo aujourd'hui j'ai été profondément déprimé, mais en fait je sais pourquoi, mais c'est entre moi et moi. J'écoute des chansons, l'auvergnat de Brassens chanté par Joan Baez et mon Dieu, comme je me sens fragile mais fort, je sens tout, cette vie, cette vie terrible de moi, tout et le reste, envie de pleurer mais pas de tristesse, et je vois là combien tout se tient, définitivement tout se tient de ce que j'ai vécu.
L'homme crie où son fer le ronge, Et sa plaie engendre un soleil Plus beau que les anciens mensonges (Aragon). Oui nous nous aimons mais aussi nous sommes amoureux l'un de l'autre, après 28 ans, c'est lui qui l'a dit. J'ai toujours dit qu'une des raisons principales pour lesquelles je me suis mis à écrire c'est ce qui s'est passé avec les Juifs pendant la 2ème Guerre, dans mon premier roman la vie d'Ange bascule par sa rencontre à 18 ans avec un rescapé des camps, à partir de là, et avec ce qui se passe aujourd'hui, je choisis mon camp définitivement (ce qui n'empêche pas de me sentir arabe- je pense à mon Abdel de Mark- ou me sentir black, ça n'a rien à voir), je choisis mon camp définitivement : juif dans l'âme, et je suis effondré de l'horreur à laquelle j'assiste, et pas seulement de la part des bourreaux, l'esprit munichois partout, la nausée. Une maladie est avant tout spirituelle, je ne suis pas le premier à l'avoir dit, on combat la maladie d'abord spirituellement, ce n'est pas une idée à moi, c'est une constatation que je fais tous les jours, tu n'as pas droit à un instant de relâchement, évidemment au final tu peux échouer, ce n'est pas la question, mais tu peux aussi échouer vainqueur, je connais beaucoup de ces vaincus qui auront vaincu quand même. Ça y est, je suis espagnol (double nationalité), j'ai ma carte d'identité espagnole (DNI), et je m'appelle Jean Michel Iribarren Joly ; Joly étant le nom de ma mère, JMIJ donc. Jimmy. ©
novembre 2023 : rue des roziers - j'ai terminé mon roman 'Matteo le magnifique', commencé en avril avant ma radiothérapie et terminé il y a quelques petites semaines. Dans une chanson, Dalida dit :
je n'ai pas de regrets, cette vie elle me plaît comme elle est ; et bien moi, cette vie elle me plaît pas comme elle est, elle me plaît comme je l'ai faite, comme je l'ai trafiquée, mais sûrement pas comme elle est. J'ai pas de certitudes, je n'ai que moi et c'est bien assez grand. Mon ange dit que chaque matin il me voit repartir à la bataille ; lui aussi il y repart, chaque matin. Ce que j'ai dit le mois dernier sur le passé, qui permet au présent d'un être humain de tenir debout, vaut aussi pour les nations, les pays : sans passé y a plus rien. Pour revenir sur cette question du présent qui se construit sur le passé, évidemment tu ne bénis pas tout le passé, il y a aussi le passé contre lequel tu as guerroyé, les combats, mais même ça c'est ton histoire ; l'histoire de Berlin par exemple, c'est aussi le Mur, c'est même l'horreur- absolue- de la 2ème guerre, tu n'y peux rien, ton présent c'est la somme de tous tes passés. J'ai arrêté de fumer il y a 6 mois, on sait pourquoi, tu fumes quand tu n'as pas de problèmes de santé, sinon non, j'ai arrêté à regret, sachant que la cigarette c'est beaucoup plus que la cigarette, combien de choses peuvent-elles dire qu'elles sont plus qu'elles-mêmes ? on dit que si tu en refumes une, une seule, tu rechutes, moi non, y a un mois j'en ai fumé deux ou trois mais j'ai pas continué, je ne fume plus qu'en pensée, jusqu'à 30 ans quand il m'arrivait de fumer je n'avalais pas la fumée, j'aimais le genre que ça donnait, t'en fais pas pour moi, j'en ai fait des choses, j'avais pas peur, je voulais juste rester moi-même, c'était la ligne rouge ça : rester moi-même, et j'en referai des choses, avec toi mon ange, sans toi non. J'ai découvert Troye Sivan, j'adore. Je devais avoir 37 ans, j'avais connu deux filles dans mon travail, très vite je leur ai dit que j'aimais les garçons, les pauvres elles étaient tristes, elles avaient pensé me mettre sur leur liste, plus tard l'une d'elles m'a même dit que l'autre en avait pleuré, putain j'étais vraiment le bourreau des cœurs en ce temps. Un soir à Paris, Hervé et moi, et un groupe d'amis, avions dîné dans un restaurant des Halles avec Roger Peyrefitte, l'écrivain des
Amitiés particulières qui avait déjà un certain âge, pendant le dîner notre ami écrivain, Henri Rode, lui avait demandé ce que c'était pour lui l'intelligence, et Roger Peyrefitte avait répondu : c'est croire que tout est possible. Alors ? tout sera vraiment possible ? Tu navigues entre deux eaux en ce moment, entre guéri et surtout pas guéri, tu vis au jour le jour, au jour l'amour, comme chante la Mathieu. La souffrance du monde, tu ne l'as jamais sentie que dans la mesure où tu étais toi-même, dans la mesure où tu aimais, c'est ça, aimer, qui m'a ouvert les yeux sur les autres, c'est ça aussi qui m'a rendu malheureux du malheur des hommes.
Car un enfant qui pleure, qu'il soit de n'importe où, est un enfant qui pleure, car un enfant qui meurt au bout de nos fusils, est un enfant qui meurt (Barbara,
Perlimpinpin). Un jour peut-être tu auras la réponse. Jimmy. ©
octobre 2023 : woodstock -
Alfredo est le seul- le seul- que je puisse regarder dans les yeux sans les baisser et sans que ça me coûte quand nous parlons : le seul, les autres ça me coûte. À Madrid quand tu traverses au passage piéton, les voitures s'arrêtent, elles s'arrêtent parce que c'est la règle mais aussi par gentillesse, et moi j'aime ça et je réponds toujours par un geste de la main, à Berlin les voitures s'arrêtent aussi mais seulement parce que c'est la règle, si tu traverses ailleurs qu'au passage piéton ils te foncent dessus et te tuent. Pour moi il y a ceux qui ont partagé l'histoire du sida avec moi et les autres, et dans ceux qui ont partagé il y a l'Ange bien sûr, c'est sa grandeur. Il paraît, selon une enquête, que l'Espagne est le deuxième pays où on vit le mieux, pas étonnant, quel bonheur vivre ici à Madrid, tu te balades dans les parcs pleins de monde sur les pelouses comme à Hyde Park, tout le monde s'aime comme à Woodstock, il n'y a pas cette tension et violence permanentes qu'il y a en France, ni cette brutalité qu'on sent souvent en Allemagne, même si Berlin me manque, cette ville hallucinante, qui a été tant mienne, quand je la transperçais de long en large sur mon vélo, j'y suis encore. À propos de l'Espagne, je vais acquérir la nationalité espagnole, j'aurai une double nationalité, parce que quand je suis né mon père était encore espagnol, ma mère, elle, Dieu merci fut toujours ma Parisienne. On dit toujours qu'il ne faut pas vivre dans le passé et c'est vrai, mais c'est infiniment plus compliqué que ça, parce que c'est le passé qui te permet de vivre au présent, c'est le passé qui souvent te sauve, et pourquoi ? parce que le passé, quel qu'il soit, c'est ta vie, ce que tu as construit, ce que tu as aimé, si y a pas ça y a rien à quoi s'accrocher, tu peux pas t'accrocher à un présent qui n'a pas de passé parce que ça n'existe pas un présent qui n'a pas de passé, comme le chante Barbara :
ils sont vivants mes souvenirs, d'ailleurs si tu te fous du passé tu te fous aussi du présent, parce que le présent est passé à la seconde suivante, et si je me sors du tunnel dans lequel j'étais entré ce sera par ma vie d'amour qui a commencé hier et qui continue aujourd'hui. Je réécoutais récemment des blogs audio que j'avais faits en 2012 à Berlin et c'est pas mal du tout, du coup je vais peut-être en refaire et je les mettrai sur ma chaîne youtube, des blogs comme ça sur le temps qui passe, les choses qu'on attrape avant qu'elles ne te filent entre les doigts. Que Gabriel Attal se batte réellement contre le harcèlement à l'école, je suis à fond avec lui, je suis avec tous les harcelés, tous, et je dis aux harceleurs : c'en est assez de vos violences ! mon Dieu comment peut-on en être là sans avoir réagi depuis longtemps, la réponse : à cause d'un système pourri qui préserve l'institution et qui a toujours laissé faire la loi du plus fort sous prétexte de ne pas vouloir punir, etc., etc. je les connais bien et je les hais. Un jour Hervé m'avait dit à propos de sa mort qu'il sentait venir, c'était pourtant six ans avant qu'elle n'intervienne, il m'avait dit, un peu méchamment comme il l'était parfois, pour de multiples raisons, il m'avait dit : il faudra t'y faire, et bien tu vois mon Hervé, même après 30 ans, je ne m'y suis toujours pas fait. Et ta santé ? Ah oui j'oublais, ma santé... Jimmy. ©
septembre 2023 : Virgule - rêve : un canal, ou un fleuve, sombre, soudain émerge dans l'eau comme une immense boule à pointes qui pourrait bien être la partie émergée d'un monstre, ça ne fait rien, je vais dans l'eau et monte sur la boule, et le monstre ne bouge pas, je fais un signe de victoire à Alfredo sur la rive. Aimer ne sont rien d'autre que les déchirements dépassés, vécus, survécus, rien d'autre, le reste c'est des contes de fée. L'homosexualité ce n'est pas que le sexe tant s'en faut, les hommes aiment la compagnie des hommes, et les femmes depuis longtemps aiment la compagnie des femmes, mais évidemment tout cela sont des généralités et je déteste les généralités. Dans un film Cate Blanchett parle de la différence entre la vie telle qu'on la rêve et la vie telle qu'elle est, je n'ai jamais accepté cette différence. Marguerite Duras, que je relis en ce moment, dit qu'elle aimerait avoir plein d'animaux chez elle mais qu'à Paris c'est impossible, une vache à l'entrée d'un immeuble à Paris, elle dit que c'est l'asile psychiatrique assuré pour la vache et pour son propriétaire. Je crois que les écrivains souvent aiment l'ordre dans leur maison pour que le désordre soit dans leur œuvre. Hélène Carrère d'Encausse est morte à 94 ans- ce journal devient une rubrique de nécrologie !- je l'avais eue comme prof à Sciences Po, elle devait avoir à peine 50 ans, j'avais choisi son cours en amphi comme une de mes options en deuxième année, un cours bien sûr sur l'Union Soviétique, et comme elle n'avait pas de polycopié de son cours, il fallait absolument y assister, ce qui était facile tellement elle était formidable, et je me rappelle une fois j'étais sorti de son cours en morceaux tellement j'avais envie de pisser, mais je m'étais retenu pendant tout le cours pour ne pas rater une miette de ce qu'elle disait et le copier dans les notes que je prenais frénétiquement. Faut toujours dire : "pour l'instant", par exemple :
pour l'instant je n'ai plus de migraines, ou
pour l'instant il ne pleut pas, parce que si tu le dis tout de go sans prudence, t'es sûr d'être démenti la seconde d'après, c'est cette grosse de salope de vie qui adore ça, te prendre pour le dernier des marioles. Quand on est enfant à la maison, on ne valorise pas ça et tant mieux que tous les jours il y a à manger et chaque fois des choses différentes, alors que ma mère devait se casser la tête pour varier les menus et le midi et le soir, elle faisait les courses tous les jours, puis elle allait nous chercher à la sortie du collège à midi, avec les paniers en osier remplis sur le siège de derrière. La chaleur est insupportable l'été à Madrid, les autres années nous étions à Berlin, et Berlin l'été c'est San Francisco, mais nous n'habitons plus Berlin et avec les circonstances particulières de cette année, nous restons à Madrid volets fermés, le seul avantage de la chaleur c'est que ça fait un sujet de conversation avec les gens. Bander c'est signe de bonne santé n'est-ce pas ? et moi quand je pense à Fernande, je bande. Un jour j'avais dit à ma mère, plutôt vers la fin de sa vie, je ne sais plus à quel propos : "hein que je t'ai beaucoup parlé moi ?" et c'est vrai, combien j'avais essayé avec eux, avec elle surtout, de dire les choses, de ne pas mentir, et elle m'avait répondu : oh oui, il ne manquait pas une virgule. Jimmy. ©
août 2023 : Jane - la France à feu et à sang, ah oui ? mais quelle nouvelle ! Quand on avait 20 ou 25 ans à Paris, avec Hervé et nos amis, on aimait aller dans les salons de thé, on était un peu Marie-Chantal à l'époque, juste un peu, pas trop, mais c'est vrai qu'il y avait des salons de thé magnifiques à l'époque à Paris, comme le Muscade dans les jardins du Palais-Royal, je ne sais pas s'il existe encore, et d'autres aussi dans des passages, par contre j'ai jamais été très Angelina, trop Marie-Chantal pour moi. Libération j'avais déjà compris quand ils n'avaient pas parlé de mon livre, malgré leur soi-disant engagement LGBT, je les dérangeais, fini le Libé de Serge July, aujourd'hui c'est rien qu'un torchon bobo et populiste et déconnecté de tout. Xavier Dolan, que j'aime bien et avec qui j'ai toujours pensé que je m'entendrais bien si on se rencontrait, ne veut plus réaliser de films au cinéma, en un sens je le comprends, il a déjà une œuvre, et puis aujourd'hui, c'est comme l'édition, trop de livres, trop de films, trop de mêmes choses, je n'ai jamais compris l'échec de son film américain,
Ma vie avec John F. Donovan, film magnifique avec Nathalie Portman et le jeune Jacob Tremblay prodigieux. Dax (enfance) pendant 18 ans, Paris pendant 24 ans, Berlin 14 ans, Madrid (mélangé avec Berlin pendant un temps) 16 ans jusqu'à présent. Hervé, ta mort il y a 30 ans, mais regarde, tu es toujours avec moi, la preuve, la même année et le même mois que Léo, merci à mon R. pour les fleurs au Père-Lachaise. Jane Birkin est morte et on a peine à y croire, oh Jane tu vas manquer, c'est un peu dommage mais j'ai découvert son incroyable album Arabesque après sa mort, ah cette femme, mais j'avais quand même des disques d'elle à la maison, notamment son live au Casino de Paris, enfin je l'avais à Berlin parce que j'ai balancé presque tous mes cd et vinyls quand on est revenu à Madrid, triste mais j'avais pas la place ; mais j'ai gardé les pochettes sans les disques de mes vinyls phare comme certains Barbara ou
I will survive de Gloria Gaynor. Moi j'ai compris ce qu'il en était de la France donneuse de leçons, et de sa sphère politique, et surtout celle de gauche, quand j'ai vu les réactions qui ont suivi l'arrestation de DSK, ils étaient tous comme un seul homme pour soutenir le pervers, et sans un mot pour la femme de chambre du sofitel, pas un, l'hypocrisie de ces gens qui disent une chose pour en faire une autre, parlez-en à Denise Bombardier qui vient de mourir, elle en a même fait un livre tellement vu de l'étranger c'était la stupeur de voir ces gens de gauche soutenir tout ce que théoriquement ils disaient combattre, et ne pas soutenir ce que théoriquement ils disaient soutenir, j'en ai encore l'estomac retourné ; un peu comme les réactions où on excusait Cantat à la mort de Marie Trintignant. Vu le film Les amandiers de Valeria Bruni Tedeschi, sur l'école de Chéreau à Nanterre, j'ai beaucoup aimé, ça m'a rappelé ma période comédien, le cours Florent, Besnehard, Godard et tous mes amis théâtreux avec qui je rêvais. Bulletin météo : amélioration très importante après les orages de ces derniers temps, mais il faut encore garder son parapluie par prudence.
Les dessous chics C'est ne rien dévoiler du tout Se dire que lorsqu'on est à bout C'est tabou. Jimmy. ©
juillet 2023 : Les survivants - avec cette histoire de maladie et ce que j'en ai fait, j'ai eu l'impression parfois de ressembler davantage aux personnages de mes romans, davantage que eux pouvaient me ressembler, ils m'ont inspiré, quelque chose comme ça. Dans mon rêve j'étais dans la mer et tout à coup je réalisais que j'étais très loin du rivage, une immensité, terreur, et puis je ne sais comment, l'instant d'après je me rapprochais du rivage jusqu'à l'atteindre à nouveau (fait ce rêve 2 fois déjà). C'est très rare que les gens sachent dire leurs sentiments au plus profond, ou alors ils n'ont rien à dire au plus profond, ce doit être ça, ils vivent comme ça, mais j'en ai connu d'autres qui savent, souvent ce sont des amis de la jeunesse (D.), parce qu'eux ils savent bien ce qu'il en est, parfois il suffit d'un mot. Je viens de réécouter Barbara, je suis plein, retour à elle, ma murmureuse, ma force de vivre. L'Ange n'a pas besoin de trouver les mots : il est les mots. Qu'on me fasse pas chier avec le temps, le temps n'existe pas, rien ne meurt, tout est là, m'a dit ma mère un jour, reste fidèle à toi-même, tu pulvérises le temps comme ça : par l'unité de toi-même, je me comprends. Mon grand-père maternel disait que la vie est une longue traînée de merde et qu'on en bouffe un peu chaque jour, ils avaient perdu un fils à 26 ans, maladie des poumons, le frère de maman, il avait raison, on est tous des scatos dans cette vie, pourtant au milieu de cette merde y a des diamants bleus, ou verts, mais pour les voir faut aller les chercher, mettre les mains dans la merde, c'est la seule façon, les purs ont toujours les mains sales. Ce pauvre Jack Lang que par ailleurs j'aimais bien, s'est tellement fait opérer du visage que même Berlusconi comparé à lui ressemble à un éphèbe, comme quoi on peut être intelligent et être idiot en même temps. Dans aimer il y a le
je, il y a le
tu, et il y a le
nous, qu'est-ce qui l'emporte ? tous, il n'y a pas de nous sans je et sans tu. Vu sur HBO la magnifique mini-série documentaire 'The last movie stars', sur Paul Newman et Joanne Woodward. Paul Newman qui est sûrement un de mes deux ou trois acteurs préférés, si ce n'est mon préféré, disait que la vie est un champ de mines, lui aussi il a perdu son fils jeune, overdose, et il disait qu'il n'aurait pas aimé être son propre fils. Moi aussi j'étais en quelque sorte le fils de, fils d'un père exceptionnel et difficile, et très aimant, mais cela ne m'a jamais traumatisé, parce que j'ai toujours pensé qu'avant d'être le fils de, j'étais moi-même, et que j'avais à bien me tenir pour me mériter. Paul Newman a formé avec Joanne Woodward un couple légendaire et qui a perduré dans le temps, une de ses filles a dit qu'elle portait peut-être un coup à la légende en disant que ce n'était pas un amour facile, évidemment que ce ne l'était pas ! il n'y a pas d'amour facile, jamais, dans mon poème Les survivants en 1988, j'écrivais :
l'amour c'est d'avoir survécu. Il ne faut jamais avoir peur de risquer le ridicule, ni dans ta vie, ni dans ton œuvre, sans ça tu ne fais rien, tu n'es qu'un parmi les autres. La chance est un art (Paul Newman). Ce journal n'étant pas un bulletin médical, je laisse le reste à votre imagination. Jimmy. ©
juin 2023 : Tina - un ministre, français bien sûr, qui a un ministère important, écrit des romans en même temps, mais non Monsieur, il faut choisir, ou être ministre, ou être écrivain, c'est comme ça, quand on veut tout, on a rien, un écrivain est toujours un écrivain maudit. Un jour à Paris avec Hervé on était allés voir une médecin homéopathe, parce que je voulais lui demander des conseils pour limiter un peu les effets pervers de mes sorties du samedi soir, je lui avais donc dit que je prenais des amphétamines, en fait 2 amphétamines qui étaient un médicament coupe-faim, j'en prenais 2 le samedi et pas plus, et jamais les autres jours, et je lui ai dit aussi que je sniffais du poppers la nuit, elle était un peu interloquée et m'a dit que surtout le poppers c'était mauvais, et elle a ajouté, vous racontez tout ça avec tellement d'innocence, ça m'avait plus qu'elle dise ça. Dans cette vie j'ai rencontré très peu de gens honnêtes et cohérents, sur les doigts d'une main. Quand je publierai le blog de ce mois, j'aurai fini mes trente sessions de radiothérapie et de quelques chimio, il faudra attendre quelque temps pour savoir ce qu'il en est, je remercie les très rares personnes qui se sont inquiétées de moi, à commencer par mon frère qui a été au rendez-vous, moi j'ai jamais été famille dans le sens des liens du sang, enfin je crois, par contre j'étais très famille dans le sens de l'amour qui se construit, qui se bat, dans la famille, sûrement pas l'amour passif, je t'aime parce que tu es de la famille, ça non, je t'aime parce qu'on l'a gagné, on est allé plus loin que ces liens de sang qu'on avait pas choisis au départ. Je ne parle pas là d'Alfredo qui aura souffert de mon mal autant que moi et qui est le seul à qui je pardonne tout parce que quand on aime, on passe son temps à pardonner. Je n'en veux pas aux autres car après tout moi-même, et c'était un peu pareil du temps d'Hervé même si j'avais beaucoup d'amis à l'époque, moi-même à part Alfredo je me soucie de bien peu de gens, cela paraît dur de dire ça et pourtant c'est vrai, cet amour prend toute la place, mais jamais il n'a été une prison, sans mon amour je ne verrais pas le malheur des hommes,
Toutes les misères du monde, C'est par mon amour que j'y crois (Aragon), et quand je dis que je me soucie de bien peu de gens c'est vrai et c'est faux parce que je n'ai oublié aucun, aucun, de ceux et celles qui ont croisé ma vie et l'ont souvent rendue plus belle, voilà, si j'ai tenu bon aussi c'est grâce à cette phrase d'Hervé dans sa nouvelle 'L'Outarde' dont j'ai déjà parlé : j'ai fait mienne la maladie comme j'avalerais un insecte, elle ne fait pas partie de mon identité Dieu merci mais je ne l'ai pas refusée et je suis resté moi-même, c'est ça qui m'importe, de quoi sera fait l'avenir, trop tôt pour savoir, je rassure tout le monde : je mourrai bien un jour, en attendant j'ai des choses dans la tête, des choses de nous, de moi, des livres, des voyages, il faut toujours s'attendre au pire c'est la vie mais être prêt pour le meilleur, mon cœur est grand, il n'est pas je crois de désespoir capable d'anéantir mon envie de survivre, comme Ivan dans les frères Karamazov. J'ai toujours pensé que rien n'arrive pour rien, je l'ai pensé et souvent vérifié : tout se tient, j'ai toujours voulu vivre ma vie de manière romanesque, même là, c'est possible, même ce qui vous déchire, même ce qui est dur, surtout là, je me comprends. Trinquons. Santé ! Jimmy. ©
mai 2023 : l'insecte (à mon frère) - D. (25 ans) est sorti de prison à Berlin, il nous a écrit. Comme la vie peut se retourner en peu de temps, dans tous les sens d'ailleurs, comme le chante Dinah Washington dans This bitter earth, cette terre amère : Today you're young, Too soon you're old, aujourd'hui tu es jeune, trop tôt tu es vieux, et après ? ne pas larmoyer, tu veux vivre longtemps avec lui ? accepte de vieillir idiot, jeune tu le seras toujours c'est ton secret et ton mystère, vieux ? et bien vieux question de perspective, tu ne te drogues plus à la coke, tu bois une camomille, hilarant, tu ne fumes plus, et alors ! tu t'es mis à fumer vraiment à 32 ans, avant tu fumais juste parfois pour te donner un genre, sans avaler la fumée, tu adores le vin et en ce moment tu prends de la bière sans alcool, big deal, c'est juste le temps de la radiothérapie dans ton cul, big deal, oh je sais bien que je joue un peu les fanfarons ici, je sais, y a des nuits, y a des souvenirs, y a des angoisses, mais il est là et ça change tout, vous en avez peut-être marre que je parle de lui, Alfredo, mais faudra vous y faire, je l'aime et quand j'aime, j'aime, que j'ai peur de la mort ? c'est pas d'aujourd'hui, pour pas mourir j'étais prêt à tout, même à vivre c'est dire, et c'est pas faute de l'avoir côtoyée la mort, pour ça je suis un expert, je parle pas de la mienne on comprendra, non, la mort des autres, Hervé, Mark et les autres, un expert oui mais en même temps je suis pas devenu fan pour autant, d'elle, de la mort, dans l'absolu d'accord, à mourir pour mourir on en fait pas une histoire, et dans mon premier roman Ange se suicide à la fin pour se venger de la monstruosité de la vie, mais moi, moi tu vois je m'aime bien en Undead, j'aime bien survivre, c'est un peu mon métier quand même, écrivain mon cul, survivant je préfère, quand j'écris ici je joue toujours un peu au-dessus, j'exagère dans le détachement, ou peut-être que c'est là que je suis le plus dans mon vrai, je sais pas, j'ai pas raté ma vie, je l'aime ma vie, j'ai payé, je signe, j'ai aimé, il me sera beaucoup pardonné pour ça, comme Julien Sorel, ça oui j'ai aimé, et je continuerai, c'est la feuille de route comme on dit, aimer, bon voilà, je veux pas vous ennuyer davantage, et puis tu sais, j'en reboirai du vin, je me redroguerai, je sais pas à quoi mais je le ferai, à lui mon ange, je me droguerai à lui, et à moi, à tout ce que j'aime dans la vie et que cette salope de vie a toujours rechigné à me donner, je suis toujours allé le chercher sans demander son avis, c'est pas à elle que je dirai merci en tout cas, mais je le dirai merci, je le dis souvent d'ailleurs, avec ma mère on aimait dire merci. Selon la théorie de Thomas Bernhard, il faut retourner dans les hôpitaux régulièrement, en visite ou pas, pour ne pas écrire des futilités, pour se rappeler, je suis d'accord, et je suis servi. En ce moment je relis Les frères Karamazov et je revois de Funès, c'est le mélange qu'il me faut, ma chimio spirituelle. Il faudrait aimer cette phase cancer de ma vie, que je l'intègre à ma vie, que je lui donne du sens, une vie c'est aussi la maladie, faut faire comme dans la nouvelle de Hervé, 'L'Outarde' : j'avale le malheur, je le transforme, je le fais mien, comme un insecte. Chiche. Jimmy. ©
avril 2023 : berceuse Hervé me manque, Mark me manque, maman me manque, Barbara me manque, et Alfredo qui doit tenir lieu de tout, quel monde sur ses épaules, cet ange. Dans la vie tout est la vie, même la pire horreur, c'est pour ça qu'on continue quand même, on s'habitue à ne pas s'habituer, mais moi la vie je l'ai dans le collimateur depuis toujours, elle ne va pas me faire le coup de la vie est belle, les seules beautés que j'ai connues je les arrachées à sa sale logique. Pas envie ici de m'étendre sur les problèmes de santé que j'ai en ce moment, à la guerre comme à la guerre, mais en même temps si j'en parle pas je parle de quoi ? des petits oiseaux qui font cui-cui ? pas vraiment ma tasse de thé de parler de rien, j'ai écrit un jour à Alfredo qu'il était ma guerre et mon salut, je commence un nouveau roman qui naviguera entre deux années, 1978, l'année de mon
acceptation et du voyage d'un mois en Californie, et 2023, l'année de l'Australie (un mois) et des problèmes après, j'ai écrit aussi que dans la maladie je n'étais plus le maître du jeu, c'est à voir, je vais donc me remettre à écrire pour au moins être le maître du je, j'ai arrêté de fumer 2 semaines, puis j'ai décidé de faire ce que je faisais jusqu'à 32 ans : fumer sans avaler la fumée, une ou deux par jour, dans mon film de Godard, j'avais 30 ans, dans le film je fume mais je n'avalais pas, je ne crois pas que ça se voit. Alors tu dis le mot ? rien à foutre des mots qui sont que des mots, cancer, cancer, comme une berceuse, d'accord cancer mais je reste le même, JeanMichel, pas changé les amis, est-ce que je resterai le
undead, est-ce que Hervé me protège dans son au-delà, ma seule certitude, la seule, c'est lui, mon ange blessé par tout ça, mon héros fragile et si fort qui m'a dit qu'on était deux dans cette histoire parce que c'était comme si ça lui arrivait à lui aussi, sans lui je vais te dire je continuerais à fumer et puis bye bye, à mourir pour mourir, mais non, lui et moi c'est ça l'histoire, je suis toujours beau, je fais toujours du sport, j'emmerde la vie, je décroche pas, et rien ne finit, je vous le jure, rien ne finit, tout est là, pas de quoi se faire du mouron, parfois les nuits sont longues, les nuits qui n'en finissent plus comme dit Barbara, alors sa main, sa main dans la mienne, mon vieux JM t'as jamais attrapé le sida, alors te plains pas, sois toujours le même, la vie est un combat, longtemps que je le sais, cette sale vie qui ne m'a jamais intéressé que dans la mesure où je la contournais, où je contournais sa sale logique, où je l'empêchais de pas me pourrir comme elle sait si bien faire, la blessure intérieure que j'ai toujours eue à l'âme s'est logée dans le cul, ironie, voilà j'en suis là, enfant dans mes yeux y avait déjà tout ce que je pressentais, j'avais peur mais j'avançais quand même, et puis écoute, j'échangerais pas ma vie contre aucune autre, tu m'entends, aucune, de toute façon j'ai toujours mieux réagi face aux choses graves que face aux peccadilles, j'en ai fait la preuve, c'est comme ça, et puis c'est toujours d'aimer qui est la cause de tout, des blessures, même physiques, on souffre de trop aimer, on souffre de voir l'autre souffrir, mais il n'y a pas que ça, aimer est la cause de l'éternité, seuls ceux qui aiment vraiment savent ça, dans le malheur y a souvent le bonheur d'aimer (et inversement d'ailleurs), et pour les âmes sensibles qui s'inquiètent : c'est localisé, pas étendu, alors c'est le cas de le dire maintenant : à suivre. L'histoire ne fait que commencer. JeanMichel I. ©
mars 2023 : les vagues il paraît qu'il y a des couples qui lorsqu'ils partent en voyage loin, un mois sans décoller l'un de l'autre, ne se supportent plus à la fin et divorcent au retour : ils ne se connaissaient pas. Pas nous. On est partis, dans ce bout du monde australien. Pour moi l'important était de le faire, partir loin de mes choses. Dire que je n'étais pas inquiet parfois d'être si loin, pour des tas de raisons, serait mentir, Sang Inquiet je suis, Sang Inquiet je reste, et alors ? l'important est de ne pas avoir peur de sa peur. Alfredo qui s'émerveille moins que moi au quotidien, là s'émerveillait à chaque seconde, il était heureux et moi j'étais heureux qu'il le soit. J'étais tout dans ce voyage, plein de tout ce qu'est ma vie, c'est dire, tellement moi pour le meilleur et pour le pire. Surtout plein de lui, mon ange, il était tout ou mieux, il était dans tout, ce poison d'aimer, cette souffrance et cette vie transfigurée. C'était mon anniversaire, le turning point, cet endroit de la vie où tout peut arriver. Je ne vais pas ici faire une revue touristique de ce que fut le voyage, les hôtels, les valises dix fois faites et refaites (pas fan), les routes où il conduisait, les plages, le désert, les cigarettes à prix d'or dans ce pays horriblement no smoking, les ferrys, les moustiques, les gens qui te sourient, etc. Un voyage c'est d'abord un voyage intérieur, sinon à quoi bon. A la Public Library de Melbourne j'ai demandé si mon livre L'insecte y était, la fille m'a dit que non mais qu'il était à celle de Perth et Alfredo a dit à la fille que j'étais l'auteur du livre et que je demandais ça uniquement pour flatter mon petit ego. On riait beaucoup, on imaginait qu'on était Judy Dench et Maggie Smith en voyage en Australie, oh dear. Dans un avion, on a vu le début du film Le triangle de la tristesse (palme d'or Cannes) avec le beau Harris Dickinson et à un moment on a ri tellement que tout l'avion nous entendait. Ou alors on imaginait qu'on était ce couple en voyage qui ne se supportait plus et quand l'un parlait, comme l'autre ne voulait pas entendre, il chantait fort Poum Poum Poum Poum, je ne sais pas si c'est très compréhensible raconté comme ça aux autres. Moi qui ne supporte pas les insectes, dans le désert j'étais servi, insensé. Le désert là-bas c'est des terres rouges, ocre, c'est monotone et terrible, menaçant et ennuyeux, Alfredo conduisait, on était les seuls sur la route, j'ai pensé au Christ et ses tentations du désert. Dans certains restaurants, on a beaucoup parlé, puisque les restaurants sont faits pour ça, je buvais du vin australien Jack Shiraz (parfaitement). On a adoré Sydney où on a commencé et fini le voyage, sa plage de Bondi Beach notamment, on a connu des villes avec seulement 2 rues en croix, et la ville de Byron Bay avec ses garçons de plage, ça ressemblait un peu à Hossegor. Il y a eu beaucoup de beauté à contempler mais on recherche toujours l'au-delà de la beauté sans quoi on a le sentiment d'incomplet, je cherchais cet au-delà qui se dérobe sans cesse et qu'on a jamais fini de chercher jusqu'à l'épuisement. Voilà on revient, j'écris ces lignes dans l'avion, en Australie je lisais un peu Les vagues de Virginia Woolf, j'ai écrit à Alfredo qu'il était mes vagues à moi et qu'à côté les vagues littéraires étaient bien pâles. Et voilà oui, je reviens de loin, encore une fois, et on recommencera, c'est notre histoire. Là-bas j'ai dit à Alfredo que probablement j'écrirai sur ce voyage en le romançant à ma façon, mon moyen à moi de donner de l'éternité au passé, et du sens, j'ai déjà le titre. Jimmy. ©
février 2023 : grand large - un an après la mort d'Hervé, j'ai arrêté de travailler un an, contre à peu près l'avis de presque tous, je voulais cette parenthèse, et c'est durant cette année que j'ai recontré Alfredo, sans cette parenthèse je n'aurais probablement pas eu le temps du temps pour commencer notre histoire, le destin ça va se chercher. Le pessimisme c'est rien que de la lucidité, et l'optimisme c'est de la foi, et toi au milieu : le désespoir est un fait mais pas une manière de vivre. Le cri de Barbara à la fin de sa chanson sur le sida. Passé cette vie à revenir de loin. Elle ne pouvait aller qu'avec des garçons qui aimaient les garçons, elle nous aimait, elle a suivi les garçons dans leur au-delà. La Providence ? quand nous cherchions en décembre à retrouver, à Elizondo, celle qui travaillait à la maison quand j'étais petit et que nous aimions tant, je ne savais plus que son prénom et son nom, un nom comme il y en a des tas en Navarre, nous sommes entrés dans un bar à Elizondo pour prendre une bière et un sandwich, et il s'est trouvé que la propriétaire du bar était la sœur du facteur, qu'elle a appelé illico presto et qui lui a donné l'adresse exacte et l'étage, alors ? providence, destin, ce que tu veux. Les sommets du ridicule sont atteints, le maire, socialiste, de Pantin a décidé de renommer sa ville Pantine pendant un an, pour promouvoir l'égalité hommes femmes, mon Dieu, Pantin où s'est écrite la légende de la femme qui chante, elle ça la ferait sûrement rire, ou elle dirait que c'est bien, elle avait le cœur grand, toujours au combat, mais quand même, Pantine ! c'est pas gai d'en arriver là. On parle du changement climatique, des impôts, de la guerre, des élections, on parle de tout sauf de l'essentiel que sont les rêves, sur les rêves qui sont probablement la clé de notre mystère nous n'avons pas avancé d'un pas, rien, comme si on s'en foutait, et pourtant la science peut tout (soi-disant), mais en fait il est possible que le monde ne veuille pas avancer là-dessus, qu'il ferme les yeux parce qu'aller voir du côté des rêves serait probablement l'abîme et la fin de nos certitudes médiocres. Les histoires d'amour impossibles sont toujours romanesques et sont toujours le sujet de films ou de romans, mais les histoires d'amour qui durent sont encore davantage romanesques quand elles sont vraiment des histoires d'amour, et ne sont presque jamais le sujet de films ou de romans parce qu'elles sont bien plus grandes que l'art même et ne tiennent dans aucune réalité. Alfredo et ses tourments. Mais à force, je sais naviguer dans les zones de l'amour qui sont souvent tourmentées, grand vent, trou noir, puis plein soleil. Là-dessus lui et moi mettons les voiles vers d'autres cieux, un mois, lui et moi et personne d'autre, tourments ou pas, mal de vivre ou joie de vivre, grand large, extrémités, soleils rouges et noirs, explications plus tard, entre temps j'aurai un an de plus qu'y puis-je. Jimmy. ©
janvier 2023 : undead - À Mon père. La nuit dernière j'ai marché sur l'eau dans mon rêve. Vu le film The swimmers sur le destin de la nageuse olympique Yusra Mardini, réfugiée syrienne, film qui te met face à toi-même. À ce propos je me disais que Merkel entrera dans l'Histoire pour avoir réussi à intégrer dans son pays un million de réfugiés, ce faisant elle a allégé un peu- un peu- la tache originelle de ce pays tragique, souvent il suffit d'un seul geste, un seul fait pour marquer définitivement une vie. Je n'ai pas beaucoup travaillé dans ma vie à cause de la vie d'artiste que les autres n'imaginent pas combien elle est dure à vingt ans, mais j'ai quand même un peu travaillé, dans le sens où les autres l'entendent, et quand je fais un premier bilan je me dis que ce que j'ai fait dans les choses de l'art m'aura rapporté bien peu d'argent par rapport aux autres boulots, et pourtant, et pourtant j'aurai bien plus contribué à ce monde imparfait par mon art que par mes boulots d'attaché de presse dans des cabinets ministériels à la con (heureusement que c'était sous Mitterrand) ou comme professeur dans un système que je haïssais pour flatter la médiocrité, mais c'est ainsi, artiste maudit, ça me va. Fait un rêve éblouissant la nuit dernière, éternel, je ne me souviens de rien, juste quelques vagues images, c'était trop loin de notre pauvre réalité dont seul aimer permet de s'échapper, mais je l'ai bien rêvé, ce voyage. Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi beau quand il dort. Barbara dit dans Mon enfance :
il ne faut jamais revenir au temps caché des souvenirs du temps béni de son enfance, car parmi tous les souvenirs, ceux de l'enfance sont les pires : ceux de l'enfance nous déchirent, c'est vrai et pourtant je suis revenu, avec Alfredo, ce qui fait peut-être la différence, j'ai tout revu, la maison n'était plus à nous, son âme envolée, la ville de l'enfance où je promenais la solitude splendide qui préparait les soleils et les douleurs, et pourtant, je n'étais pas si déchiré que ça, comme si le temps n'était qu'une illusion, rien ne finit vraiment, tout est toujours là, c'est ce que disait ma mère dont l'absence certes nous déchire, et pourtant, j'ai revu la mer et les vagues devant quoi je rêvais ma vie que je n'ai pas fait que rêver, nous sommes partis à la recherche dans le pays basque de celle qui travaillait à la maison quand on était petits, je l'ai retrouvée cette adorée, elle m'a reconnu, et les souvenirs, elle se souvenait qu'à 9 ans je voulais être évêque et que j'étais fou de Mireille Mathieu, c'était irréel et tellement là en même temps, le temps a passé, ai-je tellement changé, Alfredo empêche le passé d'être passé et de me déchirer, je suis revenu oui mais je n'étais jamais parti parce que même autrefois je ne cessais de partir, partir mais rester c'est le fil conducteur. Et voilà, ce blog va enterrer cette année 2022 qui m'aura laissé un goût mélangé d'ombres et de lumière. Bonne année donc avec un peu d'avance, je pense aux uns et aux autres, j'aurais aimé faire plus pour les uns et les autres mais comme dirait aussi Barbara :
et pour mes frères ça ira, j'ai fait ce que j'ai pu faire, si c'est peu, si c'est rien, qu'ils décident eux-mêmes. Quoi qu'il en soit, il y a toujours aussi peu de chances qu'on détrône le roi des cons, sur ça rien de nouveau sous le soleil. J-Aime. ©
décembre 2022 : le retardé - les enfants qui se font harceler en classe se vengent souvent ensuite avec des vies qui resplendissent de leur personne, alors que les harceleurs après leur pseudo vie adolescente entrent dans le moule des gens mortellement normaux. J'étais en première au collège, j'étais le premier de la classe depuis longtemps, mon voisin d'études s'appelait Francis et n'était pas du tout bon élève lui, et pourtant la vérité c'est que c'était Francis qui était en avance sur moi, il avait 17 ans et il adorait Brassens, moi j'étais un peu retardé à l'époque, je regrette pas d'ailleurs, pour toutes les découvertes que j'ai faites par la suite, mais néanmoins je voulais lui rendre hommage à mon Francis, ça m'avait pas enchanté au début d'être assis à côté de lui à l'étude mais après on s'est très bien entendus, le retardé et l'amoureux de Brassens, Brassens que moi j'ai vraiment découvert quand je devais avoir 30 ans quelque chose comme ça, la révolution Brassens, comme il écrit cet homme, ce qu'il dit et comme il le chante, je viens d'acheter une intégrale de Georges et je me pâme à nouveau. Pour moi l'homosexualité ça n'a jamais été que le sexe, loin de là, même et surtout d'ailleurs quand j'avais 20 ans, c'était bien plus que ça.
Faut voir à pas confondre amour et bagatelle (Brassens). C'est l'anniversaire de le mort de Barbara, 25 ans, je suis encore dans les salles de concert d'elle, elle m'a donné cette force de vivre incroyable qui était elle. À propos d'enterrements je me disais que lorsque je vieillirai, je n'aurai pas à assister comme les autres à un tas d'enterrements, puisque l'essentiel de mes amis sont morts jeunes, ils seront toujours jeunes, c'est l'unique lumière au tableau. Vu avec Alfredo un film sur deux homosexuels dans les années 50 au Royaume-Uni, quel calvaire ils auront vécu les gays autrefois, pour simplement être coupables d'aimer, nous sommes la minorité la plus martyrisée, et cela continue encore, ailleurs, quelle rage cela me donne, et de ce point de vue-là oui je suis fier (c'est pas vraiment le mot mais bon) d'avoir écrit L'insecte. Pourquoi reviendrais-je vivre en France, ce pays est déprimant à tous égards. Alfredo me demande parfois si je sais des choses sur le passé de mon père, avant, avant qu'il ne connaisse ma mère, et quel passé, lui le fils de paysans de Navarre en Espagne qui est venu conquérir la France, et ma mère, la Parisienne, mais non, même si bien sûr à la longue j'ai su des choses, et de ma mère aussi, elle qui avait perdu son frère quand il avait 26 ans, les poumons, mais voilà, je n'interrogeais pas mes parents sur ça et eux non plus n'avaient pas envie de parler de ça, c'était ça notre famille, elle était
là, juste là, comme une île, c'était notre force et notre fragilité aussi, cette île sans passé ni bagages, nous n'étions que nous et c'était immense, même si nous allions régulièrement dans la famille de mon père et que cela me paraissait tout naturel en dépit des différences de vie et d'argent aussi faut bien le dire, une île oui, sans passé, magnifique. La voix est-elle le reflet de l'âme ? Jimmy.
novembre 2022 : miracles - il y a ce garçon, ami d'Alfredo, je le connais aussi, jeune, de Lettonie mais habitant Berlin, un garçon bien, pas la vie facile je dis que ça, pas de chance avec sa famille et tout le reste, bref on vient d'apprendre qu'il est en prison et le jugement est demain, c'est sûrement pas très grave surtout connaissant les flics allemands mais voilà, et j'ai dit à Alfredo, c'est quand même toujours les mêmes à qui ça arrive, ça me ressemble pas toujours de dire ça et pourtant oui je le pense, les répugnants qui se trimballent en liberté et d'autres comme ce garçon, D., qui commencent dans la vie avec tout contre eux et quoi qu'ils fassent, avec leur orgueil piétiné. C'est fatigant de survivre. Comme dit Barbara, il faut vigiler sans cesse dans la vie, mais c'est épuisant de vigiler sans cesse alors il faut aussi s'accorder des moments où on en a plus rien à péter. C'est pour ça aussi qu'on est bien à Madrid, ici quand tu es piéton et que tu traverses au feu, si le vert devient rouge et que tu es prêt à traverser, les voitures te laissent passer, ils te font même un signe pour y aller, en Allemagne si tu traverses au rouge comme piéton, c'est le meurtre assuré. Ça y est Alfredo a obtenu la nationalité française tout en gardant l'espagnole, et moi je vais faire de même dans l'autre sens, et comme ça j'aurai le nom de ma mère en deuxième nom sur ma carte espagnole (Joly), il faut juste attendre un peu. Toujours voulu, dans le bonheur comme dans le malheur, vivre ma vie comme un roman, dont je serais l'auteur, de préférence. Pas aimé du tout Peter von Kant de François Ozon, quel ennui, rien ne me touche là-dedans, même Adjani, mais bon, Isabelle je l'aimerai toujours, j'ai mes raisons. Dans le film "Le miraculé" de Jean-Pierre Mocky, Jean Poiret qui s'appelle ici Papu, est dans une chaise roulante que conduit Jeanne Moreau et il va à Lourdes dans l'espoir d'une guérison, d'un miracle quoi, et à un moment, à Lourdes donc, Papu fume le cigare sur sa chaise roulante et une religieuse qui passe lui dit, Monsieur (ou mon frère je ne sais plus), Monsieur votre cigare ! et Papu de répondre à la religieuse, eh tu veux le voir mon cigare ! J'adore ce nom de Papu, je pourrais signer mon blog comme ça, Papu, mais non, finalement Jimmy c'est mieux. Ce miracle que Barbara soit morte (il y a 25 ans ce mois-ci) et que pourtant j'écoute encore sa voix qui chante, ça c'est un miracle, cette présence que rien ne tue. Rien de plus répugnant que ces images affreuses de maladies sur les paquets de cigarettes, là tout est dit sur l'époque dans laquelle nous vivons, une part d'elle en tout cas : mensonge et bonne conscience. Mitterrand fut le dernier roi de France, c'est fini maintenant, tant pis, tant pis pour eux parce que moi, moi je suis loin. Finalement on aime surtout quelqu'un pour ses imperfections, ses blessures, physiques et morales, et on s'aime aussi soi-même avec ses faiblesses, ses défaites, on prend tout. Jimmy Papu. ©
octobre 2022 : I will survive, hey, hey - Je n'ai peut-être plus 20 ans, d'accord, mais je suis toujours moi. Moi je suis élitiste et très
main stream en même temps, ça m'a toujours plu de pas être où on veut me mettre. La reine est morte et ça y est : il n'y a plus personne. Godard est mort, vive Godard ! Certes Godard m'a dirigé plusieurs heures une nuit en Suisse et j'étais le seul acteur de la scène, mais mon vrai souvenir c'est quand j'ai rejoint après le tournage Hervé et Mark qui par hasard louaient à la frontière un chalet dans la neige, Hervé m'a fait couler un bain chaud quand je suis arrivé, on vivait dans la cuisine qui était la seule pièce chauffée, on jouait au monopoly et on dormait sous des montagnes d'édredons. Je n'en ai pas parlé lors du dernier blog et pourtant ç'a commencé début août, nos dernières semaines à Berlin, adieu Berlin, vendre l'appartement, le vider, adieu l'Allemagne, adieu le lieu du crime, il était temps, Alfredo se démenait pour toutes les procédures administratives et Dieu sait qu'il y en a avec ces Allemands, et puis bang ! peut-être le résultat de tout, de tout vivre, malheur et bonheur, de tout endurer, d'être trop moi, trop libre, d'aimer trop : l'aile de la mort m'a caressé, j'étais anéanti, tunnel, je ne sais pas dire les mots, hospitalisation de huit jours à Berlin, justement les derniers jours avant de quitter la ville, et moi tout ce que je sais c'est que j'avais l'angoisse monstrueuse de ne plus le voir lui, d'en être séparé de vie à mort, et l'angoisse monstrueuse de sa souffrance à lui, mon Alfredo, je ne voulais que lui, lui seul pouvait me sauver, je disais merde à la terre entière qui demandait des nouvelles, c'était une appendicite mais tout le monde sait qu'on peur crever de ça, j'aurais pu, antibiotiques par intraveineuses pendant huit jours dont on ne savait pas s'ils feraient effet, il me visitait l'après-midi, je le reverrai toujours de la fenêtre de ma chambre quand il arrivait avec son sac pour m'apporter des choses, et en même temps il continuait à s'occuper de l'appartement, la notaire est passée dans le jardin de l'hôpital pour que je signe une procuration à Alfredo pour signer à ma place, la mort marchait dans la rue, Alfredo est fragile mais quand il est fort il est plus fort que tout, ce héros, le mien, on est début septembre et je viens d'être opéré de l'appendicite à Madrid, les antibiotiques ayant finalement fonctionné à Berlin, les médecins à l'hôpital de Berlin disaient que j'étais un
healthy man, vraiment ? dans l'avion qui quittait Berlin, j'avais l'impression d'être un prisonnier retournant à la liberté, on se remet toujours de tout dans cette vie, je m'en remettrai probablement, undead, mon amour a grandi au fur et à mesure qu'il guerroyait et suait le sang, la vie dite normale reprend et j'ai dit à Alfredo, tu vois, ces jours à l'hôpital c'était terrible mais c'était intense, il a dit que oui, qu'il savait, et je sais qu'il sait, dans un couloir de l'hôpital un matin j'avais pleuré des larmes que je ne pleurais plus depuis des années, et ce que je viens d'écrire est tout petit par rapport à ce que j'ai vécu, iceberg, c'est rien les mots mais j'ai que ça, comprendra qui comprendra, et d'ailleurs je n'ai rien dit, c'est ça aussi le privilège des mots, de tout dire et de ne rien dire à la fois. C'est bien parfois de se complaire dans la souffrance quand on a survécu. Jimmy. ©
septembre 2022 : A - quand Romy Schneider est morte, le journal Le Monde ne l'a pas mis à la une mais seulement à l'intérieur, dans les pages culture, bravo pour eux d'avoir été si minables, elle n'était à l'époque pas assez intello pour ces minables, aujourd'hui ils parlent d'elle sans arrêt, trop tard camarades, elle est morte, trop tard les intellos de mes bottes. Décidément on vit dans le risible, le gouvernement espagnol a organisé une campagne de communication cet été qui en substance dit que tous les malformés, grosses et compagnie, sont les bienvenus partout et doivent eux aussi s'amuser comme des fous, big deal, d'abord qui dit qu'ils ne s'amusent pas comme des fous, ce genre de machin ne fait que stigmatiser un peu plus, on en croit pas ses yeux d'en arriver là, et puis d'ailleurs c'est idiot, mieux vaut être mince que gros, ne serait-ce que pour la santé, et pour le reste pareil, bientôt on aura même plus droit de dire qu'on aime la beauté, la mort de Mort à Venise en somme. Je n'ai jamais adoré les tout petits enfants et cette manie de baver devant des êtres qui n'ont encore rien fait d'eux-mêmes, même quand j'avais vingt ans au restaurant, une table avec des enfants ça me portait sur les nerfs, mais le pire ce sont ces petites filles qui pleurnichent sans arrêt et qui sautillent constamment. Maintenant on fait jouer des Blacks dans des films d'après les romans de Jane Austen, en un sens c'est bien mais je crains que ce faisant on nie leur histoire, et même leur présent. J'ai grandi dans les Landes mais Paris était omniprésent, je vivais entouré de fermes et de nature, petit j'allais chercher des œufs frais chez 'la dame des œufs' mais, à part mon père qui venait de la Navarre espagnole, ma mère c'était Paris, mes grands-parents maternels, Paris, ma grand-tante et son mari, Paris, j'ai rêvé de Paris très tôt, c'est le moins qu'on puisse dire, et le lien à l'époque avec Paris, c'était la radio, quand j'ai fini par vivre enfin à Paris je crois qu'il ne se passait pas une journée sans que je me dise, mon Dieu je vis à Paris, c'était charnel, spirituel, total. Quand j'avais 17 ans, Paris c'était : la solution. Trop de séries à la télévision, trop d'infos, trop de malheur, trop de tout. Moi j'aime les gens tendres, plus que les gens sensibles. Le monde d'aujourd'hui est désespérant mais le désespoir n'est jamais la solution, fuck le désespoir, parce que comme dit ma murmureuse,
une larme sera toujours une larme et un sourire un sourire, et Dieu merci d'ailleurs. Et puis comme dirait Dalida, qu'est-ce qu'on est bien quand on est paf, alors buvons ! la vie n'aura pas ma peau. Il faut accepter l'inachevé, il faut même le vouloir, tout est inachevé et heureusement, la vie, inachevée, un roman, inachevé, l'amour, inachevé, et peut-être même bien la mort, inachevée. Alfredo et rien d'autre, je me fous du monde entier. Jimmy. ©
août 2022 : outsiders - plus ils ont l'air de ne pas avoir inventé la poudre, plus ils ont le nez dans leur mobile. Le sort des homosexuels dans l'histoire a peut-être été le pire de toutes les minorités, nous sommes une histoire, et continuons de l'être quand tu penses à tous ces pays où les homosexuels vivent un enfer permanent, nous sommes cette histoire-là : mourir d'aimer. Je trouve pathétiques certains efforts systématiques pour plaire aux gays de la part de certains journaux, les gays pourraient leur chier à la gueule ils en redemanderaient, mais ça n'a rien à voir avec le vrai combat pour nos différences. Moi je n'ai jamais vraiment été quelqu'un de curieux, mais j'aimais ce que j'aimais, totalement, j'étais passionné. Nous vivons au cœur d'un mystère permanent. Il y a encore peu d'années nous les gays on était des rebelles, des outsiders, des libertés qui volaient, aujourd'hui on est devenus plus normaux, on peut être nostalgique de ça mais pas de regrets pour autant.
On ne peut rien écrire de grand sans risquer le ridicule. (Romain Rolland,
Jean-Christophe). J'ai un ami marocain qui a aimé un garçon français, puis le garçon est mort du sida, alors il est retourné au Maroc et s'est marié, je me demande si un jour sa femme saura son passé, et ses enfants s'il en a, probablement pas et je pense à ces vies, tant de secrets cachés, d'amour ignoré, parce que j'en suis sûr son grand amour ce fut l'autre garçon. Moi je ne pourrais pas cacher mon passé, quand j'ai connu Alfredo la première chose dont je lui ai parlé c'est d'Hervé qui était mort deux ans avant, et Alfredo a tout pris de moi, tout ce passé présent, il a compris qu'il ne pourrait pas m'aimer sans tout prendre, il a eu cette grandeur que personne d'autre n'aurait eue, parce que ce passé n'était pas toujours facile à porter même si tout ce que j'avais à donner, et j'en avais, n'aurait jamais pu exister sans ça. Tu peux avoir vécu des horreurs, la vie et les gens n'auront pas pour autant de pitié pour toi, au contraire, c'est pour ça qu'il ne faut jamais jouer les victimes, ne pas mentir mais rester conquérant même dans son malheur. La France n'a plus de roi, de quelque sorte que ce soit, ça explique bien des choses. Mark mon chéri, tu commençais souvent tes lettres en me disant :
mon trésor, je les relis tes lettres, et tu es là. Ces gens qui pensent là où on leur dit de penser, jamais rien eu à faire avec eux, depuis toujours. Avec ma mère on a eu des moments difficiles mais c'était par amour, on était si proches, dans des chansons qu'on écoutait ensemble, une parole dans la chanson, ou dans des films, un regard dans le film, on sentait tout pareil très souvent, là où les autres sentaient rien du tout, c'était terrible et grandiose d'être aussi proches. Ah elle savait entrer sur scène, ma murmureuse, les mains tendues vers nous, c'était la messe, le corps du Christ, la passion. Je pensais, c'est drôle tous ces personnages des romans que j'ai écrits, avec qui je vis depuis tant d'années maintenant, qui m'ont construit autant que je les ai construits. Jimmy. ©
juillet 2022 : j'ai horreur de forcer, même demander l'heure dans la rue je n'aime pas, il n'y a que moi que j'ai souvent forcé. Qu'est-ce qu'écrire ? c'est se vider de toute son énergie. L'Insecte, c'est un livre qui devait être publié, un livre contre le silence, mais mes autres livres, en tout cas plusieurs d'entre eux, même si j'ai voulu avec acharnement pendant longtemps les publier, aujourd'hui en fait j'ai compris que s'ils étaient publiés, je me sentirais dépossédé, peut-être pas trahi mais dépossédé. Cette phrase de Romy Schneider sur le courage qui décourage : je donne du courage à un homme, et par mon courage je le décourage merde ! pourquoi ça n'aide pas ? ça leur fait peur. Elle était Romy de ces rares artistes comme on en fait plus, elle était UNE, dans sa vie et dans son art. J'ai adoré le film Le Redoutable sur Godard avec Louis Garel dans le rôle du Maître, et d'ailleurs j'aime Louis Garel, et cette réplique : c'est dommage que vous partiez de New York si tôt, et Godard qui répond : on ne dit pas New York si tôt mais New York City ; quand j'ai tourné avec le Maître, en Suisse, une après-midi avant le tournage, je devais passer chez lui dans sa maison pour répéter, la maison était perdue je sais plus où, pas facile d'y aller, mais le Maître n'a pas ouvert, parce qu'il dormait, il a toujours été un grand dormeur, ça nous a pas empêchés de tourner la nuit, j'étais le seul acteur, ça s'est plutôt bien passé entre nous mais le lendemain il était redevenu froid, il a dit qu'il fallait que je travaille ma voix, moi j'ai rien travaillé du tout, je me suis rendu compte que, moi qui voulais créer, là je créais rien du tout, le créateur c'était lui, c'est de là que ça date plus ou moins, d'abandonner mon métier d'acteur à peine commencé, et de me mettre à écrire, je lui dois ça au Maître : d'être devenu écrivain. Quand j'ai écrit Vie d'Ange, mon premier roman, il y avait une scène importante dans le livre, celle d'un enfant qui lave les vitres des voitures arrêtées à un feu, pour de l'argent, alors après avoir terminé le livre, je suis allé rue du Pont-Neuf où se passait la scène, il y avait un jeune garçon, il y en avait toujours, au feu, qui lavait les vitres, je l'ai appelé, il avait le regard méfiant, je lui ai expliqué vite fait et je lui ai donné 200 francs, évidemment il n'en revenait pas, je suis reparti, je me suis retourné, on s'est fait un signe de la main, peut-être qu'il s'en souvient encore aujourd'hui, moi oui. Romy Schneider est aussi peut-être morte de ça, d'avoir voulu, constamment, dans certains de ses films aussi, et elle avait appelé ses enfants David et Sarah, se confronter au passé nazi de là où elle venait, d'autres pourraient dire, mais elle n'en était pas responsable alors pourquoi, parce qu'elle était elle, cette femme avec son spleen germanique, qui n'en avait rien à faire de ne pas être elle-même responsable, la blessure était là, on peut mourir de ça. Quelle est la voix qui de toute ta vie t'aura le plus atteint, là, au creux, au tréfonds : sans aucun doute et de loin celle de Barbara. Sur scène elle chantait le sida révoltée et sans jérémier. Ma mère me disait toujours que je voulais toujours être le seul, pour tout, ce n'est pas vrai, je ne voulais pas, je l'étais, à quoi bon vivre si on ne se croit pas unique, même dans le malheur et les défaites. On était tous passés à l'émission des jeunes comédiens à la télévision et puis on était allés dîner près de chez moi, à la Contrescarpe, il y avait L. dans le groupe, peu de temps après il est entré à la Comédie Française, on se souriait, à un moment il m'a glissé un papier, dessus y avait écrit : "j'ai envie d'être seul avec toi". Si on te demandait, c'est quoi la beauté ? tu dirais quoi ? je dirais que c'est le visage de mon amour, parce que sans cet amour toute beauté serait laide. Dostoïevski dans L'adolescent :
il se passait ce qui arrive toujours : le plus aimé est le premier offensé. Jimmy. ©
juin 2022 : moi je suis de deux horizons, de Paris par ma mère qui y a passé son enfance et sa jeunesse, et du pays basque espagnol par mon père, et je me rappelle quand on y retournait avec lui, les longues tablées à la ferme avec des plats qui n'en finissaient pas et qui m'émerveillaient, je me suis toujours senti des deux côtés, plus de Paris pendant longtemps mais ensuite la balance s'est équilibrée avec ma rencontre avec Alfredo. Arno vient de mourir, je suis triste, nous avions Mireille Mathieu en commun, et sûrement bien d'autres choses, il paraît qu'elle a enregistré juste le jour de sa mort sa partie du duo qu'il voulait faire avec elle et qu'il l'a su, il sera content, il l'aimait ; et que ce type, tellement artiste, tellement fragile, tellement magnifiquement cabossé, aime comme moi Mireille Mathieu, ça écrase d'un trait tous les connards qui ne l'aiment pas (ou ne l'aimaient pas, parce que maintenant ils se rendent à sa grandeur), et puis c'est tout. Le fils de Paul Auster, déjà accusé de la mort involontaire de sa petite fille de 10 mois par overdose, vient lui-même de décéder d'une overdose, ma première réaction a été de penser au père et de me dire que ça sert à quoi d'être aussi célèbre et d'écrire des tas de choses sur les gens si t'es pas capable de sauver ton propre fils, c'est peut-être con de penser comme ça, j'ai pas tous les éléments pour savoir, la famille c'est un nœud terrible, mais bon ç'a été ma première réaction. Blessé, lacéré, je cicatrise, mais la cicatrice. Je déteste la maladie, quelle qu'elle soit, parce que c'est le seul endroit où je ne suis pas tout-puissant, alors pour le reste tu es tout-puissant ? oui, plus ou moins, libre en tout cas. Il est mon fils et mon amour à la fois, et d'ailleurs il a toujours dormi comme un enfant. Bon et maintenant c'est Régine qui est morte, grande amie de Barbara, et elle était aussi amie avec Simone Veil, je me rappelle l'avoir vue à la télévision chanter quand j'étais petit et j'avais dit à ma mère qu'elle n'avait pas une voix incroyable, ce à quoi ma mère qui s'y connaissait en la matière m'avait répondu que oui mais qu'elle avait autre chose, et elle avait raison, autre souvenir, quand elle s'était produite à Hossegor, j'avais 9 ans et j'étais allé la voir répéter, et puis après je lui avais demandé un autographe qu'elle m'avait donné très gentiment je me souviens, y aura sûrement un Regine's là-haut, si Dieu n'est pas collet monté. Finalement on m'aura souvent aimé en me punissant d'être ce que je suis, même inconsciemment, puni de trop d'âme comme dit Caligula, et finalement aussi je le comprends, ça, aimer est ce qu'il y a de plus mystérieux, sûrement pas de plus simple. Si j'ai dit l'autre fois que ma mère et Barbara me manquaient et que je n'ai pas mentionné Hervé, c'est parce qu'Hervé oh certes me manque mais qu'il m'est resté toujours présent depuis sa mort, et que nous le savions tous les deux. Qu'une relation soit belle les premiers mois c'est facile, mais que cette relation reste belle toute une vie, c'est ça l'œuvre d'art. Je l'écoute et elle me guérit du mal de vivre, toujours, sans exception, ma murmureuse. Aimer c'est pardonner ce qu'on ne pardonnerait jamais à n'importe quel autre. La mer, avec l'Ange. Jimmy. ©
mai 2022 : sang inquiet - quand je donne un billet à quelqu'un dans la rue, je suis content de moi, et un peu coupable aussi d'être content, mais c'est idiot, on ne peut pas vivre tout le temps dans l'auto-flagellation permanente. Il y a cette femme dans la rue, élégante, elle porte un manteau de fourrure usée, mais elle a l'air de vivre là, dans la rue, je pense à sa vie, avant, je pense à Mark et cette injustice comme il disait : pourquoi eux et pas nous, un jour je lui ai donné un paquet de cigarettes mais la dernière fois elle en a pas voulu, je la vois fumer, je me dis, qu'est-ce qu'il lui resterait si on lui enlevait ça, la cigarette. Maman disait souvent qu'on s'aimait trop, ce qui était vrai, mais y a pas d'autre façon d'aimer, c'est trop ou rien. Être toujours du côté des opprimés. Tchétchénie, camps de concentration pour les homosexuels. Il y a peu de chance qu'on détrône le roi des cons (Brassens). Le jour où on ne me regardera plus dans la rue ce sera la fin ah ah. Dans mon livre L'insecte je ne me suis pas appelé Sang Inquiet pour rien, toute ma vie j'ai eu peur, mais toute ma vie j'ai lutté pour ne pas avoir peur de ma peur, la vie c'est comme une grande scène, si t'as pas le trac, t'as pas de talent, et ne pas voir que tout donne peur dans cette vie, c'est passer à côté de la vie. J'avais vingt ans et j'avais attendu vingt ans pour ce baiser, ce baiser de rien qui fut tout après vingt ans passés à l'attendre. Avec Alfredo on est d'accord : l'élection présidentielle est devenue la tare des institutions françaises, le grand n'importe quoi ; quant à être élu ou réélu face à l'extrême droite, big deal, même une chèvre le serait. Toujours réécouter Chavela Vargas. Mort de Michel Bouquet, un géant, un vrai lui. Il y aura un hommage national aux Invalides pour Michel Bouquet, je me demande s'il aurait aimé ça, mais c'est soi-disant le souhait de sa famille, néanmoins cette récupération des artistes par le pouvoir c'est pénible à la longue. Maintenant quand j'écris, tout ce que je recherche c'est que ce que j'écris ressemble à mon monde, rien de plus, rien de moins. J'aimais Michel Bouquet profondément, sa rigueur, mais je ne l'ai jamais vu au théâtre et ça je le regrette même si je ne suis pas fan des regrets, mon très cher Ch. me dirait probablement que je ne peux pas dire que j'aime Michel Bouquet sans l'avoir jamais vu sur une scène, il aurait probablement raison, mais je n'aime pas jeter l'anathème, même à quelqu'un qui dirait aimer Barbara sans l'avoir vue sur scène, et Dieu sait que... Je pensais que la pandémie serait une prise de conscience sur le monde comme il va, mais je me suis trompé, rien, le vide, ça gueule toujours autant dans les stades et comme l'écrit Aragon,
le malheur au malheur ressemble, il est profond, profond, profond. Il paraît (dixit Le Monde) que les cabinets ministériels sont remplis de clones, moi quand j'y étais j'étais pas un clone je te le dis, et d'ailleurs au bout d'un moment je les ai laissés là, je faisais toujours figure d'oiseau rare dans ce milieu, je les aimais pas trop, eux me regardaient en souriant du haut de leur soi-disant importance mais en fait ils devaient me jalouser. En voyant le film Coda je me disais ce que je me suis souvent dit, que les véritables héros dans cette vie sont les héros anonymes. Mon Dieu comme Barbara et ma mère me manquent. Jimmy. ©
avril 2022 : l'Ange m'a dit qu'il (donc nous) avait donné de l'argent pour l'Ukraine, histoire de ne pas se sentir totalement impuissant, ça c'est moi qui le dis. On voulait en finir avec 2020 en espérant que 2021 serait meilleur, puis on a voulu en finir avec 2021 en espérant que 2022 serait moins pire, et bien nous y sommes, en 2022, et ça commence en cauchemar. Quelqu'un a dit à l'Ange que le confinement aura servi à nettoyer les mariages, autrement dit : beaucoup de divorces, pour nous ce fut le contraire, on a jamais été aussi proches que là, confinés, rien que nous deux, c'est ainsi. Il a dit qu'aujourd'hui était un jour historique : nous retournons au cinéma (le film Les illusions perdues). J'aurais fait un bon médecin, un peu drogué peut-être mais 'avec méthode' comme disait notre copine Lola Flores, et j'aurais fait un encore meilleur avocat, mais j'ai choisi le métier d'aimer, c'était en moi, et c'est ce qui m'aura permis d'écrire mes livres, mes zinzins, comme dit ma grande murmureuse. Dans le rêve j'étais dans une voiture décapotable avec Alfredo, comme en Amérique c'était une immense route au milieu des déserts, cela n'a pas duré longtemps mais je lui disais que c'était là que j'étais le plus heureux, comme ça, avec lui sur la route. Adolescent j'avais rêvé aussi d'une voiture décapotable que conduisait un beau garçon plus âgé que moi, c'était un rêve de bonheur absolu, je m'en souviens encore aujourd'hui. J'entendais parler Xavier Dolan, que j'aime beaucoup, il dit que ce qu'il recherche dans ses acteurs masculins c'est leur féminité et que ça n'a rien à voir avec être homo ou hétéro, il a raison, j'ai connu des garçons gays lourds comme des camions et des garçons hétéros magnifiques de sensibilité, d'ailleurs je m'entends toujours très bien avec ces derniers même si j'ai fait mon histoire avec les premiers (les garçons gays mais pas lourds, mes potes). Cette chose qu'il y avait chez nous, dans notre maison, quand j'étais enfant, adolescent, cette île que c'était, ce refuge, c'était elle, ma mère, son œuvre, son chef d'œuvre, elle était mon artiste comme je l'avais écrit dans un poème, l'artiste de cette maison-là, que j'ai eu tant de mal à quitter, et pour cause, pourtant ils en recevaient des gens mais c'était quand même notre île, je ne sais pas si ça existait comme ça ailleurs, je ne crois pas, elle qui était si maternelle et pas du tout parfois, la mère libre, et pourtant je voulais partir, vivre ma vie, pas la leur, et les garder en même temps, sans mensonge, tout dire pour ne pas les perdre, on aurait aimé que ça ne finisse jamais la maison tout en sachant que c'était impossible, parce que c'est là que je rêvais ma vie, la maison elle a permis ça, les rêves qui sont devenus réalité, est-ce que c'est elle aussi qui m'aura appris à aimer, parce que la maison c'était ça au bout du compte, son amour et celui de mon père qu'elle adorait et admirait, sûrement oui mais pas tout à fait, j'avais ça en moi, aimer, c'était au-delà d'elle, peut-être même au-delà de moi. Arno, qui malheureusement lutte contre un cancer redoutable, et qui, ça c'est plus gai, est comme moi fan de Mireille Mathieu, dit que dans la voix on sent l'âme, ce qui est sans doute vrai. Jimmy. ©
mars 2022 : C'en est assez de vos violences - il ne faudrait jamais dire, je t'aime, seulement le penser, avec vigilance. Dans mon rêve cette nuit, je revisitais un restaurant où on allait avec Hervé et Mark, le restaurant était vide dans le rêve, le patron faisait des choses dans la salle, il me demande ce que je fais là, je lui explique que je voulais revoir l'endroit parce que j'y allais avec deux amis morts aujourd'hui, le restaurateur était tout petit et masqué de haut en bas, et puis je retrouvais même la table où on mangeait. Isabelle Huppert a vraiment embelli avec l'âge. Merci chlobenzorex, je te dois des moments d'éternité et de salut... et un ange. Moi dans le sexe j'étais pas vraiment pervers, mais j'étais créatif. Les mots j'ai fini par les connaître, je sais comment les prendre, les surprendre, les désordonner ou les ordonner et même si je ne leur voue pas un culte, les mots ne sont pas tout et parfois les mots face aux mystères sont impuissants. 13 février, mon anniversaire, ça commence à bien faire de prendre une année chaque année, qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu pour mériter ça ? tu as survécu, dit (le bon) Dieu. À Paris pendant un temps j'avais une montre Mickey au poignet, et pendant mes entretiens de travail à tous les coups ces imbéciles la remarquaient et évidemment pensaient que j'étais pas fait pour le job, ils avaient pas non plus tout à fait tort ces crétins, j'étais fait pour aucun travail, cela dit c'était pas l'imagination qui les étouffait, une montre Mickey et leur univers s'écroulait. J'adore les garçons un peu arrogants. Les Canaries avec mon enfant chéri. Besoin d'un break dans ce monde de fous. Hôtel face aux dunes comme dans Un thé au Sahara. Le lendemain de notre arrivée, je suggère d'aller à la mer en traversant les dunes, pas gagné d'avance, on a cru rendre l'âme, à cela près qu'on ne rend jamais l'âme, seulement le corps. Là-dessus la guerre en Ukraine, le monde de fous encore. J'ai dit à l'Ange que c'en était assez de vivre des horreurs sans rien pouvoir faire. Au moins du temps du sida on vivait parce qu'on se battait, on se serrait les coudes, on partageait tout, on était une histoire. Puis, conversation tourmentée avec Alfredo sur les choses de nos vies. Puis, l'embellissement, lors du dîner qui a suivi, je me fous des malheurs puisqu'ils accouchent de bonheurs jamais vus. Les grands moments de ma vie ont souvent eu lieu dans des restaurants pour les conversations qu'ils ont permises, les gens comprennent jamais quand je dis ça. Tellement de malheurs que pour rien au monde je n'aurais échangé contre leurs bonheurs. Sur la promenade de la mer un matin j'ai vu deux hommes, ils étaient barbus, ils étaient assis les visages l'un contre l'autre comme s'ils dormaient, ils se tenaient la main, ils étaient immobiles, ils avaient l'air infiniment perdus de malheur et je me demandais quel était le sort qui les torturait comme ça. Évidemment on était tristes de rentrer et de retrouver un monde chaos mais si on est triste c'est parce que tout s'est bien passé, disait ma mère. Le roman de ma vie, j'en suis le seul auteur, pas de plagiat, peu de ratures, écrit avec un sang inquiet pour éclairer la route où j'étais seul, et jamais seul bien sûr.
C'en est assez de vos violences ! Je vous prie de faire silence ! (
Perlimpinpin, Barbara). Jimmy. ©
février 2022 : si Dieu existe - maintenant ça fait moderne dans les journaux et ailleurs de parler des homosexualités et transexualités, mais que savent-ils ceux-là de nos combats, nos souffrances et nos grandeurs, peu de choses, et pour cause. Un jour à l'hôpital j'avais parlé à H dans son coma, très longuement, tout ce qu'on avait fait ensemble, tout ce qui ne finirait jamais, notre histoire commencée quand on avait 19 ans, et à la fin, une larme avait glissé de ses yeux clos. Il paraît qu'on ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment, et alors ? Quand il a rencontré une femme plus jeune que lui, Julien Clerc a fait part de ses doutes à son amie Carla Bruni, et celle-ci lui a dit, qu'est-ce que tu risques, d'y laisser des plumes ? et alors ? elle a raison Carla, qu'est-ce qu'on en a à foutre d'y laisser des plumes. Il paraît que B. Le Maire, le ministre, est dans le roman de Houellebecq ou a inspiré le personnage, d'ailleurs le ministre avait ouvert les portes de Bercy à l'écrivain qui voulait se documenter, de quoi donner la nausée, surtout ces ministres qui se prennent pour des écrivains, mais non messieurs du je-veux-tout, dans la vie il faut choisir, si vous êtes ministre contentez-vous-en, vous ne serez jamais rien d'autre, et vous ne serez non plus jamais Malraux ni Semprun. Ce matin le Pirate m'a demandé, tu n'as pas vu mon truc pour mettre les machins ? Quand je relis un roman que j'aime, j'aime rester longtemps dedans, même s'il est court, surtout s'il est court, alors je lis peu chaque jour, et lentement. Pour éviter de tout le temps radoter ici, je vais innover et répondre au questionnaire de Proust (et Pivot) : 1. Votre mot préféré ? Éternité. 2. Le mot que vous détestez ? Bisou. 3. Votre drogue favorite ? Sa main dans la mienne la nuit. 4. Le son, le bruit que vous aimez ? Les vagues. 5. Le son, le bruit que vous détestez ? Les cris. 6. Votre juron, gros mot ou blasphème favori ? Fait chier à force ! 7. Homme ou femme pour illustrer un nouveau billet de banque ? Louis de Funès. 8. Le métier que vous n'auriez pas aimé faire ? Flic. 9. La plante, l'arbre ou l'animal dans lequel vous aimeriez être réincarné ? Un aigle noir. 10. Si Dieu existe, qu'aimeriez-vous, après votre mort, l'entendre vous dire ?
"Ah c'est toi !"... Mes derniers beaux rêves : un château vu de loin que je savais être mien, un chemin autour d'un lac à Berlin où je glissais au ras du sol comme en volant et juste après je me laissais emporter dans un tourbillon extraordinaire, la mer vert clair au bout d'une avenue onirique, et la mer encore, en contrebas, sauvage avec des milliers d'oiseaux. Gaspard Ulliel est mort, quelle tristesse. Mais il sera toujours jeune, il est enterré au Père-Lachaise, comme Hervé qui est dans mon caveau familial. Je l'appelle mon ange mais il me souvient que, quand j'étais attaché de presse au ministère des Affaires Etrangères, la secrétaire particulière du ministre m'appelait sans arrêt son ange, c'était une jeune Iranienne très belle, elle était en couple avec un vieux diplomate, et quand le ministre voulait me voir, il lui disait : dites à votre ange qu'il passe à mon bureau. Jimmy. ©
janvier 2022 : l'enfant pirate - dans cette nuit du 8 juillet à Paris il y a bien longtemps déjà, sur le trottoir je lui ai demandé comment il s'appelait, Alfredo, il a dit, ce prénom qui allait reconstruire ma vie. Drôle de couple, elle n'arrête pas de dire, s'il est pédé il n'a qu'à le dire ! et lui il n'arrête pas de dire, si elle est lesbienne qu'elle le dise ! C'était une journée douce comme à Paris autrefois, comme dans l'enfance, je marchais seul, je me demandais c'est quoi ? la vie. Hervé et Mark me manquent, on avait le même âge, tout ce qu'on se serait dit aujourd'hui, sur tout. Fitzgerald a beaucoup corrigé son Gatsby avant de le publier, sur les conseils de son éditeur, je ne sais pas quoi en penser, je n'aime pas beaucoup Gatsby même si j'aime beaucoup Fitzgerald, et je n'y crois pas trop à ça, je sais que ça se fait beaucoup mais je n'y crois pas trop, au retravail d'un texte, la perfection d'un texte ça n'existe pas, et même si ça existait c'est très ennuyeux, une œuvre vaut autant par ses imperfections que pas ses fulgurances, ou ses imperfections fulgurantes. En fait le bonheur est très surévalué, j'ai connu des moments et des choses bien plus fortes que le bonheur, au-delà du bonheur. Les gens qui m'ont vu quitter Paris autrefois ont dû penser, il reviendra la queue basse dans deux ans, mais non, cela fait 21 ans et je retournerai pas, j'avais mes raisons pour partir. Ma tristesse a souvent trouvé refuge dans les chansons. L'amour est une souffrance, essentiellement une souffrance, le reste c'est du divertissement, pas de l'amour, alors tu regrettes d'avoir aimé ? jamais de la vie, sans aimer et sans toi je n'aurais rien vécu, rien connu, rien écrit, rien dépassé, c'est ainsi. Adieu 2021, on te regrettera qu'à moitié, garce. On fait le bilan ? On le connaît le bilan et on a moyennement envie de s'appesantir là-dessus n'est-ce pas. Alors prenons les choses dans l'autre sens. Que reste-t-il ? Il reste l'éternité d'aimer, il reste ces moments volés et indestructibles, il reste les larmes de son amour que l'on a consolées. Il reste que cette vie nous emmerde et nous fascine à la fois. Il reste les élections présidentielles (kidding). De ma fenêtre je regarde la vie, et dans le rétroviseur je regarde ma vie. Rien ne meurt, tout est là, disait ma mère. Avec Hervé on disait que tout est dans tout, on ne triait pas, on faisait pas la fine bouche devant un bon repas, une clope, une bonne baise, un roman, une conversation métaphysique, tout était dans tout. J'en ai un peu ma claque d'autopsier des virus, j'en ai connu un, j'en ai fait un livre, big deal, la trace suinte encore, la plaie, ah mes amours, ce n'est pas tous les jours un cadeau de survivre, le
undead parfois il se dit..., mais il se dit trop de choses pour les contenir ici. Un blog c'est un blog et tout a beau être dans tout, l'essentiel restera à jamais non dit, trop grand, je l'ai faite la route mais je la continue, le cœur grand, blessé, Dieu merci blessé, question d'élégance. J'ai retrouvé une photo de l'Ange enfant, en pirate magnifique, l'enfant pirate peuple ma vie, il la met sens dessus dessous, la blesse et la soigne, rien à dire de plus, que pouvez-vous comprendre, vous les passants. Alors un souhait ? Oui et un seul : se reconquérir, chaque matin, se reconquérir, nous ne sommes pas nés de la dernière pluie, nous. Jimmy. ©
décembre 2021 : le fantôme - L'Ange m'a raconté que sa prof d'italien a eu un cancer et un ami pour lui remonter le moral lui a offert un joli petit chien, résultat elle a guéri mais c'est le chien qui est mort d'un cancer. Maintenant tout le monde met sa vie privée sur la place publique et en fait un livre, quelle dignité ! tu mets ta vie sur la place publique dans un livre et tu la détruis, tu la donnes aux chiens qui te la renvoient en morceaux. J'aurais dû comprendre mon père davantage, tout ce qu'il a fait pour nous, venant d'où il venait, pourtant je lui ai dit, et surtout écrit, merci cent mille fois, je l'ai aimé, quand je leur ai annoncé que j'étais gay il a réagi presque mieux que maman, mais j'avais ma vie à faire, tu ne peux pas faire ta vie en comprenant tout de tes parents, ma vie passait avant, la seule chose que j'ai faite c'est garder le lien, parler, parler, parler (leur écrire), pour qu'il n'y ait pas de mensonge, pour qu'ils sachent qui j'étais et pourquoi, ça je l'ai fait, mais sans jamais rien céder de ma vie, de ma vérité, je suis épuisé quand j'y pense, et ainsi je les ai gardés, et crois-moi ça n'a pas été facile pour moi, vouloir être libre et les garder en même temps, c'est une des choses dont je suis le plus fier même si je n'aime pas le mot, disons une des choses les plus vraies de ma vie. Finalement il y a une cohérence entre mes deux livres publiés, le recueil de poèmes s'appelle 'Parce qu'eux', et eux, ce sont les millions de juifs, et l'autre livre s'appelle 'L'insecte', où il est question de
eux et
les autres et là, eux, ce sont les garçons du sida dans les années 80. En Espagne ils sont les mieux vaccinés d'Europe et pourtant il y en a encore qui mettent le masque dans la rue, parce qu'eux, ils ne pensent pas que mettre un masque attente à leur soi-disant dignité. Je me rappelle avoir lu à 14 ans une biographie d'Edith Piaf, en être ressorti bouleversé en me disant, c'est ça la vie que je veux avoir. Duras a raison : on écrit pas avec un lit défait derrière soi (ou la vaisselle pas lavée). L'Ange qui est assez rétif à faire du sport s'est quand même décidé à commencer le golf, je vais donc m'y mettre aussi, histoire de faire comme Holden Caulfield et Mitterrand. Dans la chanson Désormais, Aznavour chante
désormais les gens nous verront l'un sans l'autre, et tout est dit, l'amour c'est ça : que les gens nous voient toujours ensemble, moi et l'Ange, comme autrefois les gens me voyaient toujours avec H et Dieu sait qu'on aimait ça, que les autres, où que ce soit, nous revoient toujours ensemble. Ma mère m'a écrit un jour que ma soif d'absolu ne pouvait que s'assouvir dans Dieu, mais moi Dieu je ne le veux que dans et par mon amour, ma seule manière de ne pas Lui résister. Moi je préférais la méchante reine à Blanche-Neige. Histoire vraie dans la famille de l'Ange : enterrement, le mort dans un cercueil derrière une glace, le frère du mort sur un banc qui écrit son discours devant la glace, une femme s'approche de la glace, recueillie, à un moment elle se retourne, elle pousse un cri qui s'entend jusqu'à New York, elle a cru voir le mort vivant, le frère ressemblait à son frère comme deux gouttes d'eau. Tu voulais toujours être le seul, même dans le pire. Jimmy. ©
novembre 2021 : mais qu'ont-ils à rentrer chaque année les artistes - regardant une photo de Hervé sur mon site, je me dis qu'il sera toujours jeune, Hervé et Mark en mourant à 35 ans m'ont fixé aussi à cet âge, pas changé, je l'ai déjà dit. Quand j'ai connu l'Ange à Paris, un jour on se promenait devant l'horloge de Beaubourg qui marquait le compte à rebours de l'année 2000 et l'Ange me dit, tu te souviendras de moi quand on passera à l'an 2000 ? je lui ai répondu, si tu n'es plus avec moi je ne me rappellerai même plus ton nom, il s'en souvient encore, moi je voulais l'éternité ou rien, bien m'en a pris, nous sommes encore là, prêts à tout. S'agissant de la maison j'ai un sens de la propriété assez aigu, parce que comme disait Léo, la propriété c'est juste avoir cet endroit à toi où on te fout la paix, ta liberté à l'abri, alors qu'on vienne pas m'y chercher, j'y suis avec l'Ange qui est le seul à avoir non seulement préservé cette liberté mais à l'avoir renforcée. À Madrid dans les rues il y a encore des cireurs de chaussures, j'adore ça, cela dit de nos jours même la duchesse de Gorgonzola met des sneakers avec des shorts ras les cuisses, bref, c'est la ruine du métier. Pas écrit beaucoup pour le journal ce mois-ci, par contre terminé mon roman Rollercoaster, trois ans d'écriture à New York avec mes personnages, et le covid au milieu qui n'était pas prévu, ils vont me manquer mais j'écrirai peut-être une suite un jour, d'ailleurs ce roman est lui-même la suite du précédent, là je suis en train de transcrire nos lettres á ma mère et moi, et y en a, et puis on verra. Je ne parle pas beaucoup de politique ici, par peur d'être mal interprété, et puis ça m'intéresse à moitié, moi je veux être fidèle à la révolte de Mark contre l'injustice, en même temps je hais la violence et ce monde en déborde sans que les autres (quels autres d'ailleurs ? les bobos ?) en soient plus scandalisés que ça, ah ce monde, sait-il où il va, cet épisode du covid aura été la chose la plus inimaginable qu'on aura vécue depuis longtemps, les avenues vides, la peur de se toucher, de se tenir dans les bras, la peur de mourir en cinq minutes, ces putains de masques, la putain de distance sociale, New York désert, les cinémas vides, on aurait jamais même en fiction imaginé ça et pourtant, et puis là on est en train d'oublier, parce que la vie fonctionne comme ça, sur l'oubli, sans l'oubli on serait tous morts, mais c'est bien répugnant d'oublier comme ça, regarde, les matchs de football reprennent comme avant, ça gueule, ça s'ivrogne, tout comme avant, et en voyant tout ça je pense que c'est mal parti à nouveau, on aura été prévenus alors tant pis si la fin du monde revient, moi je le dis et c'est pas au vieux merle qu'on apprend à siffler. À part ça ? et bien en France après de Gaulle et Mitterrand l'élection présidentielle ne veut plus rien dire, c'est le boulet de la France cette élection, rien qu'un grand défouloir répugnant et ridicule qui dure quelques mois et fait la risée du monde entier, et puis l'élection finie ça repart comme avant, la France reste la France, au passé. Et les artistes tu me diras ? comme disait encore Léo Ferré:
mais qu'ont-ils à rentrer chaque année les artistes... Je suis des artistes définitivement, tous, et d'abord ceux de leur vie. Jimmy. ©
octobre 2021 : l'impatience des anges - aucune peur du ridicule. Un beau garçon à Potsdamer Platz, je passe sur mon vélo, il fume et expire un nuage de fumée parfait, l'air de dire : je vous emmerde tous ! du grand art. Lu quelque part : on va bientôt pouvoir vivre des centaines d'années ! la mort donnant tout son sens à la vie, si cela arrive, on vivra encore plus cons que maintenant, donc non merci, très peu pour moi. Les génies me laissent froid, le mot génie n'existe que pour ceux qui les regardent en s'effaçant eux-mêmes. C'est l'Ange qui a choisi la destination, nos premières vacances depuis deux ans, la Bulgarie, d'abord Sofia, Sofia la majestueuse, on avait repris la route, comme on aime, rien que nous deux, dans un café de Sofia une fille est venue vers moi en disant qu'elle pensait me connaître, en fait elle travaillait dans un café où j'allais à Berlin quand elle était étudiante, et puis après, la mer, Sunny Beach, la mer d'en haut, treizième étage, l'Ange cognait sur les ascenseurs parce qu'au treizième c'était infernal pour qu'ils arrivent, c'était l'impatience des anges, le soir avec le vin on refaisait le passé et l'avenir, quand on quittait l'hôtel on marchait devant la mer, on a même pris un petit train sur la promenade, l'Ange lisait Agatha Christie comme dans les étés adolescents, la cigarette faisait le reste, un soir on a même assisté à un spectacle dans une salle de l'hôtel, c'était des danseurs, j'étais ému, je pensais à combien est difficile la vie d'artiste, les garçons qui travaillaient à l'hôtel étaient charmants et puis surtout gentils, moi je suis comme Adjani j'aime la gentillesse, les Bulgares sont pas les plus riches d'Europe mais la richesse ça pourrit aussi comme on sait, pour autant le wifi de l'hôtel marchait merveilleusement, bien mieux qu'en Allemagne qui est un pays sous-développé pour la digitalisation, j'étais triste de partir mais pas triste de finir puisque rien ne finit. Angela Merkel va quitter le pouvoir après 16 ans et au moins 60% de popularité, si ce n'est 80%, cette femme aura prouvé que le règne des nains n'est pas absolument une fatalité, elle a sauvé l'Europe et lui a gardé sa dignité en accueillant dans son pays un million de réfugiés, elle est la femme la plus puissante du monde et elle continue à faire ses courses au supermarché, nos pauvres hommes au pouvoir en ont-ils seulement appris la leçon. J'ai relu toutes mes lettres à ma mère, elle les avait gardées, les lettres de notre histoire d'amour difficile parfois mais sans mensonge, et puis j'ai relu toutes les siennes, je les avais gardées aussi, des centaines de lettres d'elle pendant mes vingt ans de Paris, depuis Sciences Po jusqu'à mon départ de Paris avec Alfredo qu'elle aimait tant (on ne peut que l'aimer, avait-elle dit la première fois), je réalise que c'est peut-être d'elle que je tiens mon talent d'écriture s'il en est, elle écrivait des lettres ma mère, avec son écriture reconnaissable entre mille, je n'ai vu cette écriture que chez elle, en les relisant c'était comme si elle était revenue, à tel point qu'à un moment, l'espace d'une seconde, je me suis dit, tiens il faut que je parle à maman de..., et puis après les avoir relues, elle est repartie et c'était difficile, là elle est en train de revenir, je ne sais pas ce que je ferai de toutes nos lettres, ce serait un beau roman, c'est un beau roman, notre nous. Jimmy. ©
septembre 2021 : ah tu vois - adolescent au collège je n'étais pas vraiment l'incarnation du mec sportif, je me faisais dispenser de gym, et puis à vingt ans j'ai fait ma révolution, devenir soi-même, et vers 25 ans, j'ai commencé à faire du sport, et en pensant à celui que j'étais, j'étais drôlement content quand certains juste en me voyant, pensaient que j'avais 'qu'un petit pois dans la tête', comme me l'avait dit cette fille du cours Florent de sa première impression de moi avant qu'on devienne très amis, ah oui ça me plaisait cette revanche sur les chemins tracés. Je crois que c'est Noureev qui disait que l'on ne peut pas à la fois se consacrer totalement à l'être aimé et se consacrer entièrement à son art, je confirme, je me serais mortellement ennuyé si je m'étais consacré totalement à l'écriture, et d'ailleurs sans aimer, je n'aurais pas écrit une seule ligne. J'étais pas un arriviste, si je l'avais été, je serais resté à Paris, ou j'y serais retourné. Dailleurs j'ai jamais voulu
arriver quelque part, c'est la route que j'aimais. Une des dernières fois à la maison, elle était assise dans le fauteuil de sa chambre, Alfredo et moi étions sur le point de repartir pour Berlin, ces départs qui me déchiraient à chaque fois, je m'étais agenouillé au pied du fauteuil, elle disait ce qu'elle m'avait dit si souvent, qu'elle aimait mes cheveux coiffés sur le côté, et elle me les coiffait comme ça, avec sa main, au bout d'un moment je me suis mis à pleurer, tout doucement, elle l'a vu, et elle m'a dit, ah tu vois, la vie nous ravageait tous les deux, il fallait qu'on paye pour trop d'amour. La connerie de dire que l'amour est aveugle, la passion peut-être, mais l'amour t'ouvre les yeux, sur le monde, comme dit Aragon,
la faim, la misère et le froid, toutes les misères du monde, c'est par mon amour que j'y crois. Quand j'étais attaché de presse, un jour il y eut cette réunion des préfets à l'Elysée, après le discours de Mitterrand tout le monde s'est retrouvé dans la Salle des fêtes, je regardais Mitterrand de loin, à un moment curieusement il s'est retrouvé tout seul, un long moment, je le regardais, il ressemblait à un personnage de Molière, les cheveux gris un peu longs derrière, il était là seul, les mains derrière le dos, j'ai hésité mais je ne suis pas allé lui parler, après mes parents m'ont dit que j'aurais dû aller lui parler de nos amis communs, dans les Landes, de très bons amis d'eux et de lui, mais moi si je lui avais parlé ç'aurait été de ça et d'autre chose, je ne l'ai pas fait, je n'ai pas osé, aujourd'hui je ne sais pas si je le regrette. L'Allemagne a intégré en quelques années un million de réfugiés, c'est beau non ? En lisant le livre offert par mon cher C., sur Latche et Mitterrand, je me disais combien j'aimais les Landes où j'ai grandi et où j'ai passé tant d'étés, mais pour autant, non, je n'y reviendrai pas, pas plus qu'à Paris, parce que ne pas y revenir, c'est les garder en moi, mon seul pays c'est Alfredo, je ne suis pas un fétichiste des lieux. Le transfert de Messi, ils n'ont décidément rien compris à rien, l'ancien monde dans ce qu'il a de pire resurgit, et où sont les manifestations contre cette débauche d'argent ? hein ? où sont-elles ? N'exister qu'à ses propres yeux c'est insuffisant mais ce n'est déjà pas si mal. L'antisémitisme à visage découvert dans les manifestations en France. Ne rentrer dans aucune case. Jimmy. ©
août 2021 : a far l'amore comincia tu - pourquoi dit-on 'la cigarette du condamné à mort' ? est-ce que ça ne veut pas dire quelque chose ça, sur la cigarette, son au-delà ? Ce matin un garçon de 30 ans s'est suicidé en se jetant dans le vide, de la terrasse je voyais son corps sous un drap blanc gardé par 2 policiers, j'ai fait un signe de croix, je pensais au désespoir, je pensais au manque d'amour, j'étais triste et je me disais, qui se rappellera de lui ? qui aura-t-il convaincu de son existence, comme disait Mark ? je pensais à Mrs Dalloway face au suicide de Septimus, je ne le connaissais pas ce garçon et pourtant là, par sa mort, il m'est devenu présent, et je me disais, et si ce n'était pas un acte de désespoir, mais un acte de révolte, comme Ange dans mon roman, un acte contre la vie, comment saurais-je si c'est triste ou pas, pour moi c'était terrible, quand ils ont emporté le corps je retournais voir les traces de là-haut, la pierre brisée sous le poids du corps, était-ce du voyeurisme, je crois que c'était ne pas vouloir fuir, rester près de lui, ne pas dire : c'est la vie tu oublieras, mais j'oublierai je sais bien, ça j'oublierai, pour ne pas oublier il faut vraiment aimer, à moins que, qui sait, je devrais savoir son prénom pour ne pas oublier ; quelques jours plus tard, ils ont remplacé les dalles fracassées, comme ça, un deux trois, comme si rien ne s'était passé, mais les âmes... Raffaella Carrà s'en est allée, quand j'ai connu l'Ange je lui avais montré Le Grand Échiquier de Mireille Mathieu et à un moment apparaissait Raffaella Carrà que je ne connaissais que de cette émission, Alfredo lui la connaissait très bien et il était tout content de la voir là, dans une émission française, elle qui non seulement était une reine en Italie mais aussi en Espagne et partout à vrai dire, elle est morte d'un cancer du poumon la fumeuse mais elle en aura bien profité, on est triste parce que c'est une page qui se tourne mais la Carrà restera la Carrà, à Buenos Aires, où nous étions pour notre voyage après notre mariage, dans la calle Corrientes on avait vu une comédie musicale entièrement sur elle, elle était la seule à savoir chanter comme ça des chansons qui te donnaient envie d'être heureux, sa chanson
a far l'amore comincia tu est l'emblème du film La grande Bellezza, même Ozon avait choisi une se ses chansons pour un de ses premiers films, on l'entendait aussi dans le superbe film Xenia, on a beau soi-disant faire l'Europe, on est très ignorants de nos voisins et Raffaella Carrà aura un enterrement retransmis par la RAI où tout le monde sera là parce qu'elle était la reine de ce pays sans pareil. Dans le film Les roseaux sauvages, Élodie Bouchez dit à Gaël Morel qu'il est un pédé immature et bourgeois, mais moi j'ai toujours aimé les pédés immatures et bourgeois. Une de nos voisines à Berlin a 92 ans, Frau B., elle a survécu à la deuxième guerre à Berlin, à la reconstruction de la ville, elle a survécu au Mur, et maintenant elle vient de survivre au covid, elle a 92 ans et elle pète la forme, elle fait ses courses, rigole avec nous et se moque de moi quand je ne comprends pas ce qu'elle dit en allemand, ce qui est signe de très bonne santé la garce. Lorsque Jean-Luc Godard m'a dirigé cette nuit-là pour son film 'Puissance de la parole', j'étais le seul acteur, juste lui et moi. Jimmy. ©
juillet 2021 : 8juillet -
dans
On the road, Kerouac dit de Neal Cassady que le définir comme heureux (ou pas heureux) n'a pas de sens, il dit que Neal est en deçà ou au-delà du bonheur ; il dit aussi que tous les anges (comme Neal) ont des crises de fureur et de rage, j'en sais quelque chose avec mon ange mien. La chanteuse qui représentait la France à l'Eurovision était peut-être pas mal, et encore, mais la comparer à Piaf ça fout tout en l'air, Piaf ! et puis quoi ? autant dire que Trifouillis-les-Oies ressemble à New York, la seule qui a du Piaf en elle on sait bien qui c'est, il n'y a qu'à la voir chanter à 19 ans quand elle débutait tu en as le souffle coupé. Je crois que depuis ta mort ma belle je n'ai plus de larmes. On traversera les paradis et les enfers mais on les traversera ensemble. L'Ange dans ses défaites et ses grandeurs entretient ma révolte. Je veux qu'il soit libre d'aller où il veut même dans le noir, jusqu'au moment où il revient pour se sauver et me sauver. Je pourrais dire de l'Ange ce que je disais aussi de Hervé dans
Undead : nous, c'étaient les éclopés de la vie qui nous faisaient de l'effet et pas les bien-portants. Il y a trois ou quatre ans on connaissait un garçon espagnol d'une vingtaine d'années, beau et intelligent oui, un soir j'ai voulu lui faire découvrir Barbara et je lui ai passé un extrait des concerts au Châtelet en 1987, je ne sais pas s'il a aimé mais il a dit que Barbara lui rappelait une de ses professeurs de je ne sais pas quoi au lycée, ce jour-là, tout charmant qu'il était, il a signé son arrêt de mort. Parfois maman me regardait quand je discutais avec des gens qu'elle connaissait, des fois je l'énervais mais souvent, souvent oui, je voyais dans ses yeux qu'elle m'aimait comme ça, passionné et intransigeant, elle ne disait rien mais je le voyais, on voyait tout tous les deux. Quand je lis à la fin d'un roman la page des remerciements de l'auteur, je pense, tous ces gens qui l'ont aidé à améliorer son livre pour qu'il devienne ce qu'il est ! moi dans mes romans, je n'ai de remerciements que pour moi et ceux qui m'ont aidé à en être là, dans ma vie, l'Ange avant tout, mais pour ce qui est de l'écriture proprement dite je suis seul et n'ai aucun remerciement à adresser. Bientôt notre anniversaire, il venait d'arriver à Paris pour y rester trois mois, il avait 23 ans, une semaine seulement après son arrivée il est allé dans un certain bar de nuit où je n'allais que très rarement, mais cette nuit j'y étais, il était deux heures du matin et c'était le destin, ou la main d'un autre ange. Et à la fin du mois l'anniversaire de la mort de H. Tout se tient. Le H que je m'étais fait tatouer à l'épaule après sa mort a toujours ressemblé à un A. Jimmy. ©
juin 2021 : Roman Protassevitch -
y en a c'est pénible ils embellissent vraiment pas avec l'âge, Julien Clerc, lui, à plus de soixante-dix balais il est toujours aussi beau. Marianne Faithfull a réchappé au covid, encore une fois survivante. J'ai toujours la rage intacte, et la souffrance, contre ce monde qui nous a ignorés et laissés crever sans un mot, sans toi je serais mort de rage et de chagrin depuis longtemps, garder la rage intacte. Ma mère m'a toujours dit qu'elle s'était engagée dans la lutte contre le sida (AIDES) pour remercier de ce que moi je ne l'ai pas attrapé, je suis très fier de ça, de son engagement, surtout qu'elle n'était pas vraiment le genre à suivre une formation sur les pratiques sexuelles à risques et pourtant elle l'a fait, même si j'ai toujours pensé que nous les garçons séronégatifs l'avions attrapé aussi, d'une autre manière, psychologique, en ayant accompagné tous nos amis morts, j'ai déjà dit tout ça, et je le redirai. Je me souviens de tous les garçons que j'ai connus, tous, avec qui j'ai parlé, avec qui j'ai baisé, avec qui j'ai ri, tous ils étaient uniques, et jeunes. En France ils passent leur temps à 'être sous le choc', mais c'est tout. Un an pour trouver le vaccin covid, 40 ans et pas de vaccin sida : assassinat. Barbara avait chez elle à Précy une ligne de téléphone directe où dans ses nuits d'insomnies elle parlait avec des malades du sida, des prisonniers, c'est ça la femme qu'elle est et pourquoi (entre beaucoup d'autres raisons) je l'aime, je n'ai jamais vu ça chez aucun(e) autre artiste, cette grandeur. Moi j'étais fait pour vivre à New York, encore davantage qu'à Paris, c'est pas peu dire. J'écris ce blog de la main gauche, je suis tombé dans la rue en courant pour ne pas manquer le feu vert des piétons qui clignotait déjà, j'avais un sac de supermarché à la main et la chaussée ressemblait à Bagdad, résultat j'ai jamais autant souffert : épaule droite disloquée, à l'hôpital Dieu merci ils l'ont remise à sa place (l'épaule) en manipulant, mais j'ai quand même une petite f(r)acture et le bras droit immobilisé deux ou trois semaines, voilà pour ceux qui se soucient de ma petite santé, il me reste la main gauche, la droite est pliée à 90º sous une veste de judoka que l'Ange m'a passée, jamais eu l'air aussi viril, tomber c'est jamais agréable, une chute elle est toujours celle du corps et de l'âme, mais un homme à terre et qui se relève, c'est notre histoire à nous autres. Je ne sais pas comment je suis arrivé à écrire L'Insecte. Déconfinement, à Paris aux Galeries Lafayette quand les premiers clients sont arrivés, on les a applaudis, comme aurait dit mon copain Moussa au collège : grotesque. Dans
On the road, Kerouac demande à William Burroughs à propos d'un tableau accroché à son mur : Pourquoi t'as mis cette mocheté au mur ? C'est parce qu'elle est moche que je l'aime, répond Burroughs. Ces tableaux vendus des millions de dollars, ça veut dire quoi ? hein ? ça veut dire quoi ?... Does anybody miss me ? Jimmy. ©
mai 2021 : It's a sin - c'est bien de retrouver en rêve ceux qui sont morts, on ne sait pas où ils sont mais on les retrouve, et malgré tous les progrès de ceci ou cela, nous n'avons pas avancé du tout sur aucune explication des rêves, et nous ne saurons jamais, peut-être un jour, ailleurs... L'état de New York va légaliser l'usage récréatif du cannabis, il n'y a qu'en France et en Allemagne que la ringardise relayée par des flics vomitifs règne, ringardise et incompétence sanitaire comme on sait. Dans sa chanson
L'enfant laboureur, Barbara dit en substance qu'il faut la laisser libre, libre dans sa vérité et sa déraison, pour qu'elle puisse
donner, nous donner à nous ce qu'elle a à donner, je me suis toujours reconnu là-dedans, si on me laisse être ce que je suis, je donne tout, sinon rien, et ma mère comprenait très bien quand je lui disais que j'étais son enfant laboureur. Retourné hier au restaurant en terrasse avec l'Ange, j'avais oublié combien les grands moments de ma vie se sont souvent passés dans des restaurants, avec lui, avec Hervé et Mark, ma mère, et d'autres. Moi je suis comme Xavier Dolan dit qu'il est : cent pour cent homosexuel. Je crois que la manière dont dort une personne dit beaucoup de cette personne : l'Ange a toujours dormi comme un enfant. Le temps ne mesure pas tout, une demi-heure d'écriture de mon roman vaut par l'intensité des heures de vie banale. Pourquoi as-tu cette obsession de ne pas changer ? Parce que changer serait trahir, à vingt ans j'étais déjà ce que je suis, bien sûr j'ai changé, ma vision de la vie s'est construite, approfondie, mais en fait je suis le même, je me suis
gardé tel, griffé, Dieu sait, mais tel quel. Les écrivains qui vivent de ça se creusent chaque année la tête pour trouver sur quoi ils vont pouvoir écrire, alors ils écrivent un peu sur n'importe quoi, une cousine farfelue, la mort d'un chien ou une biographie d'une danseuse oubliée qui était leur cousine, au début ça m'énervait mais en fait c'est normal, c'est leur métier et on a pas toujours un sujet en or à chaque fois sur quoi écrire, les cousines ça court les rues, mais un soleil noir ou une pandémie c'est plus rare. Moi aussi chaque fois que j'ai écrit un roman j'ai d'abord cherché sur quoi je pourrais bien écrire cette fois-là, mais je n'écrirai jamais sur l'Ange, ni sur ma mère, ni sur Barbara, il y a des choses plus fortes que les mots, quel que soit ton talent, je l'affirme et je signe, des choses qui non-écrites seront plus éternelles qu'écrites. J'aime pas les poseurs, ni dans l'art ni dans la vie, ni dans la mort. Moi la vérité c'est que les images dégueulasses sur les paquets de cigarettes me donnent encore plus envie de fumer. En France ils manquent de vaccin mais ils font des états généraux sur la laïcité, ça me fait hurler de rire. Certains hommes me sont une espèce totalement étrangère. On aime pas par petits morceaux, on aime entièrement, à prendre ou à laisser. À peine un an après, hommage aux morts du covid, partout, à Berlin aussi sur la Gendarmenmarkt, mais on attend toujours l'hommage aux garçons du sida, même quarante ans après, mais après tout qu'est-ce qu'ils en ont à faire des hommages, ces héros. Jimmy. ©
avril 2021 : Elliot -vu hier le film sur l'affaire Madoff, Madoff vendait des produits financiers qui n'existaient pas, bullshit tout ce qu'il disait, mais qu'est-ce qui a changé ? au début de l'épidémie covid on te disait que le masque ne servait à rien, en fait on disait ça parce qu'il n'y avait pas de masques en réserve, bullshit à grande échelle, et ainsi de suite. Écrire c'est vouloir que tes mots soient toi, cette identification impossible, parfois cela tient à un mot qui peut tout ruiner ou tout justifier, je ne suis pas un fétichiste des mots, souvent un mot en vaut un autre, mais pas toujours, tu changes un mot parfois et tu changes tout. Le diable te tente, souvent la nuit, il voudrait te détruire, te déposséder de toi, alors tu luttes corps à corps, et au réveil parfois tu l'as terrassé mais tout est à recommencer à chaque fois. Suis-je réellement un écrivain, dans ma vie malgré les apparences je n'ai pas vraiment fait preuve de constance dans mes activités, écrire oui mais le reste ? j'ai passé ma vie à m'en aller quand je sentais que mon dedans, ce que j'étais, était en péril, je n'aurai été constant que là : ne pas me trahir, ce qui en fait revenait à aimer qui est mon unique œuvre au bout du compte, et ce que j'ai pu écrire ne découle que de là. J'écris mon roman depuis plus de deux ans sans savoir à chaque fois ce qui va se passer la page suivante. Stendhal :
Je crois que pour être grand dans quelque genre que ce soit, il faut être soi-même. Les livres immortels ont été faits en pensant fort peu au style. Ce monde retombe encore et toujours dans le même écueil de croire qu'il a tout inventé, le mot à la mode maintenant c'est résilience, comme si survivre datait d'aujourd'hui (je rigole) ! Le prince Harry et sa femme c'est le beurre et l'argent du beurre, vomitif. Mon Mark, je relis tes textes, et au-delà de la mort ta révolte entretient la mienne, me fait ne pas trahir. Les lettres que nous nous sommes écrites Hervé et moi, et il y en a, sont parmi ce que l'on aura écrit de plus fort, de plus près de nous. Nous les gays, cette histoire d'écriture inclusive à la mords-moi-le-nœud on l'a réglée depuis longtemps vu qu'entre nous on se traite aussi bien au masculin qu'au féminin, Hervé d'ailleurs me disait souvent parlant de moi :
pauvre fille ! Moi je n'ai jamais harcelé personne, j'aurais détesté obtenir par la contrainte quelque chose, j'ai toujours détesté demander, même l'heure dans la rue je n'aime pas, dans l'autre sens j'ai connu, surtout quand je faisais l'acteur, des hommes à qui je plaisais et qui pourtant m'auront jamais harcelé, peut-être parce que je leur faisais peur, peut-être parce qu'ils étaient élégants, ou un peu les deux, la vérité c'est que je faisais souvent peur, on m'aimait mais on se hasardait pas, je sais pas si j'ai à m'en plaindre ou pas, c'est ce que je voulais en tout cas, qu'on m'aime pour ce que j'etais ou rien, ce fut souvent rien. Ellen Page est devenue Elliot Page, il a la couverture du Time ; quand je pense aux souffrances des transgenres de toujours, je me dis qu'il a un sacré courage et passera à l'histoire comme un éclaireur, autant les discours d'aujourd'hui écriture inclusive et autres m'ennuient autant je marche main dans la main avec toutes les minorités, et notamment celles qui dérangent les sacro-saintes familles. Jimmy. ©
mars 2021 : normal - tu vois, dans la vie la seule chose intéressante, c'est de survivre, quel que soit l'âge. Dans Perlimpinpin, Barbara ne chante pas la tendresse en souriant aux petites fleurs, elle la chante comme une révolte, une guerre, ce qu'elle est, la tendresse est la seule révolte. Toute ma vie, depuis tout petit, j'ai voulu la tendresse, et je n'aurai fait que la guerre, pour la préserver, ne jamais y renoncer. Faisons un peu le point des signatures de mon blog, je signe souvent Jimmy parce que c'était mon nom à l'époque où je faisais de la radio, et puis ça ressemble un peu à mes initiales : jmi, parfois je signe Kiri parce qu'au collège mon meilleur ami, Moussa, m'appelait ainsi, la dernière fois j'ai signé Miguel parce que mes parents ont hésité à m'appeler Miguel, et Jean-Michel dans tout ça ? et bien oui mais j'ai fait de mon prénom qu'il soit mien et plus que mien, je l'écris d'ailleurs sans trait d'union, quel besoin donc aurais-je de signer JeanMichel vous savez bien qui je suis quand même, ma mère, elle, m'appelait JeanMi mais ça, c'est entre elle et moi. Les gens qui voient la vie en rose me foutent le bourdon. Les mots c'est tout, le sexe aussi c'est les mots. Les connards qui disent qu'avec le vaccin et l'après-virus ce sera le retour aux années folles, comme dans les années 20, ils n'ont vraiment rien compris à rien. L'Ange a fait un tiramisu pour mon anniversaire, le premier dessert qu'il ait jamais fait, et ce fut le meilleur tiramisu que j'ai mangé de ma vie. Ma mère m'a souvent dit qu'elle m'aurait voulu plus
normal, comme si elle l'était elle, normale ! mais moi j'ai jamais voulu être normal, même quand j'étais adolescent premier de la classe j'étais normal peut-être mais j'étais pas un normal normal, demandez-leur. Moi je relis toujours un peu les mêmes livres et j'écoute toujours un peu la même musique, mais avant d'en arriver là, il m'aura fallu lire beaucoup avant, et beaucoup écouter de musiques, dont acte, mais je reste ouvert, surtout pour les livres, j'adore les premières fois, après tout j'ai découvert Salinger il n'y a pas si longtemps, et Yates aussi, quant à Barbara il y a ce prodige qu'avec elle c'est un peu la première fois à chaque fois, c'est ça aimer, n'est-ce pas mon ange ? Jacqueline Maillan vers la fin de sa vie a été mise en scène par Patrice Chéreau, ça ne m'a étonné qu'à moitié vu la comédienne qu'elle était, là où je me suis trompé c'est que ce n'était pas Chéreau qui la voulait mais Bernard-Marie Koltès, il paraît même que Chéreau a plutôt été infect avec elle, Maillan, tu penses, le théâtre de boulevard quelle horreur ! et tout ça me semble être de peu de classe de sa part, cela dit Chéreau ça n'a jamais été vraiment mon histoire, ni mon affaire, moi on me l'a jamais fait le coup des intellectuels méprisants, le coup de : ça c'est bien, ça c'est mal, et ainsi de suite. Quand je me trouve moche dans la glace, je dis que c'est parce que la glace est de mauvaise qualité, moi je suis de qualité extra, comme le tiramisu de l'Ange. Miguel. ©
février 2021 : vers-eau - une amie à qui je disais qu'Alfredo et moi aimions visiter les zoos, m'avait répondu : mais que faites-vous dans les zoos ? voir les phoques ? ah mais quel humour ! pensai-je. Je n'ai jamais aimé cet Olivier Duhamel, je ne vais donc pas pleurer sur son sort, quand je pense qu'il donnait des leçons à Fillon sur ses costumes, et on dit qu'une bonne partie de la gauche bien-pensante était au courant, même chose que pour Strauss-Kahn, c'est pour ça que, bien que mitterrandien, je ne supporte plus cette gauche bobo, pour son hypocrisie, ça me donne le dégoût, évidemment dire que c'est mieux en face serait faux, pourtant j'en ai vu des gens de gauche qui traitaient les gens de moindre condition comme de la merde, et des gens de droite plein d'humanité, je ne sais plus quoi dire là-dessus, hier le Capitole à Washington a été envahi par des putschistes entraînés par un président putschiste lui-même, quand je pense à ce qu'ils ont fait à Nixon qui était un grand président pour une affaire de trois fois rien, d'ailleurs à ce propos réécouter son discours avant de quitter la Maison Blanche pour savoir l'homme que c'était, pas né dans la soie comme Kennedy et qui, malgré la justesse des résultats, n'avait pas attendu une seconde pour féliciter le même Kennedy de sa victoire. L'insatisfaction c'est le moteur de la vie, le nombre de choses que j'ai faites parce que j'étais insatisfait de ma vie, l'insatisfaction il faut l'accepter si on ne peut pas la changer mais il faut la combattre si on peut la changer, il faut réaliser ses rêves, quels qu'ils soient, même et surtout les plus fous, échouer n'a pas d'importance. Dans le documentaire sur Fran Lebowitz et New York '
Pretend it's a city', de Martin Scorcese, Fran Lebowitz parle des changements dans la cité à l'époque d'aujourd'hui (avant le virus), la guerre à la cigarette, et elle dit cela : que la cigarette c'est ni plus ni moins que 'l'histoire de l'art', et elle dit : imaginez qu'on demande à Picasso d'aller fumer sur le trottoir, voilà, tout est dit. J'ai dit à l'Ange que ce n'est pas un virus de merde qui me fera désespérer parce que je suis
plein, plein de lui que j'aime, plein de la vie que j'ai eue et que Barbara a beau être morte elle chante encore pour moi, et j'ai ajouté : je n'aime pas la vie mais j'aime ma vie. Par contre les lois en faveur des homosexuels en France c'est jamais la droite qui les a votées, c'est la gauche, c'est ainsi, la droite elle les a combattues, c'est ainsi. Février est le mois de mon anniversaire, verseau, besoin d'eau, je voudrais voir la mer dans le petit matin, la mer avec toi. Ah les rêves ont la vie dure mais ça t'enfume les rêves, la vie. L'année semble commencer comme elle a fini, vaccin peut-être mais spirale infernale, il ne reste plus que soi-même pour combattre, c'est déjà ça, c'est beaucoup (à propos je vomis le mot à mode 'se réinventer'). Et alors comme alors. Miguel. ©
janvier 2021 : rollercoaster - il faut tout refaire chaque jour parce que la vie et tes démons ont tout foutu en l'air la veille, c'est aussi un peu ce que dit Bernanos dans son Curé de campagne :
Faites de l'ordre à longueur du jour. Faites de l'ordre en pensant que le désordre va l'emporter encore le lendemain parce qu'il est justement dans l'ordre, hélas ! que la nuit fiche en l'air votre travail de la veille - la nuit appartient au diable. J'ai toujours pensé que les amours les plus belles étaient les amours platoniques. Brassens on passe son temps à le redécouvrir et on s'extasie, et on sourit aussi beaucoup. Mon premier rêve avec le masque : j'étais dans l'année du bac, j'avais une sorte de grippe et j'étais à la maison, je m'inquiétais parce que je devrais rattraper le retard en maths, alors je repasse au lycée pour voir ce que j'ai manqué et là, vlan, je m'aperçois que j'ai oublié mon masque. Le pire c'est que ce monde a perdu l'innocence. Et justement, l'année se termine, et il est temps de faire le bilan, drôle de bilan, le monde s'est effondré à cause d'un virus, ce n'est certes pas la première fois mais c'est quand même comme si c'était la première fois, le monde a changé, à cause d'un virus, toi tu ne t'es pas étonné, tu as dit, ça devait arriver, que ce monde explose à cause de sa superbe, de son indifférence aux choses de l'âme, à cause de ses milliards d'habitants qui bougent dans tous les sens sans savoir ni pourquoi ni où ils vont, exploser d'être devenu plutôt idiot en se croyant intelligent, exploser de s'être cru supérieur, de s'être cru Dieu, mais non, Dieu reste Dieu et le monde d'un coup s'est rapetissé, vaccin, confinement, masque, c'est devenu notre rengaine et on ne sait pas pour combien de temps, on ne voyage plus et ça nous manque à l'Ange et moi, cela dit on s'aime toujours, on a passé le premier confinement comme dans une retraite, rien que nous, le monde et nous, mais la vie continue toujours, elle a toujours fait ça cette garce, elle continue indifférente à nos drames, l'Ange en a vu son mal de vivre augmenté, et toi ?... moi? que veux-tu, un : j'en ai vu d'autres, deux : il est là, et trois, je n'ai jamais tendu la joue gauche, jamais voulu être victime deux fois, une fois suffit, alors j'assiste à tout ça lointain et triste, triste en pensant à ceux qui sont dans la misère à cause de ce virus, les artistes notamment, les musiciens, cette vie d'artiste que personne n'imaginera combien elle exige de toi, mais pas seulement les artistes bien sûr, ceux de toujours et qu'on oublie toujours, oui triste mais lointain aussi, qu'ils se débrouillent je me dis, en pensant à tous ces insignifiants prétentieux qui nous dirigent, parfois j'en ai vraiment ras-la-patate de tout ça, la pensée correcte, le manque de liberté, s'il vous plaît messieurs on vous demande de penser là où vous devez penser, je les emmerde, j'emmerde la vie, je suis comme Ivan dans Les frères Karamazov, je ne sais pas quelle force saurait m'ôter ma force de vivre, ou plutôt je le sais mais je n'en dirai rien, pas ici, je continue à écrire mon roman
Rollercoaster, pour l'instant le titre n'a pas changé, ce rollercoaster qu'est le monde, un jour en haut, l'autre en bas, plutôt en bas à dire vrai, et moi je veux encore monter, là-haut, là où mène la route, et tant pis si j'ai le vertige, tant pis si je tombe, après tout peut-être ne tomberai-je pas. Bref, adieu 2020, mon cher amour je te dédie ces mots, mais ne soyons jamais indifférents, restons en colère comme elle le chante, et ma mère si tu savais comme tu me manques, mais c'est la vie, nous ne savons rien, mais nous voudrons toujours en savoir plus, percer les mystères. Le mystère est devant toi. Jimmy. ©
décembre 2020 : le fil - Ce n'est pas drôle d'avoir vingt ans aujourd'hui mais faut pas en rajouter non plus, avoir vingt ans c'est pas non plus limité à sortir en boîte la nuit, ç'a jamais été un chemin de roses d'avoir vingt ans mais quand même, on a le temps de voir venir, sauf quand comme dans notre génération, un autre virus t'assassinait au tournant, alors fuck off. J'étais tout content d'avoir découvert dans une interview que Barbara quand elle voyageait était comme nous : elle ne
visitait pas, on lui disait, mais tu n'as pas vu ce musée ? Non. Le voyage à New York avec l'Ange, je l'ai emporté avec moi, le nôtre de New York, et d'ailleurs le roman que je suis en train d'écrire se passe là-bas, un écrivain n'a pas besoin de
visiter pour écrire sur un endroit, même pas d'y être allé. Je pensais, cette intimité que j'ai avec Alfredo, pour les petites et pour les grandes choses, dans le bonheur et dans le malheur, que je n'ai avec personne d'autre, ça me plaît ah ça oui. Maman était contente, quand j'avais vingt ans et qu'elle venait me voir à Paris, quand les commerçants de ma rue près des Champs Elysées lui disaient du bien de moi en disant que j'étais très poli, mais moi c'était pas vraiment de la politesse, j'ai toujours été comme ça, je traitais pas les gens comme de la merde, surtout pas les gens de tous les jours, je me suis jamais senti supérieur aux gens, ni inférieur, différent oui, avec quand même cette petite supériorité douloureuse que donne la différence.
I'd rather be blue thinking of you than be happy with somebody else : je préfère broyer du noir en pensant à toi qu'être heureuse avec quelqu'un d'autre (Funny Girl). Et oui cette fois le peuple nous a donné une petite leçon, il a élu Biden et s'est débarrassé de l'autre, qui est dédidément pathétique (et dangereux) aujourd'hui avec son refus de reconnaître les résultats (ça va mal finir crois-moi), la démocratie ça fait souvent enrager mais y a quand même rien de mieux, encore que l'Ange me dit et redit que Trump a été voté par un record d'électeurs aussi, bref... à suivre. Rêve : j'étais avec l'Ange sur mon scooter, il fallait traverser une étendue d'eau, je me risque, et le scooter flotte sur l'eau. Ne pas avoir peur de ses démons, les remettre à leur place, par la volonté. Rien ne résiste à la volonté d'un homme, disait Mitterrand. C'est pas les amitiés de l'enfance qui restent, sauf si elles sont particulières, les amitiés superficielles de l'enfance, non, ce sont celles de quand tu as vingt ans, ou trente, c'est tout, ces amitiés sont les seules vraies. En France il y a un mois on allumait des bougies pour un prof décapité dans la rue par un terroriste, et aujourd'hui on fait haro sur les flics, étrange pays qui n'en finit pas de sombrer sans s'en douter, et de son plein gré. Moi je ne me suis jamais fait beaucoup d'illusions sur la vie, je ne l'aime que dans la mesure où j'en combats la logique, je n'aime en elle que ce que je lui arrache, par contre je me suis toujours fait des illusions sur les gens, même aujourd'hui, encore que c'est un peu en train de changer, parce que non plus, faut pas pousser grand-mère. Si on remonte au début, je voulais aimer, et aussi je voulais être artiste, et puis en commençant à vivre, à vivre une vie mienne, j'ai voulu être artiste de ma propre vie, et puis j'ai compris que tout ça était lié, c'est ça le fil conducteur. Jimmy. ©
novembre 2020 : et pourtant - un ami de l'Ange à Berlin, un jeune Bulgare, un orphelin, il avait un ami qui était pour lui comme un frère, bulgare aussi et qui travaillait dans une usine à Berlin aussi, l'ami vient de mourir à son travail écrasé par une machine, depuis l'ami n'en dort plus, ils ont fait une enquête à l'usine, en quatre jours : rien d'anormal, toujours et encore, il y a des associations qui aident ceux qui comme ce Bulgare ont besoin d'être aidés parce qu'immigrés, et on a un ami qui peut aussi aider juridiquement, pour peut-être savoir le fond de l'affaire, et pourtant : et pourtant. Toujours eu de l'indulgence pour les voleurs, pas pour les violents. Les souvenirs ça vaut rien si tu les feuillettes comme un album de famille, par contre si tu sens que le passé est toujours là, qu'il fait partie de toi, de ton présent, que le temps qui passe c'est une fumisterie, alors oui, je suis toujours à New York, je suis toujours à Paris, ma mère me prend encore la main, les blessures d'avant je les vois au présent sur mon corps et mon âme, et je vis l'instant présent qui lui aussi demain se gravera en moi. En France un prof décapité dans la rue : larmes de crocodile, tous ces enfoirés qui ne voulaient pas appeler un chat un chat de peur de se faire mal voir dans leurs petits cercles rabougris où on pense là où on vous dit de penser, voilà, résultat : le meurtre, toujours le meurtre ; j'ai même lu quelque part, à propos de quelqu'un tué parce qu'il avait refusé une cigarette dans la rue, ce titre :
une banale histoire de cigarette, tout est dit : banal. Dans le film d'Almodóvar 'Tout sur ma mère', Marisa Paredes à un moment dit :
ça fait longtemps que je n'ai pas sucé une bite, mais elle a tellement de classe que même en disant ça on dirait qu'elle récite du Claudel. Voilà, je n'ai pas beaucoup écrit dans mon journal ces temps-ci, j'écris mon roman. Oui, voilà, nous sommes en plein deuxième vague de ce que l'on sait, on croyait qu'on avait un peu appris lors de la première vague qui elle-même nous avait surpris non préparés, mais non, indécrottables, inconscience et incompétence : le nouveau couple du jour. Rien de ce qui est en train de se produire ne m'étonne, rien. Et pourtant. Comme elle disait, une larme reste une larme et un sourire un sourire, et la vie reste l'ennemie à combattre, faite d'injustices et de drames, de merveilles aussi, les merveilles il faut aller les chercher, plutôt au-dedans, elles ne se donnent pas comme ça les merveilles, moi j'en ai une à mes côtés pour laquelle chaque jour je vigile et me bats. Rien n'est acquis, ni le drame, ni le bonheur, ni soi-même, c'est si facile de se perdre soi-même, et si beau de se garder. Le désespoir est dans l'air mais jamais je ne me suis résolu à vivre désespéré, même dans les pires moments et je sais de quoi je parle. Je pense à ceux qui sont bien plus dans la merde que nous, et il y en a tant, en espérant que seulement y penser ne soit pas rien, que ces pensées-là effleurent un peu le monde quand même.
C'en assez de vos violences ! (Barbara,
Perlimpinpin). Il ne nous reste plus qu'à suivre les élections américaines en espérant que le peuple cette fois sera moins con, jamais gagné d'avance, ça. Jimmy. ©
octobre 2020 : maintenant ils savent - aujourd'hui la virilité ne se mesure plus à la longueur de la bite mais au non-port du masque. Me tapent sur les nerfs d'ailleurs ces débats stupides sur le port du masque, c'est comme le préservatif avec le sida, tu le mets et c'est tout, le reste c'est des débats sur la liberté à deux balles. Alain Finkielkraut, tout philosophe et grand esprit qu'il est, il ne peut pas s'empêcher de s'énerver comme une poissonnière face à des gens qui ne lui arrivent pas au petit doigt du pied, parce que c'est ainsi, la stupidité et la médiocrité c'est mortel, le pouvoir de la merde comme disait Léo. Dans cette France où règne la loi du plus fort, on discute sur les mots pour la qualifier la loi du plus fort, c'est très français ça, discuter sur les mots et pas sur les faits, très con et dérisoire, par contre si tu fumes un joint dans la rue tu écopes de deux cents euros, ringard, hypocrite surtout et très français aussi. En voyant une webcam live du Castro à San Francisco, je repensais à ce garçon, il était pas mal mais il devait je crois avoir eu le visage brûlé, quelque chose comme ça, je l'avais vu ramasser un mégot dans la rue et du coup j'étais parti dare-dare lui acheter un paquet de clopes, je me rappelle de son regard quand je le lui ai donné. Ils ne savaient pas ce que c'était un virus mortel ? et bien maintenant ils savent. Et maintenant Rimbaud et Verlaine au Panthéon ? et qu'est-ce qu'il en a à foutre mon Rimbaud. Je me disais, et si Garbo vivait aujourd'hui, tu l'imagines ayant son compte instagram ou son facebook, ah ah je rigole, Garbo était la Divine et les dieux ne fréquentent pas ces lieux-là, à propos, ils sont où les dieux aujourd'hui ? Quand je vois une femme parler dans la rue avec son chien minuscule comme si elle parlait à un homme, ça me donne envie de vomir, tu me diras moi enfant, je parlais bien à mon berger allemand, Kali, oui mais Kali était un prince et le plus brave des hommes, vraiment. Je suis quelqu'un des points de non-retour. Les bla-bla sur Barbara m'énervent, les décortications, et je pense que ça l'énerverait aussi, pas besoin de décortiquer : tout est là. C'est vrai que le public de Barbara était très jeune, et il l'est resté jusqu'au bout, parce qu'elle nous
parlait, qu'elle nous parlera toujours. Je relis un extrait du dernier roman de Hervé, 'Quand nous serons à Mukallâ', et je suis toujours stupéfait de combien Hervé avait dans ce texte prévu ce qui se passerait entre lui et moi après sa mort, combien ce texte aussi annonçait Alfredo, ce que pourtant je n'avais pas vu en le lisant de son vivant, et tant mieux parce que je n'ai accepté sa mort que quand il est mort, pas avant. Juliette Gréco s'en est allée, moi je l'aimais bien mais sans plus, je la trouvais un peu maniérée, mais bon, elles étaient amies Barbara et elle, et j'aimais sa révolte à Juliette, cette classe canaille qu'elle avait. Avec l'Ange nous parlons pas mal du virus, ça nous énerve un peu que l'Allemagne paraisse (pour l'instant) aussi bizarrement épargnée et ces Berlinois qui ne portent le masque que du bout des lèvres, mais j'ai quand même dit à l'Ange que je ne me posais pas trop de questions sur tout ça, la pandémie, parce que se poser des questions sans réponses était inutile, ici comme ailleurs. Tom Hardy nouveau James Bond ? Ce serait enfin une bonne nouvelle ! Jimmy. ©
septembre 2020 : la fessée - maintenant la Cinémathèque consacre un hommage à Louis de Funès, c'est toujours pareil, ils auraient mieux fait de s'en rendre compte avant au lieu de faire la moue de son vivant. Barbara l'avait bien compris, ça aussi, en parlant de ceux qu'elle appelait ses
fragiles, qu'elle aidait et consolait, elle disait que pour eux il était hors de question de n'apparaître autrement que forte. Je devais avoir quatre ou cinq ans, dans des toilettes, avec un garçon de mon âge, électrisant, et dans une école de bonnes sœurs en plus. Il n'y a pas d'amour sans éternité.
L'injustice m'est intolérable. Toute ma vie peut se résumer à ça. Tout a commencé par l'Arabe qu'on méprise, puis le Juif, puis le colonisé, puis la femme : Gisèle Halimi est morte à 93 ans. Moi j'aurais aimé faire davantage contre l'injustice, mais j'ai fait comme j'ai pu, j'ai aimé, j'ai essayé de ne pas détourner les yeux dans la rue, et j'ai écrit, et j'ai essayé de garder la révolte intacte, ce qui n'est pas toujours facile quand on est assailli comme maintenant partout par l'horreur et qu'on est impuissant. Hervé, tu es mort il y a 27 ans mais regarde où on en est : tu es toujours là, à nous protéger. Dans mes études ils me trouvaient peut-être brillant mais moi je sais que je ne l'étais pas, j'étais travailleur c'est tout, brillant je l'étais peut-être ailleurs, mais pas là. Le passé ne m'intéresse que tant qu'il enfante le présent, c'est-à-dire qu'il m'intéresse souvent beaucoup. L'abject c'est des parents qui frappent leur enfant sans défense, moi nos parents ne nous ont jamais frappés, seulement des fessées, big deal, on avait des bons culs, ça rebondissait dessus. Léo Ferré, qui savait être un peu réac sur les bords, disait que les femmes n'avaient pas à se plaindre parce qu'elles étaient la reine à la maison et qu'à la maison le mâle n'avait qu'à obéir, ce qui n'est pas tout à fait faux non plus, aujourd'hui les femmes je me demande où elles sont encore les reines, à part dans le cœur de certains princes, ou princesses. L'art c'est pas la bien-pensance, c'est le contraire, sinon à quoi bon, mais hélas aujourd'hui... Maintenant pour certains ne pas porter le masque, dans un magasin ou je ne sais où, devient un acte de rébellion, c'est dire où on en est. La loi du plus fort me donne envie de vomir. Dans mon rêve cette nuit : une rue, derrière une minuscule barrière en grillage sur le trottoir : un tigre, je me dis que cette barrière est facile à sauter, puis c'est là que je me rends compte que le tigre n'est pas seul, des tas de tigres sont sur les trottoirs, ils n'ont pas l'air de me regarder, néanmoins pour être plus sûr je prends mon envol et m'envole un peu plus haut dans les airs. J'étais toujours le premier de la classe et ils pensaient tous que j'allais épouser parfaitement la vie, pas que je ferais ce que j'ai fait, mettre la vie chaos tant que je pouvais. Tous ceux que j'ai admirés, et il n'y en a pas non plus des quantités, je ne les ai jamais admirés que parce qu'ils me rendaient davantage moi-même, je ne me suis jamais effacé devant une admiration, je mets Barbara un peu à part parce que mon lien avec elle est à son image : unique, mais Dieu sait combien elle m'aura rendu davantage moi-même. Jimmy. ©
août 2020 : grand huit - je n'aime pas trop le slogan 'black lives matter' (la vie des Noirs compte), on dirait qu'on leur fait une faveur, vous êtes noir mais votre vie importe quand même, mais il est vrai que ce slogan est venu des Noirs eux-mêmes : notre vie compte, comme un cri. Hier l'Ange au dîner dans l'Akazienstraße m'a dit, tu es fragile aujourd'hui, et je lui ai dit, oui mais j'aime ça, parce que je ressens tout. Hier c'était au tour de l'Ange d'être fragile, j'ai revu avec lui 'La mariée était en noir' qu'il n'avait jamais vu, du coup après le film, il a répété le titre mais en rajoutant 'la pauvre', il a dit, la mariée était en noire la pauvre, ça lui a échappé, parce qu'il était fragile ce jour-là, et on a ri. Quand j'étais allé la première fois avec mes parents à Barcelone à la clinique du Dr Barraquer, pour mon œil accidenté, il y eut un drame : on avait oublié mon nounours qui s'appelait Neu Neu, du coup mes parents m'en avaient acheté un autre qui, d'après ce que m'a toujours dit ma mère, n'avait pas du tout eu l'effet escompté, moi c'est Neu Neu que j'aimais, et d'ailleurs je crois que même aujourd'hui je l'aimerais s'il était là. Je ne parle pas beaucoup ici de mon père et pourtant, autant avec ma mère je n'ai aucun regret, on aura tout vécu elle et moi, autant avec mon père c'est différent, il nous aimait tant, lui le petit paysan espagnol si beau, venu en France conquérir le monde et ma mère d'abord, la Parisienne, mais c'était difficile, lui-même était si difficile, et je devais vivre ma vie, ma vie a toujours passé avant, ne serait-ce que pour continuer à les aimer, et pourtant, mon cher papa qui avait perdu sa mère à trois ans, je lui dois tant, il était tellement unique, je l'ai aimé, je le lui ai dit, ça oui mais j'aurais voulu davantage, je me souviens qu'un jour à Dax il avait dit que je devais tenir mes talents d'écriture de son père à lui, mon grand-père paternel de Navarre que j'aimais tant, et moi évidemment j'avais dit que non, que je tenais ça de moi et c'est tout, je crois que ça l'avait rendu triste qu'encore une fois je le contredise, et moi quel sale type je pouvais être des fois, qu'est-ce que ça m'aurait coûté de lui laisser dire ça au lieu de toujours vouloir défendre ma liberté, comme un enragé partout et pour tout. C'était il y a 25 ans, une nuit de juillet, le huit juillet, que j'ai rencontré Alfredo, que j'appelle l'Ange ici, cette nuit où tout s'est écrit d'un seul coup, si je l'appelle l'Ange ici c'est parce qu'il faut garder une distance, parce qu'aussi j'aurais peur que les mots diminuent cet amour, et parce que c'est impossible d'en parler, ceux qui parlent trop de leur amour ont tort, et puis aussi parce que l'histoire n'est pas finie, chaque jour elle est à recommencer, j'ai eu une sacrée chance c'est sûr de le rencontrer, mais aimer est une douleur autant qu'une chance, voilà j'arrête, mon cœur est plein de mercis pour toi, tellement que même pour moi cela reste un mystère, et tant mieux, je revois encore cette nuit, dans Paris transfiguré. L'Ange qui parle cinq langues et très bien, y compris l'allemand très bien (pas comme moi), fait parfois des erreurs bien humaines, par exemple aujourd'hui, parlant des gens de Floride, il m'a dit : ils fuient le con à cause du virus, ce à quoi j'ai compris qu'ils fuyaient le con de Trump, mais en fait il voulait dire : ils foutent le camp (pour aller dans des endroits moins infectés) mais fuir le con ou foutre le camp en fait, c'est du pareil au même. À toi, mon inimaginable. Jimmy. ©
juillet 2020 : y avait cette ministre pour qui je travaillais, elle était bien et j'aurais voulu qu'elle m'aime, elle m'aimait bien d'ailleurs mais ça n'est jamais allé plus loin, parce qu'en fait on était pas du même monde, et d'ailleurs j'ai dans ma vie rencontré très peu de gens qui étaient de mon monde, vraiment très peu, ça ne m'empêchait pas d'aimer bien les autres mais voilà, très peu, et mon éditeur du Seuil pour L'insecte m'avait dit un jour que ma personnalité était parfois difficile à se traduire littérairement, et je crois qu'il avait raison. Étrange et magnifique rêve : je me suis rencontré quand j'étais enfant, douze ou treize ans, mon moi d'hier et celui d'aujourd'hui, nous savions que "ils" voulaient nous séparer mais nous étions pourtant liés pour toujours, dans un amour terrible, indestructible, et mon moi adolescent imaginait tout et le pire pour que nous ne soyons jamais séparés. La vie d'après sera la vie d'avant, les changements ne seront que des changements subis, pas voulus, parce que la machine est emballée et qu'on ne peut plus l'arrêter. Oui la question, c'est bien : et si celui que j'étais adolescent me rencontrait aujourd'hui, est-ce qu'il m'aimerait, est-ce qu'on serait proches au point d'être inséparables ? Je crois que oui, j'ai tout fait pour. Ces flics américains probablement pas tous mais beaucoup de vermine, et l'histoire des Noirs aux Etats-Unis saigne toujours, à la différence que maintenant dans les manifestations noires il y a aussi des Blancs et cela change les choses. Je me disais que Barbara si elle n'avait pas écrit L'aigle noir, n'aurait pas tout à fait été ce qu'elle a été, L'aigle noir qui est peut-être LA chanson française la plus connue, ou l'une des deux ou trois, lui a permis de définitivement quitter cet endroit où elle ne voulait pas être enfermée, pour devenir une chanteuse réellement populaire, sans se renier pour autant (certes), L'aigle noir fut son envol qui l'a menée vers Pantin, Depardieu et Lily Passion, vers sa légende. Café du commerce : je voyais en faisant les courses des ouvriers sur un chantier par une chaleur brutale, je me disais, et voilà, eux ils sont payés une misère et d'autres gagnent des milliards presque sans rien faire, on sait qui, c'est peut-être du café du commerce mais c'est vrai, ce monde ne tiendra pas longtemps comme ça, et d'ailleurs le déglingage a déjà commencé, comme on sait. Il y aura sans doute beaucoup de romans sur la période du coronavirus mais je serai peut-être le seul à avoir commencé il y a plus d'un an un roman qui se passe à New York en temps réel et qui bascule tout à coup avec le virus, mais cela dit je ne peux pas toujours publier des romans qui parlent de virus, tu vois ce que je veux dire. Quel est le livre le plus nécessaire que tu as écrit ? L'Insecte. Quel est le livre le plus proche de toi que tu as écrit ? Vie d'Ange. Quel est le livre de toi pour lequel tu as un faible ? Wild Samuel. Tant qu'on pourra encore déambuler librement dans les rues, rien ne sera perdu. Dans mon rêve cette nuit : j'ai marché sur l'eau, je crois bien que c'était la première fois. Nous sommes finalement retournés au restaurant, à Berlin, dedans et dehors, pas besoin d'un restaurant cher et d'ailleurs à Berlin ils ne le sont pas, juste une table pour refaire le monde, et sa vie, et voilà. Jimmy. ©
juin 2020 : stay gold - je déteste ce mot devenu à la mode en France : 'se réinventer', ça me donne envie de vomir, se reconquérir oui, vigiler, mais se réinventer quelle imbécilité, quel cliché (un de plus). C'est fou qu'il suffise qu'on reste tous chez soi deux mois pour que le monde se retrouve dans une crise économique jamais vue, on est vraiment bien peu de chose. Bon, moi qui étais partisan du masque même avant le corona machin, je l'ai déjà dit, ça me déprime quand même souverainement quand je suis dans la rue de nous voir tous avec nos masques, si c'est ça la vie, je préfère encore rester chez moi, tu me diras, la vie c'est le masque, à quelques exceptions près je n'ai connu que des gens qui portaient des masques, en général sans s'en douter les pauvres. Moi quand je regarde les photos, mon visage n'a pas changé depuis la jeunesse, il a vieilli mais il n'a pas changé, parce qu'il y a beaucoup d'hommes qui changent de visage avec l'âge, pour le meilleur ou le pire. Pareil pour les restaurants, si c'est pour manger dans des cages de verre, merci bien, moi qui ai connu mes plus grands moments dans des restaurants, merci bien, et je dois dire que je risque d'être un peu malheureux de ne pas pouvoir toucher les gens, moi qui ai toujours été très tactile, preneur de mains, mais après tout j'en aurai profité de tout ça, à satiété, les mains, celles de ma mère, les restaurants de partout, même quand on pouvait y fumer, alors s'il me reste la main de l'Ange, de quoi je pourrais me plaindre. Ceux qui ne comprennent pas que l'histoire est tragique, je dirais tant pis pour eux si ce n'était pas ceux-là justement qui nous pourrissent la vie. Tu peux toujours nier la réalité mais un jour la réalité, comme aujourd'hui, t'éclate à la gueule. Moi je donne tout à la condition qu'on me laisse libre, qu'on me laisse vivre, comme dans la chanson de Barbara 'L'enfant laboureur' :
mais comment voulez-vous qu'un enfant laboureur, si on lui prend sa terre, fasse pousser ses fleurs, et d'ailleurs je disais à ma mère que j'étais son enfant laboureur et elle comprenait très bien. Ce lundi Michel Piccoli est mort, il est parti retrouver Romy, inutile de dire des superlatifs, Piccoli, le nom seul suffit, Leos doit penser à lui. Les deux premières semaines du confinement j'avais comme ça un peu de fièvre et je me sentais fatigué, je m'en souviendrai toujours, cette peur, pas la peur d'être malade mais la peur d'être malade 'et' d'être séparé de lui, qu'on m'isole quelque part sans lui et que peut-être je meurs comme ça, chaque nuit passée était bonne à prendre, une nuit de plus à survivre, cette peur, dont je n'osais pas vraiment parler, et puis de nuit en nuit, voilà,
I'm still here, mais qui oserait nous séparer hein ? qui ? Je pense à tous ceux qui sont dans une misère noire à cause de l'incompétence des gens en place, ces horribles médiocres arrogants et à la conscience tranquille. Il n'y aura pas de leçon malgré ce qu'on a dit, la leçon c'est qu'on ne tire jamais la leçon de rien. Et maintenant back to Berlin ! Il était temps. Jimmy. ©
mai 2020 : un monde parfait - j'y ai souvent repensé, les derniers mots de la nouvelle de Hervé 'L'Outarde' sont en espagnol, c'est-à-dire les derniers mots de ce qu'il aura écrit avant de mourir, Hervé qui ne parlait pas un mot de cette langue mais avait aimé cette citation de Machado, deux ans après sa mort : je rencontrais Alfredo. Si on juge un artiste selon des critères moraux, les musées seront à moitié vides de toiles, les librairies de livres, etc., l'enfer est pavé de bons sentiments. Un jour à Paris, j'étais allé faire un test anonyme du sida, et avant le test il fallait que je remplisse une espèce de formulaire, dans lequel je devais notamment spécifier le nombre de mes partenaires sexuels au cours de ma vie, là j'étais un peu embêté, moi qui ne pratiquais pas la pénétration étais-je resté puceau ou est-ce que je devais considérer comme partenaire sexuel un garçon auquel j'aurais touché la bite juste cinq minutes dans un coin, j'optais pour la deuxième solution et remplissais le formulaire, il y avait trois cases là où on devait inscrire le nombre, j'écrivais donc 999, ce qui était sûrement en-dessous de la vérité, plus tard j'en ai parlé à ma mère qui a trouvé que 999 était un nombre beaucoup trop élevé à son goût. Avant de connaître l'Ange je parlais deux langues, maintenant j'en parle cinq. On a l'impression de vivre la fin du monde, mais moi tout ce que je demande c'est de rester avec l'Ange, un morceau de pain et c'est tout. Et ce putain de virus a même infiltré le roman que je suis en train d'écrire et qui se passe à New York de nos jours. Routine : je me lève vers 8h, je prépare le petit-déjeuner de l'Ange qui dort encore, je prends mon charriot, gants en plastique, je sors avec mon masque, le supermarché, courses avec ma liste, payer avec le mobile (pas de contact), retour, rues vides, vider le charriot, laver mes gants, me laver les mains vingt secondes, et finalement je prends mon petit-déjeuner et je commence à écrire vers 11h30 ou midi, dans la publicité la femme disait : je ferais pas ça tous les jours mais moi, je le fais tous les jours. J'ai dit à l'Ange, un monde parfait ce serait très ennuyeux, et puis j'ai ajouté, on est servi tu me diras. Quand (et si) tout ça sera fini, je doute que la leçon soit apprise, je suis comme St Thomas là-dessus. Quand j'écris mon roman qui se passe à New York, je ne lâche pas le clavier, un mot suit l'autre, et je ne sais jamais quel sera le prochain mot, je ne sais pas si c'est ce qu'on appelle l'écriture automatique mais c'est comme ça, si je réfléchissais trop, je n'écrirais rien. Moi ça fait longtemps que je crie dans le désert qu'on est trop nombreux et qu'on est encerclé de microbes, et même avant pendant le temps de la grippe je mettais un masque dans les salles de cinéma. Tout ce qui passe là avec le virus, c'est rien que la faillite, de tout, de notre hypocrisie, de notre vacuité arrogante. Et ce qu'ils ont pu nous faire chier avec leur vie saine, avec la cigarette, mangez pas ceci, mangez pas cela, tout ça pour en arriver là ! Un masque par personne et un masque par jour, mais même ça ils en sont incapables. D'accord j'ai la nostalgie, surtout en ce moment, y a de quoi, mais la nostalgie je l'ai toujours eue, même à vingt ans, même enfant d'ailleurs, la nostalgie du temps qui passe, c'est pour ça que je suis resté vivant, sans nostalgie y a plus rien. Alors les gars, c'était pas mieux avant ? vraiment ? Jimmy. ©
avril 2020 : moi qui suis comme disait Hervé de cette
génération sacrifiée, la génération sida (infectés ou pas), je me retrouve avec ce virus planétaire corona machin. La différence est que, à notre époque, nous mourions et le monde se taisait, aujourd'hui le monde ne parle que de ça, ce ne sont pas que des pédés qui meurent, alors le monde est en émoi. Bref, j'ai peu envie de parler de ça ici, et pourtant je vais essayer, il ne faut jamais- jamais- être victime deux fois, alors j'écris. Nous passions quelques semaines à Madrid et devions rentrer à Berlin, mais voilà, on se retrouve confinés ici, dans l'appartement de Madrid. Bien sûr il y a le côté romanesque, les rues vides, superbes, les gens qui vont à la fenêtre à huit heures du soir et qui applaudissent comme s'ils se serraient dans les bras l'un l'autre. Il y a mon roman qui se passe à New York et qui lui aussi connaît le virus, ce n'était pas prévu, je m'adapte, sacré sujet pour un écrivain, on écrit jamais que sur le malheur de toute façon, mais comme disait Barbara : je n'ai pas inventé la mort. Voilà pour le romanesque. L'Ange tremble, de tout, il tremble et j'en tremble aussi, ou bien on rit tous les deux, rien à dire de plus, l'un sans l'autre : impossible, aimer c'est trembler de toute façon et toujours. La solidarité ? Oui la solidarité, mais il ne faut pas rêver, c'est aussi sauve qui peut, mort on n'est plus solidaire de grand-chose. Les politiques ? Mieux vaut ne pas en parler, on règlera les comptes plus tard. Demain ? Ah demain, la grande question. Comme si on devait être surpris de ce qui se passe ! on croyait être les maîtres du monde et bien, non, on n'est rien, même pas capables de fabriquer assez de masques, on est toujours mortels et plus que jamais, on est ce qu'on a toujours été, pathétiques et grandioses, ridicules et sublimes. Moi ? Je ne dirais quand même pas, moi j'm'en balance, ce serait faux, je tremble aussi, mais au vu de ces gens qui meurent seuls comme des pestiférés, je me dis que mourir de maladie mais avec quelqu'un près de soi, c'est presque le paradis. Penses-tu aux autres, à la misère du monde ? Écoute, la misère du monde j'y ai toujours pensé, et écrit à partir de ça, mais aujourd'hui vois-tu j'aimerais simplement vivre, j'ai encore des choses folles dans la tête, sous les doigts, avec l'Ange. En fait on est tous pareils dans cette puta realidad : seuls et unis. On te dit, maintenant tu vas pouvoir mesurer ce que c'était les joies simples de la vie que tu croyais acquises, mais la vérité c'est que je n'ai jamais rien considéré comme acquis, surtout pas mon amour, je pouvais m'émerveiller d'un restaurant avec l'Ange, d'une promenade, d'un petit cadeau de rien du tout, j'ai jamais été de ceux qui ont besoin d'un grand tralala pour du bout du cœur s'émerveiller, les blasés, ma mère était pareille, et d'ailleurs je tiens ça d'elle, quant à mon père il avait une orange comme cadeau à Noël, c'est d'eux oui que je tiens ça. On s'écrit tous beaucoup pendant cette histoire infernale, WhatsApp et compagnie, et c'est vrai, je l'ai déjà dit, même avec la fin du monde : le monde reste incroyablement humain. C'est comme ça, Barbara, encore elle, avait dit un jour,
mais ça vous n'empêcherez pas qu'à travers tout le progrès, à travers toutes les choses, une larme sera toujours une larme, et un sourire un sourire, et Dieu merci d'ailleurs, c'est comme ça. Vida. Jimmy. ©
mars 2020 : on dit que les croyants ont la vie plus facile parce que justement ils sont croyants mais je n'en suis pas si sûr. Ses copains du cours d'italien appellent l'Ange 'Edo'.
Ne pas publier me procure une paix merveilleuse. (...)J'aime écrire. J'adore écrire. Mais je n'écris que pour moi et mon propre plaisir, confiait Salinger en 1974 dans une célèbre entrevue au New York Times ; moi pendant longtemps je voulais ardemment publier, je l'ai été une fois (deux si on compte mes poèmes), mais maintenant je n'en veux plus, je n'en veux plus autant que je le voulais avant, suis passé d'un extrême à l'autre comme souvent, je ne suis pas Salinger mais mon rêve serait que l'on veuille encore me publier, pour pouvoir dire non. C'est pénible, maintenant quand on critique Meghan Markle, l'épouse de Harry, c'est qu'on est raciste, moi je n'avais même pas remarqué qu'elle était un peu noire avant qu'on me le dise, et pourtant je l'ai vue dans cette série ('Suits'). Chamfort (le poète) disait
il faut que le cœur se bronze ou se brise, chez moi il a fait les deux. Y a eu une époque où j'envoyais promener tout le monde, même un ministre (mais pas Hervé), parce que j'avais commencé à écrire et que je ne voulais pas qu'il y ait une tricherie entre ma vie et ce que j'écrivais. Barbara dit quelque part qu'il ne faut pas lutter contre ses faiblesses, ses manques, qu'il faut au contraire aller avec, les aimer en quelque sorte, et c'est vrai que nos faiblesses expliquent nos grandeurs. Voyage avec l'Ange à León, ville gothique espagnole, cathédrale et compagnie, on faisait une pause dans ce monde qui va si vite, c'était mon anniversaire, c'était pas Venise mais presque. Le crime n'a pas de visage : il avait vingt ans ou un peu plus, il était fils de militaire et il n'aurait pour rien au monde dit à ses parents qu'il était homosexuel, alors quand il a appris qu'il avait le sida, il s'est tué. Edo (l'Ange) est devenu très manuel, dans l'appartement c'est une vraie fée, il robotise tout, défait les câbles, les remonte, creuse les murs, met les fils à nu et referme, tout et j'en passe, et il va toujours au bout, ne s'avoue jamais vaincu, moi en fait je suis rarement allé au bout, j'ai failli abandonner Sciences Po avant le diplôme même si je ne l'ai pas fait, j'ai laissé la radio au bout de trois ans, j'ai cessé de vouloir être comédien après avoir tourné avec Godard, et si certes je continue à écrire, j'ai abandonné maintenant l'idée d'être à nouveau publié, etc., en fait je ne serai allé au bout que d'aimer, deux fois, mais totalement, éperdument, chaque jour, et je suppose que d'aller jusqu'à ce bout-là, et ce n'est pas fini (toujours à recommencer), m'aura enlevé toute force pour aller jusqu'à d'autres bouts qui ne m'intéressaient qu'à moitié ; mais il est vrai que ce n'est pas au vieux merle qu'on apprend à siffler. Jimmy. ©
février 2020 : opéré d'une hernie deux jours après Noël, c'est gai, moi qui déteste subir, il faut encore se reconquérir, en attendant l'Ange est avec moi, je nous revois au moment de l'opération, je pars dans le brancard, je prends sa main avant de m'éloigner, dans ma tête j'ai peur de ne pas me réveiller après l'anesthésie, ce que je peux être faible et fragile des fois, mais je reviens dans le brancard, je lui fais signe de la main, que serais-je sans toi hein, et pas de sport pendant un mois merde, patience donc, une hernie c'est pas une question d'âge, un jour qu'on était fâchés Hervé m'avait écrit qu'après la pluie, venait le soleil. L'auteur a droit de vie et de mort, sur ses personnages.
écoute, ce qu'il reste de nous, ce qu'il reste c'est tout (
La minute de silence, Michel Berger). Elle était encore plus belle ce jour-là, dans un chemisier à fleurs, elle était bien, pas malade, du tout, mais elle s'en allait, on le savait tous les deux qu'elle s'en allait, alors on s'est pris dans les bras, et cet instant fut la plénitude, totale, définitive, l'un dans les bras de l'autre, tout était dit, pour toujours, voilà, c'était mon rêve cette nuit. J'ai donc été opéré d'une hernie à l'aine, banal paraît-il mais pas agréable pour les suites de l'opération, et puis je suis un très mauvais malade, même si dans le cas présent il ne s'agit pas d'une maladie, je suis aussi petit dans les misères physiques que j'ai pu être grand face au malheur et l'adversité, face aux deuils, quand je suis diminué physiquement, ce qui est le cas là, quand je suis diminué physiquement je ne suis plus le maître, alors que face au malheur je sais vivre, en tout cas j'ai su, faire s'envoler l'esprit et me battre, me battre jusqu'à mettre k.o. cette vie que je méprise pour sa petitesse, je vise la grandeur, même dans les échecs et les drames, ah JM es-tu fait pour cette vie ? oui probablement tu es fait pour cette vie, pour la combattre, et pour aimer, ce qui est pareil, c'est dit. Si la chanson de Véronique Sanson
Je me suis tellement manquée me touche tant, c'est parce que je sais qu'il faut un presque rien pour se manquer. 50% des Français pensent que le réchauffement climatique est réversible, ces hautes autorités du climat ! je me demande quels sont les plus cons, ceux qui posent la question ou ceux qui y répondent. Dans le film hallucinant de Sam Mendes '1917', il est dit à un moment, 'ne ressasse pas ça', c'est-à-dire la mort (du soldat ami du personnage principal), mais on ne ressasse pas la mort, c'est la mort qui ressasse. Tant de choses impartageables qu'on veut partager quand même. Être un survivant c'est pas pour les mauviettes. Barbara c'est un peu de l'ordre du sacré, du religieux. Certes je relis toujours les mêmes livres, mais ils sont différents, de Virginia Woolf à Richard Yates en passant par Fante, et de Dostoïevski à Salinger, en passant par 'Le grand Meaulnes', 'Jean-Christophe', ou Fitzgerald, et j'en passe, Kerouac, Montherlant ou Stendhal, différents. Bientôt mon anniversaire, que dire ? j'y suis, j'y reste, il y a le corps, il y a l'âme, il y a l'Ange, j'ai toujours quinze ans, au pire trente-cinq ans, j'ai l'âme qui me démange, les souvenirs qui chahutent au-dedans, et l'avenir qui me nargue. Jimmy. ©
janvier 2020 : que savent les écrivains de l'amour, que savent les gens, il paraît que Marguerite Duras aurait dit ou écrit qu'aucune histoire d'amour ne pouvait être sûre d'elle-même face à un inconnu qui entre dans un bar, moi je n'y crois pas, quand tu aimes, que tu aimes vraiment, tu n'es sûr de rien, tu te bats, contre la vie, mais tu n'es pas en péril devant un inconnu qui débarque dans un bar, mon Dieu non. Est-ce que vivre seul est une forme de liberté, sans doute, mais un peu étriquée quand même, un peu courte, un peu peureuse. J'écoutais Barbara dans ma chambre et l'Ange à côté qui me dit, c'est qui ? une nouvelle découverte ? quel humour cet ange. Rêvé que même séparé de l'Ange sa main restait dans la mienne, juste sa main, séparée de son corps, qui pressait la mienne. Fitzgerald dans
The beautiful and damned dit une chose comme, il ne faut pas obtenir ce que l'on veut, parce qu'ainsi il reste quelque chose à rêver, ou alors, et là c'est moi qui pense, si tu obtiens ce que tu voulais, il faut en faire quelque chose que tu n'as pas obtenu, toujours à recommencer. Me suis acheté le coffret avec tous les albums studio de Véronique Sanson, quelle beauté, pas étonnant que Barbara l'aimait, Sanson au panthéon de la musique, une rareté, et sa chanson
je me suis tellement manquée est terrible et grandiose. La difficulté quand tu écris un roman, c'est que tu dois être l'auteur et le lecteur en même temps. Moi qui veux tant que la vie se plie à ma volonté, bien sûr j'échoue parfois, parfois souvent, là où la vie subit ma loi, c'est dans l'écriture. Dear friends, comme je dis chaque année à la même époque (quelle originalité !) dear friends donc, l'année se termine, le bilan ? toujours le même, se reconquérir chaque matin, et puis le temps qui passe, la douleur du temps, la douleur de vivre, et toutes les merveilles, conquises au nez et à la barbe de nos ennemis, j'ai commencé un nouveau roman, je vais le continuer pendant longtemps, l'Ange et moi allons vers vingt-cinq ans d'éternité, vingt-cinq ans qui sont notre capital, et rien qu'à nous, taxé simplement par la vie quand elle se prend à être mesquine et jalouse, ce qui est souvent, je pense à vous, mes amours partis vers où j'irai aussi, vos mystères, vos beautés, vos rires, j'arrête, bonne année dear friends, l'instant présent est déjà passé, alors n'en faites pas une montagne de l'instant présent, aimez, dansez, ne subissez pas, ne tendez pas l'autre joue, ne mourez pas deux fois, santé ! Jimmy. ©
décembre 2019 : quel cliché de parler de la froideur de Catherine Deneuve, ceux qui la trouvent froide n'ont sûrement pas vu beaucoup de ses films. Je ne suis pas revenu à Paris depuis quinze ans et pourtant j'y suis toujours un peu chaque jour. Autrefois à Paris, mon père m'avait dit que si je voulais il pouvait m'acheter le tout petit appartement vide au-dessus du mien, rue Quincampoix à Paris, ce qui agrandirait le mien, j'avais réfléchi puis je lui avais dit que finalement j'en avais pas besoin, que j'étais bien comme ça. La seule manière de vivre c'est de se croire immortel, mais pas trop non plus. Une amie de jeunesse revue à l'enterrement il y a cinq ans : à la sortie de l'église on parle, je lui dis en riant qu'on ne se voit qu'aux enterrements et que la prochaine fois ce sera au mien, mais non, elle dit, tu viendras nous voir à la maison, j'en doute, je dis, écoute je vis à Berlin ! oh, elle me dit, sois simple ! c'est bien ça, les gens, quand on dit la vérité on est pas simple, évidemment je l'ai plus revue depuis. Barbara avait chanté un jour sur Europe 1 une ancienne chanson, pas d'elle, et qui s'appelle 'Ah oui', l'histoire d'une fille qui raconte à sa mère qu'un homme a abusé d'elle et est parti sans rien lui laisser, et la mère scandalisée disant, quel déshonneur pour la famille ! et d'ajouter : la prochaine fois, fais-toi payer d'avance. Avec l'Ange je suis devenu le contraire de ce que j'étais avant, c'est-à-dire devenu lecteur et voyageur, avant je n'étais ni l'un ni l'autre, ni ne voulais l'être, avant je ne voulais voyager que dans Paris et je ne voulais pas lire de livres parce que je voulais vivre d'abord (puis écrire), mais je suis resté le même pour autant. Je sais que parfois je parle trop d'elle, mais j'en ai rien à foutre d'en parler trop. Je me fiche des raisons secondaires qui vont
contre une décision importante si la raison principale va
pour, sinon je ne serais jamais allé à Berlin pour y vivre, et d'ailleurs sinon je n'aurais jamais écrit ni rien fait. Ma vision de la vie est venue avec le temps mais assez vite quand même, c'est d'aimer qui l'a construite, quand j'ai compris qu'aimer était une lutte permanente contre la vie et son sale jeu de destruction. Dans le superbe épisode de la série The Crown consacré à la mère du duc d'Edimbourg, celle-ci, qui est devenue religieuse, dit à un moment que la foi est tout, elle dit à son fils : trouve-toi une foi, si j'avais à dater cette foi propre chez moi, je dirais la mort d'Hervé, même si bien sûr elle germait depuis longtemps en moi. Ma mère avait arrêté de fumer après sa pleurésie quand elle était encore jeune et que nous étions enfants, mais elle aimait qu'on fume autour d'elle, elle savait combien le corps et l'esprit sont liés, elle était intelligente, et pas de ces intelligences sèches et cultureuses, l'intelligence que j'aime, la seule d'ailleurs, et quand on venait avec l'Ange en vacances à Hossegor, lorsqu'on repartait à la fin, elle disait que ça lui manquait, les cendriers pleins de nos mégots. Dans le rêve je m'étais violemment fâché avec mes parents, et puis j'étais parti sur une route déserte : je marchais seul, il y avait un terrible orage, j'étais entouré d'éclairs, la foudre partout, tout était blanc et lumineux et je n'avais pas peur, pas peur de mourir. Bref, c'est pas au vieux merle qu'on apprend à siffler. Jimmy. ©
novembre 2019 : on est paraît-il en train de republier le journal de Julien Green sans les coupures qu'il avait faites de son vivant, par peur du scandale, bref on y découvre beaucoup d'extraits crus sur sa vie homosexuelle, les mots bite, cul et compagnie, big deal ! moi dans mon journal je ne parle à peu près jamais de cul, j'adore le sexe mais je ne vois pas l'intérêt d'en parler, tout a été dit, ce ne serait que pour exciter les pervers et les bourgeois, l'âme m'intéresse davantage parce que sur l'âme tout ne sera jamais dit, et d'ailleurs je ne parle pas non plus de ce que j'adore manger, à part le poulet parce que c'est un de mes points communs avec Barbara. Les immigrés, les réfugiés à Berlin, l'Ange en sait quelque chose, il ne pense pas qu'à lui, qu'à nous, il sait être magnifique avec les autres aussi, avec ses amis à la vie pas comme la nôtre, ça c'est aussi la force d'aimer, parce que si aimer ne te fait pas voir le malheur des autres, c'est de la merde. Moi, j'ai toujours vu l'injustice, petit, lors d'un déjeuner à la maison, j'avais même répondu à la figure d'un des amis de mes parents, il avait plein d'argent et en plus il se moquait de ceux qui en avaient pas ; mais Barbara a aussi été pour beaucoup pour m'ouvrir les yeux, dans ses chansons, Le soleil noir par exemple, et puis tout ce qu'elle était elle, sa vie, elle disait que la solitude n'éloignait pas du monde, qu'au contraire tu le voyais mieux dans la solitude. Dans mon rêve cette nuit : Faye Dunaway, Leonardo DiCaprio et Kostas Nikouli, le protagoniste superbe du film Xenia. C'est un peu grotesque cette chiraco-mania, la vie c'est le mensonge et ces Français qui repeignent l'histoire en rose sont pathétiques ; mais bon, ça leur passera, le seul grand Président c'est Mitterrand, je ne parle pas de de Gaulle, parce que lui il était déjà dans l'Histoire avant d'être président. À Berlin dans Gleisdreieck Park, il y a un écriteau indiquant un café : le Café Eulé, ça m'a fait énormément rire. Entendu dans le film superbe sur Noureev avec Oleg Ivenko : on ne va à la liberté que par la discipline. Quand j'étais à Sciences Po on nous disait de lire Le Monde, ce qui me faisait souverainement chier, je détestais ce journal à l'époque, quand Romy Schneider est morte ils ne l'ont même pas mis en première page, ils étaient comme ça, de faux intellos qui avaient peur de mal penser pour ce qui est de la culture, des bien-pensants ridicules, je leur en veux encore de ça. J'adore cette chanson où Brassens dit,
quand elle rit, ma femme est un bâton merdeux. Le bonheur on le cherche, on ne le possède jamais, le bonheur n'existe pas ici, seulement son reflet, et la quête. Barbara, c'est ma vie en un sens. Parfois je pense à ces questions, ce qu'il y a après la mort, toutes ces questions que personne, PERSONNE, n'a jamais résolues et ne résoudra jamais, et des fois ça me fait souffrir tout ça, que de mystères ! je me dis, et je n'arrive pas à imaginer que la mort soit une fin, j'ai mes raisons. Que tu me manques, ma belle. Joker ? névroses modernes et poudre aux yeux pour divertir le peuple, bang bang. Quand il a le mal de vivre, l'Ange se réfugie dans le sommeil, et puis il en ressort pour m'insuffler sa force de vivre. Jimmy.©
octobre 2019 : évidemment chacun de nous est unique, évidemment certains sont sont plus uniques que d'autres, mais les plus uniques ne seraient rien sans les moins uniques, et inversement. On sait que Barbara pouvait être très exigeante quand elle était sur scène, elle raconte dans ses mémoires qu'un soir, je crois que c'était à Mogador, elle engueulait les coulisses depuis son piano sur scène en demandant le rouge des lumières qui apparemment n'y était pas, et elle criait : je veux mon rouge !, et un technicien dans les coulisses avait dit sérieusement, mais qu'est-ce qu'elle veut ? sa bouteille de vin ? quand elle avait su ça après le concert, tout s'était terminé dans les rires. J'ai toujours des réticences à parler de l'Ange ici, parce que surtout c'est impossible de parler de ça vraiment, mais que veux-tu si je ne parle pas de lui, alors je ne parle de rien. Mon Dieu comme je hais les insectes, quand je tue une mouche, je lui parle, je lui dis : tu vois, faut pas faire chier mémère. Dans
The catcher in the rye, Salinger fait dire à Holden que quand un artiste est trop bon, ça finit par ne plus être bon du tout parce que ce n'est plus que de l'étalage. Il ne faut pas croire qu'aimer ce n'est pas se heurter, parfois c'est le drame et c'est le désespoir, mais même dans le désespoir on aime encore, et il ne faut pas regretter les drames, s'il n'y a pas de drames c'est qu'il y a un mensonge quelque part. Ça me dégoûte un peu tous ces écrivains, et y en a beaucoup, qui font des romans sur leurs histoires intimes. Je sais pas si t'as remarqué ça, mais quand quelqu'un meurt, tout le monde se l'approprie, chacun a des souvenirs avec le mort, chacun avait une relation très spéciale avec lui, et ceux qui
vraiment avaient une relation spéciale avec lui (ou elle) se trouvent dépossédés, j'ai connu ça quand Hervé est mort, j'étais plus qu'un parmi les autres, Dieu que j'aimais pas ça ! tu comprends ils se rattrapaient, eux qui étaient tellement jaloux de ce qu'il y avait entre lui et moi, surtout qu'ils ne le comprenaient pas, mais cela dit après, malgré tout, ils ont tous perdu Hervé avec sa mort, seul moi je l'ai gardé, parce que c'était notre histoire, notre lien a continué au-delà de la vie, la mort remet l'amour à sa place toujours, mais c'est notre secret que seul l'Ange sait. Israël, j'ai donc fini par y aller, tant d'années que je le voulais, me suis toujours senti un peu juif mais ce n'est pas le moment des explications, de Berlin à Tel-Aviv, voyez le symbole, Tel-Aviv les plus belles plages que j'ai jamais connues, Tel-Aviv c'est un mélange de rutilant neuf et de déglingué, comme j'aime, pas parfait ni lisse, c'est la ville où j'ai jamais vu autant de garçons torse nu, normal on crevait de chaleur, le jeudi on est allés à Jérusalem j'étais ému au Mur des Lamentations je pensais à Jésus et son chemin de croix et à mon amour pour l'Ange, on a circulé au milieu de montagnes désertiques qui ressemblaient à Mad Max, on a mangé arabe on suivait les vagues on s'aimait on riait bêtement on a sillonné les rues vides pendant le sabbat et on a acheté à boire et à manger dans une station-service qu'on a mangé sur un banc près du fleuve je disais à l'Ange : "Ça batt ?", il me répondait : "Ça batt", puis d'un coup c'était la fin mais c'est jamais la fin avec nous deux, il manque plus que la paix des héros pour être heureux. On s'est baigné dans la Mer Morte. Maman, cinq ans. Jimmy. ©
septembre 2019 : Je trouve souvent mon inspiration pour ce journal quand je suis à vélo dans Berlin. Des cœurs à éclater de révolte. James Bond deviendrait une femme au cinéma, dit-on, j'en déduis que ça ne s'appellera donc plus James Bond, peut-être Jane Bond. Quand j'avais vingt ans, j'aimais la compagnie des beaux garçons, ça me suffisait, pas besoin de sexe, le sexe je ne l'aimais qu'avec des anonymes. Vu deux fois le dernier film d'Almodóvar, mon préféré, 'Dolor y gloria', parce qu'il y met ses tripes, et avec la voix de Chavela Vargas au milieu du film. Un des cauchemars de cette existence, c'est quand quelqu'un veut te montrer les photos qu'il a prises lors d'un voyage, et ce n'est pas ma mère qui me contredira. Quand je le prends dans mes bras, c'est pas la vie en rose que je vois, c'est la vie telle qu'elle est, toute petite par rapport à la grandeur de nous, la douloureuse grandeur. Quand tu lis un livre, même un livre que tu adores et que tu relis souvent, il ne faut pas trop en savoir sur l'auteur, un peu, pas trop. Mocky est mort, moi je l'aimais bien Mocky, jeune il était très beau, j'avais fait un casting pour un de ses films et être le partenaire de Catherine Deneuve, mais c'est le frère de Charlélie Couture qui avait eu le rôle. Un roman inachevé c'est pas si mal, comme Le dernier nabab ou Lucien Leuwen, parce qu'un roman de toute façon, est toujours inachevé. Cette fois je n'ai pas eu peur, dans mon rêve : je le vois de très loin, un lion, un lion presqu'humain et menaçant, et bien sûr à ce moment-là il me voit aussi et je sais qu'il va venir vers moi, mais cette fois je ne pars pas, je sais que plus il s'approchera de moi, plus il s'évanouira, et de fait à un moment, près de de moi, pfff, disparu le lion. L'amour ne suffit pas, bien sûr, s'il suffisait ce serait tout sauf l'amour, il n'y aurait plus d'au-delà à conquérir. Je dois l'admettre, avec moi c'était souvent tout ou rien, alors c'était souvent rien, et parfois tout, éblouissant, et pour toujours. Le désordre ne surgit que de l'ordre. Certains pédés n'auront pas pardonné, ou accepté, que mon livre sur le sida soit écrit par un pédé séronégatif, je peux les comprendre mais ils ont tort, et ils le savent. Dieu sait que j'aime mes parents mais j'étais pas au monde pour mener la vie de mes parents, et c'est en menant une vie mienne que j'ai pu continuer à les aimer, et à le leur dire, et tant pis s'ils en ont souffert parfois, moi aussi je souffrais. Quand tu écris un roman, je parle du moment précis où tu écris, devant ton ordinateur, il ne faut pas trop réfléchir, il faut écrire. A Sciences Po notre ami A. nous avait dit un jour : maintenant à notre âge, il ne faut plus qu'on se contente de dire qu'on aime un film, il faut qu'on sache dire pourquoi on l'aime, pourtant moi, encore aujourd'hui, j'ai beaucoup de mal à dire pourquoi j'aime un film, ou un livre, j'aime c'est tout, et en fait je ne suis pas sûr qu'il faille dire pourquoi, peut-être un mot ou deux, un adjectif, mais pas plus. J'en connais, tu leur dis, vous aimez Barbara ? ils te répondent, oh bien sûr, avec un air idiot, alors qu'ils ne connaissent que deux ou trois chansons d'elle et parce qu'ils trouvent que ça fait bien de répondre ça ces idiots, mais moi je le vois tout de suite quand j'ai affaire à un vrai amoureux d'elle ou pas, c'est pas au vieux merle qu'on apprend à siffler. Jimmy. ©
août 2019 : mon attraction pour les garçons a toujours été plus esthétique que sexuelle, même si oui je sais... Dans mon premier roman, Vie d'Ange, il y a une scène importante où Ange regarde un enfant qui lave les vitres des voitures à un croisement, sous le regard méprisant des conducteurs, quand j'ai eu terminé mon livre et que j'avais même signé avec un éditeur, je suis retourné près des quais où j'avais vu des enfants pour de vrai, j'en ai appelé un, je lui ai expliqué rapidement et je lui ai donné 200 francs de l'époque, je me souviens quand je me suis éloigné, je me suis retourné et on s'est fait un signe de la main. Un gouvernement qui s'occupe des minorités et pas seulement de la majorité est un gouvernement juste, parce que les minorités plus que quiconque ont besoin d'être défendues parce qu'elles sont de tout temps des victimes de l'injustice. Je n'ai jamais, jamais, vu quelqu'un d'aussi beau quand il dort comme l'Ange. Un jour de mal de vivre comme il en a parfois, l'Ange m'a dit des choses sur moi, définitives, très belles, bouleversantes, et puis moi après, je lui ai dit ce que dit Anouk Aimée à son fils dans le film 'Mon premier amour', que je préférais quand il était un peu ingrat avec moi, parce que c'était signe de bonne santé. Avec le temps la vie que tu lis sur un visage, c'est pas dans les rides ou dans ce genre de conneries que tu la vois, c'est dans l'expression, quelque chose d'indéfinissable, que tu ne peux pas empêcher, dans le regard toute une vie. On s'est rencontré par hasard un 8 juillet mais ce n'était pas le hasard, ça ne pouvait pas l'être, et l'aventure a commencé, la seule qui vaille, la nôtre. C'est fou ça, ces garçons, ces filles qui traversent ta vie, parfois juste quelques semaines ou quelques mois, mais tu te souviens d'eux, tu y repenses, des visages, des conversations, des rires, parfois tu as oublié leur prénom mais pas eux, je pense souvent à ça. On devrait chacun, même anonymement, devenir une légende. Quand elle parlait Marguerite Duras disait souvent n'importe quoi, mais elle le disait avec cette voix qu'elle avait et avec ses mots à elle, alors ça devenait vrai, on y croyait, elle recréait la vérité comme ça, par la musique de sa voix et de ses mots. Je me rappelle un garçon, genre intello, il devait avoir vingt-cinq ans, moi vingt, il était pas mal, il m'aimait bien mais il avait dit que ça ne pourrait pas marcher entre nous parce que j'aimais Mireille Mathieu, mal lui en a pris, de pas être plus intelligent que ça et de pas penser comme on disait avec Hervé que : tout est dans tout, mon Dieu, il en était tout bouleversé, je lui aurais dit que je me faisais enculer toute la journée par une horde de dobermanns enragés, ça lui aurait pas fait plus d'effet, mais moi, même à vingt ans, j'étais pas le genre à dire que j'aimais pas quand j'aimais. C'est l'été. L'été ne dure pas mais il revient. C'est le mois où Hervé est mort sans me quitter. Je relis la Chartreuse en ce moment, donc voilà, je passe l'été avec Fabrice et la Sanseverina. L'Ange a eu un an de plus, dans cette éternité à recommencer chaque jour qui est nous, merci mon ange de tout, des mauvais jours et des beaux jours, de toi.
You are my way of life, the only way I know. Jimmy. ©
juillet 2019 : à une amie à qui elle parlait un jour de moi, maman avait dit, oh Jean-Michel il faut que je lui coure après, et l'amie en question avait dit, et vous le rattrapez ? et ma mère avait répondu, oh oui parfois, et c'était vrai, à force de bonheurs et de déchirements partagés, à force de parler, de s'aimer, elle et moi on avait beaucoup de lieux où on se rejoignait. Adolescent, mes rédactions en classe étaient très scolaires, on dira comme ça, je me rappelle un garçon qui éblouissait tout le monde avec ses rédactions originales, normal, moi j'avais pas de vie à l'époque, de vie mienne j'entends, et sans vie mienne je pouvais rien écrire qui vaille, et puis je l'ai eue la vie mienne, et j'ai écrit. À Hossegor le dimanche, mon père faisait des sardines au barbecue, sa spécialité, un jour, la sœur de notre employée de maison était venue la chercher pour la plage, la sœur s'appelait Sandrine et elle venait d'avoir un problème d'indigestion ou je ne sais quoi, et mon père qui venait de se réveiller de sa sieste pour aller l'embrasser, lui avait dit pour compatir, pauvre Sardine ! au lieu de pauvre Sandrine ! c'est qu'il avait une vraie addiction pour la sardine papa. 'When they see us', la série inspirée du fait réel dit 'la joggeuse de Central Park', on la regarde retourné de bout en bout, un chef d'œuvre, l'acteur Jharrel Jerome magnifique. Il a raison Brassens, le temps ne fait rien à l'affaire, quand on est con, on est con, mais bon quand même, moi je préfère un jeune con qu'un vieux con, les jeunes cons peuvent parfois être charmants, les vieux cons pas du tout. Kerouac a une théorie dans son livre Sur la route, il dit qu'on a connu, quand on était dans le ventre de sa mère, une félicité qu'on ne pourra retrouver que dans la mort. Ras-le-bol du délire égalitaire. Au bout du compte moi j'en ai rien à foutre que mes parents soient fiers de moi, je les aime mais la seule chose qui m'importe c'est que moi je sois fier de moi : ne pas me décevoir. Au début quand l'Ange est arrivé chez moi à Paris, il était dans 'mon' appartement, mais c'est fini ces choses de la possession, depuis longtemps, aujourd'hui tout ce qui est à moi est à lui et inversement, c'est comme ça quand on aime, au début on donne pas tout en une heure ou un mois, parce que ça ne veut rien dire et on sait où ça mène, mais après oui, aimer grandit avec le temps, dans la douleur d'aimer, si aimer ne grandit pas c'est que c'est rien. J'avais un prof de français au collège, en Seconde, un prêtre, il me faisait rire, humour froid, un garçon avait commencé à réciter sa poésie, puis bloqué il s'était arrêté et avait finit par dire : j'ai un trou, ce à quoi le prof avait répondu : oui, comme le gruyère. Quand tu as perdu tes meilleurs amis à l'âge de 35 ans, ils auront toujours 35 ans, et toi aussi. Je n'ai jamais aimé les forts, j'aime les fragiles ; et j'aime cette manière d'être conquérant même quand on est vaincu. Les émeutes de Stonewall ont cinquante ans, merci de vous les mecs, les trans, les filles, et tous. Jimmy. ©
juin 2019 : Leos Carax dans une émission que je viens de voir sur Arte, dit que ce qui manque aujourd'hui, c'est le courage. Moi qui ai tant été influencé dans ma vie et dans ce que j'ai écrit par l'histoire des Juifs, pourquoi ai-je choisi d'habiter Berlin, ça n'a sans doute pas été un hasard, revenir ici. Marguerite Duras disait que ce qui l'étonnait plus que tout, c'était que chacun chaque jour ne se demande pas comment ç'a été possible, ça, les Juifs. Se sauver soi-même d'abord pour sauver l'amour. Berlin lundi matin pluvieux, dans mon café du matin, une femme d'un certain âge devant sa tasse de café, je le vois bien, son regard triste, je les connais ces regards, en partant je lui ai souri, elle m'a rendu le sourire, un sourire quand même un peu triste aussi, voilà. À l'époque où elle a commencé à être très connue, dans les années 60, quand un journaliste l'interviewait et critiquait les yéyés devant elle, sur le mode : leurs textes à côté des vôtres...!, et bien elle, elle les défendait les yéyés, elle a toujours été comme ça Barbara, et elle détestait être traitée d'intellectuelle. Les Français me manquent, certains, la France moins. Quand l'Ange regarde une série télé dans le salon sans moi, je l'entends de ma chambre, il est très expressif, j'entends : oh là là ! mon Dieu ! quelle horreur ! des petits cris même, ou alors d'immenses éclats de rire, bref, il me fait participer de loin, d'ailleurs parfois je vais voir et je demande, qu'est-ce qui se passe ? Tu ne peux pas juger un artiste à partir de critères moraux, impossible, ou tu supprimes à peu près la moitié des artistes, des écrivains etc., ayant existé, cette histoire avec Woody Allen empêché de sortir ses films ou d'en faire d'autres, c'est absurde. Déraciné. Je n'ai jamais pu supporter d'avoir des gens dans mon appartement, même pour une nuit, le seul qui a échappé à ça, c'est l'Ange, dès le premier jour, il ne m'étouffait pas, au contraire je respirais mieux. L'Ange et moi utilisons beaucoup l'adjectif
incroyable, si nous faisons un poulet, c'est un poulet incroyable, si c'est une Chinoise qui tient le kiosque à journaux, ce sera une Chinoise incroyable, et même par exemple si on a un problème de ventre avec une diarrhée, ce sera évidemment une diarrhée incroyable. Lui seul peut me faire souffrir, les autres non. J'aime beaucoup Xavier Dolan, sa personne surtout, ce qu'il est. Oui j'étais ce qu'on appelle un très bon élève, y compris à Sciences Po, mais jamais je ne dirais que j'étais ce qu'on appelle un élève brillant, non, peut-être certains le croyaient mais moi je sais que non, après, après peut-être j'aurai brillé, genre soleil noir ou comme tu veux, oui, sûrement. Le problème de Delon c'est qu'il n'est pas très intelligent, ce qui d'ailleurs n'est pas absolument grave pour un acteur, il a de la personnalité mais il n'est pas très intelligent, et le problème c'est qu'il devrait se contenter de jouer et pas d'exprimer des opinions. Supporte pas les gens susceptibles, signe de bêtise. Les Allemands ont du sang dans leur mémoire et leur conscience collective, et quel sang, mais en même temps c'est vrai, ils auront beaucoup souffert aussi. Aimer c'est à recommencer chaque jour, je veux l'étonner encore, et ce n'est pas facile tous les jours, qu'il comprenne que je suis toujours le même, l'étonner par des petites choses, et parfois par des grandes. Donne-moi la main. Jimmy. ©
mai 2019 : dans mon rêve cette nuit : dans la montagne et la neige un immense train électrique, mais à un moment le train va si vite qu'il déraille et heurte un bloc de neige qui s'effondre, sous la neige du bloc effondré se réveillent des tigres, terreur, mais pour leur échapper : je m'envole. Quand Hervé et moi étions ensemble à Hossegor l'été, maman disait toujours que, nous qui étions toujours plutôt corrects séparément, dès qu'on était tous les deux ensemble, ça devenait comme dans le film Les valseuses. J'ai rencontré l'Ange une nuit, il venait d'arriver à Paris pour y rester trois mois, pourquoi nous sommes-nous rencontrés à peine une semaine après son arrivée, qui plus est dans un bar de nuit que je ne fréquentais que rarement ? mais surtout, qui a fait changer l'Ange d'avis une semaine avant de venir à Paris, ce n'était pas à Paris qu'il était prévu qu'il aille pour apprendre le français mais à Lyon, une semaine avant le départ il a dit à ses parents, je ne veux pas aller à Lyon mais à Paris. Cette violence contre ceux qui sont différents, c'est vieux comme le monde, vieux comme la sale vie mais ça n'en finira jamais de m'anéantir. La bonté naturelle des gens, ça n'existe pas, seulement la haine et son cortège de victimes. Aimer se construit dans les heurts, dans les défaites. Ces écrivains qui reviennent chaque année, comme une vieille tante de province avec ses gâteaux, avec leur nouveau livre, il ne savent plus sur quoi écrire, alors tout est bon, leur chat, leurs parents, leurs plat de lentilles. Michel Bouquet dit que son frère était premier de la classe et lui le dernier, et que ce n'était pas si inconfortable que ça de l'être, le dernier, moi j'étais premier de la classe mais pour autant je ne me suis et Dieu merci pas retrouvé dans les hautes sphères de la société, seulement dans les miennes de sphères. Lorsque j'ai écrit mon premier roman "Vie d'Ange", j'avais démissionné de mon boulot et en avais trouvé un autre comme attaché de presse du Ministre de la Justice, très bon salaire, bureau avec vue sur la Place Vendôme, mais au dernier moment j'ai dit non, je terminais mon roman et je pensais que je ne pouvais pas avoir ce genre de travail-là et écrire ce roman-là en même temps, ç'aurait été trahir mon livre, bref, je me suis retrouvé sans un sou, dans la merde, juste pour finir d'écrire mon premier roman. Depuis quelque temps à Berlin le week end, pendant que je suis occupé dans ma chambre, l'Ange "reçoit" comme il dit ses amis dans le salon, il reçoit comme une impératrice mandingue recevrait ses copines et ses anciens amants (comme écrit Hervé dans sa nouvelle "L'Outarde"). Un jour étant allé voir une docteur homéopathe pour lui demander quelques conseils, je lui avais parlé un peu de mes excès chimiques, on dira comme ça, le samedi soir, avec beaucoup de naturel, elle avait tellement été étonnée de ma franchise, qu'elle m'avait dit que j'étais d'une sincérité désarmante. Je veux la paix, mais je suis prêt pour la guerre. La France pleure Notre-Dame, une inondation de larmes pour noyer les flammes, moi j'ai toujours préféré l'église St Eustache, enfin, au moins tout ça nous aura permis d'entendre Mireille Mathieu chanter souveraine son Ave Maria, c'est-à-dire celui de Schubert, et Mathieu quand elle est grande, elle est vraiment grande. Jimmy. ©
avril 2019 : si les mecs devaient choisir entre la masturbation et le sexe à deux, je crois que j'ai ma petite idée de ce qu'ils choisiraient.
Seule je me suis promenée au bois, tant pis pour moi, le loup n'y était pas (Barbara,
Ce matin-là). Préparer un roman ou ne pas le préparer ? Il faut le préparer pour ne pas perdre de temps avec la coquille, les détails, mais pas trop non plus pour se laisser surprendre, Stendhal écrit à propos de Lucien Leuwen :
On ne va jamais si loin que quand on ne sait pas où l'on va. Oui je n'ai jamais eu peur de me livrer, pas comme ces gens au moi riquiqui qui contient trois pépites qu'ils ont peur de dilapider, trois pépites ou rien d'ailleurs, et les conversations avec eux tournent toujours autour de choses extérieures dont tu pourrais parler avec n'importe qui, ces gens qui ne mettent rien en danger d'eux-mêmes quand tu leur parles, merde je préfère encore aller me promener seul.
Vieillir ? C'est compliqué. Il vaut mieux que ce soit en bonne santé, sinon, c'est pire que la mort ! (Isabelle Adjani 2019). Adjani c'est un peu comme Girardot, difficile de trouver des rôles à sa mesure. La sœur de l'Ange nous a offert un beau livre de photos sur Barbra Streisand, j'ai dit à l'Ange : toutes les photos du livre sont des photos d'elle jeune, il m'a répondu, oui elle fait comme toi. Moi si j'étais malade comme dans Les invasions barbares, je ne voudrais que l'Ange à mon chevet, et Barbara qui chante. Beaucoup rêvé cette nuit : je quittais la ville sans m'en apercevoir, j'étais soudain sur une autoroute sombre où j'étais en vélo et les voitures passaient à toute allure, là je m'aperçois que je n'ai pas de lumière et que je vais me faire écraser, heureusement en me penchant j'arrive à mettre la lumière de mon vélo ; un hôtel où je m'installais dans une chambre qui s'avérait être occupée, l'homme de la chambre entre, j'ai peur ; à un autre moment, un ami me présente le Président Reagan, il a déjà été président, ça se passe après ses 2 mandats, et moi impressionné je me répands en 'quel honneur, M. le Président' etc., tout en me disant que quand même j'exagère puisque Reagan n'est pas vraiment ma tasse de thé ; vers la fin de la nuit, on était un groupe, jeunes, et quelqu'un nous demande ce que c'est la mort pour nous, moi je réfléchis, puis finalement tout content je crois que j'ai trouvé, je dis : la mort c'est le temps, et dans le rêve j'essaie d'expliquer : le temps tel qu'il est, le temps tel que nous ne le voyons pas quand on vit, je crois que ma réponse a plu. Ras-le-bol de ces gens qui te toussent à la gueule. Comme Barbara j'adore le poulet, et je viens de découvrir que le poulet froid, le lendemain, était délicieux aussi. Souvent je me suis un peu précipité dans mes réactions, écrites notamment, et parfois je me suis dit que j'aurais mieux fait de prendre mon temps avant de réagir, même pour les réactions enthousiastes, je ne regrette rien parce que je suis comme ça, passionné, mais bon, quand même, avec le temps je me suis un peu réformé, un peu. Quand voulez-vous mourir ? Vieux. Comment voulez-vous mourir ? Jeune. Tu commences par aimer un visage, et puis après c'est une âme que tu aimes. Jimmy. ©
mars 2019 : jamais eu peur de me livrer, de dire sur moi, parce que toujours j'ai pensé qu'après il resterait encore mille fois davantage à dire, inépuisable moi. Ma grand-mère avait à Dax une terrasse magnifique, on voyait tout de très loin, cette nuit j'ai rêvé que je retournais sur cette terrasse, j'aidais ma grand-mère à y passer, moi je l'embrassais parce que, lui disais-je dans le rêve : il faut se dire qu'on s'aime, et puis je revoyais la vue de la terrasse, et c'était encore plus magnifique, cette fois je voyais même un canal, le canal Saint-Martin à Paris, qui ressemblait à un canal de Venise. Je soutiens à fond Bilal pour l'Eurovision, contre tous les assassins homophobes. À Paris un ami à moi, pour m'expliquer pourquoi il était toujours entouré de beaux garçons, m'avait dit : j'aime l'art déco. Je repense encore à ce garçon, la vingtaine, qui vendait à Buenos Aires des parfums dans la rue qu'il gardait dans une petite valise, il avait ouvert sa petite valise, mais moi, je sais pas, je lui avais dit non, je le revois et je culpabilise encore aujourd'hui. La mort ne me tourmente que par rapport à lui. Alain-Fabien Delon : 24 ans, mannequin, acteur, et maintenant écrivain, mon Dieu quel artiste,
mais ça ne fait rien, moi je le trouve mignon (Barbara,
Les mignons). Ce n'est pas la peur qu'il faut craindre, c'est la peur de la peur. J'écris dans l'avion, retour de Naples, moi qui apprends l'italien comme l'Ange (mais sans suivre de cours) j'ai pu mesurer mes progrès, j'arrêtais pas de parler à ces Napolitains si adorables, ah quelle différence avec cette horrible langue allemande, il y avait tout, il y avait nous, nous deux, y avait la mer, ce bleu azur de la mer, la mer que tu vois de partout, ville majestueuse, ville sale, ville femme du monde et de mauvaise vie, le funiculaire nous a menés tout en haut, dans l'autre monde de la ville, l'Ange est tombé dans la rue, il était triste, je l'aimais encore davantage avec son hypersensibilité des choses, comme il dit, et puis il y eut LE voyage, Capri, Capri c'était pas pour faire du tourisme, on voulait seulement voir la Villa Malaparte, celle du Mépris de Jean-Luc Godard, arrivés sur l'île, un bus nous a emmenés plus haut, c'est là qu'a commencé le voyage, à pied, on savait qu'on ne verrait la maison que de loin, ça nous suffisait ; ce fut un voyage dans un monde antique, monter, descendre, ombres et falaises, chemins étroits à pic, grottes antiques d'où surgissaient des lions, roches géantes comme des tours, trouées, et l'on voyait le bleu azur de la mer en bas, on se perdait, on suait, on a frôlé le désespoir plus d'une fois, on avait plus de souffle, on était seuls dans ce monde, seuls à rechercher la maison : elle a surgi quand on ne l'attendait plus, tout en bas, c'était bien elle, je l'ai photographiée, avec nos têtes en coin pour prouver qu'on avait réussi, c'est ce qui me reste de plus fort, un voyage qui n'a pris son sens qu'après, ce fut comme un voyage initiatique, en parler ici ne peut qu'en abîmer le souvenir, l'étriquer, mais comment me taire, on a vu les dieux, ce n'est pas la première fois, pourquoi être ensemble si ce n'est pas pour côtoyer les dieux ; et puis il y a eu aussi ce garçon noir, réfugié peut-être, à qui j'ai donné de l'argent et dont j'ai caressé le visage, les dieux sont partout ; on rentre, il est à côté de moi. Jimmy. ©
février 2019 : l'Ange m'a dit, toi tu vis sans filtres. Je prévois de commencer bientôt l'écriture de mon prochain roman qui s'étalera sur dix ans, sera un peu la suite en temps réel de mon roman 'Décal'âge', se passera à New York, au moins au début, si ce n'est entièrement, et sera centré davantage sur la personne du fils de Velma, Frédéric. J'espère qu'au jour du grand voyage je voyagerai au moins en business. Même quand on part tous les deux loin, pour des vacances au bord de l'autre océan, juste pour être comme des pachas, ce qu'il reste toujours, c'est nous, cet
indescriptible que je cherche parfois, comme là, à décrire, nous dans la voiture qui nous mène à Key Biscayne et que l'Ange conduit, la route c'est nous, et surtout sur ces routes d'Amérique qui n'existent que là-bas, la route, les ponts, les tours, l'océan, et nous, et l'Ange, et s'acheter des choses comme des enfants qu'un rien émerveille, après le mal de vivre elle a raison, c'est la joie de vivre, on va au cinéma, même au bout du monde on y va voir Clint Eastwood le magnifique ou Mary Poppins qui revient, l'Ange mange du pop corn dans la salle et quand c'est fini, comme il se sent coupable, il dit que c'est ma faute, l'ingratitude c'est signe de bonne santé, comme disait Anouk Aimée dans Mon premier amour, notre premier 31 décembre sans la famille, ivres, de Champagne mais surtout de ça, notre indescriptible, on ne se prive pas, on a pas mauvaise conscience parce que l'indescriptible de nous n'allez pas croire, c'est pas toujours la fête, parce qu'il y a la vie la salope qui en mesquine qu'elle est nous tend toujours des pièges, on ne s'aime pas depuis plus de 23 ans sans être griffé, scarface, et justement ensemble on l'a vu, l'escalier, le fameux escalier du début du film avec Pacino, le 31 on a bu du Champagne et on a mangé des sushis et une salade, des choses comme ça sur la terrasse de notre chambre d'hôtel, ivres je te dis, y avait des bateaux immenses sur la mer, on faisait des grimaces d'idiots, on chantait comme des idiots, on lui réglait son compte à la vie, avec notre indescriptible, la mer était couleur émeraude, dans la voiture on écoutait Faded à toute vapeur,
where are you now? Ça y est, je viens de commencer l'écriture de mon roman sur dix ans, quelques lignes par jour, la suite de mon Décal'âge. La vie te fait payer les moments de bonheur, mais toi aussi tu lui fais payer ce qu'elle te fait payer, à la guerre comme à la guerre. Cette supériorité, vraie ou fausse, de ceux qui ont caressé la mort, par la mort d'un être cher, ceux qui un peu ont traversé le mystère. Sans la rigolade je ne pourrais pas vivre. Plus de treize ans sans revoir Paris, si on m'avait dit, et pourtant j'y suis toujours. Lu dans Le Monde que l'homme hétérosexuel devrait s'inspirer des lesbiennes pour ce qui est du sexe, très juste, si l'homme hétérosexuel faisait à la femme ce que les lesbiennes se font entre elles, je te le dis, les femmes s'ennuieraient moins avec les hommes. Le sale métier de vivre. Parfois je l'écoute, je ferme les yeux, et là j'y suis, j'y retourne, dans la salle, elle chante, elle unique. Jimmy. ©
janvier 2019 : les moments où tout se jouait, où je voulais vivre, parfois je les sens encore, chaviré. Les flics les plus sympas sont ceux de Madrid, quelle différence avec ces bêtes de Berlin. Ma mère et moi on ne trichait pas. C'est bien assez grand le sexe pour ne pas y ajouter les sentiments et ceux qui confondent les deux en sont pour leurs frais. Cet après-midi, pris un bol de Barbara, ce qui n'était pas arrivé depuis quelque temps, ah ça fait du bien. Parfois je parle café du commerce, café du commerce haut de gamme, mais mon interlocuteur (pas l'Ange bien sûr) croit que c'est du café du commerce banal, parce que mon interlocuteur, lui, n'est pas haut de gamme, ce qui arrive souvent je dois le dire. La douleur de l'absence c'est toujours, dès la naissance. Il y a des accords de participes passés au féminin qui sont moches à entendre, je ne les fais pas, même à l'écrit (il l'a conduit à la gare, sans e, même si la personne qui est conduite est une femme). 'Sulla mia pelle' est un film qui t'empêche de dormir, Alessandro Borghi y est bouleversant, histoire vraie de Stefano Cucchi, arrêté pour drogue et tabassé par les carabinieri, à mort : il en mourra après six jours de détention, la sœur de Stefano mettra presque 10 ans à faire éclater les raisons de sa mort, réparer l'injustice insoutenable, le film aussi est insoutenable, s'il n'y avait qu'un film à voir cette année, celui-là. Y a des gens ils ont beaucoup de qualités certes, mais ils t'ennuient, ils ont rien à dire, alors tu te dis qu'il vaut mieux parfois qu'ils aient moins de qualités mais qu'ils t'amusent, te fassent rire, qu'ils te transportent. J'aime pas voir quelqu'un pleurer dans la rue, je voudrais soulager toute la misère du monde mais je ne peux que soulager le mal de vivre de mon ange quand il est malheureux. J'avais envie de leur dire : j'ai vu en deux ans mourir plus de gens que vous n'en avez jamais vu dans toute votre vie, alors foutez-moi la paix avec vos histoires ; mais je ne le disais pas, c'est impossible à dire. J'ai la vie à fleur de peau mais c'est bien. Ma mère avait coutume de dire, plutôt dans les dernières années de sa vie, elle disait ça : les filles aujourd'hui, c'est des mecs. Tu me manques. L'année se termine, je dis toujours ça à chaque fin d'année, l'année se termine, je pense à ceux qui sont partis, vers où je ne sais pas, eux savent, mais j'ai ma petite idée. L'Ange et moi partons aussi quelques jours, mais nous nous contentons de cette terre, de ses océans, nous restons vigilants, vigiler l'amour, le rendre plus grand que la vie, pas de fin à ça. J'embrasse ceux que j'aime, il y en a, qu'ils le sachent, et voilà, la vie c'est ça, à suivre.
Oh, Jerry, don't let's ask for the moon. We have the stars (Bette Davis dans 'Now, voyager'). Jimmy. ©
décembre 2018 : terminé d'écrire mon treizième roman, il s'appelle "Décal'âge". Quand je disais il y a plusieurs années que l'école était devenue la jungle, la loi du plus fort, on me riait au nez, et maintenant on y est, ils en sont même à parler de mettre des flics dans les écoles, voilà le résultat de la politique de ces gauchistes sans cœur, ils prétendaient défendre les défavorisés mais ils n'ont fait que livrer les fragiles à la merci des plus forts, maintenant c'est trop tard, c'est fait, l'animal a gagné... et même si un jour les fragiles survivent et que les animaux le restent, mais, et ceux qui ne survivent pas ? Toujours pensé que la bandaison était très surévaluée, et pour tout dire un peu beauf, cette obsession de bander, résumer le cul à la bandaison quand il y a tant de choses à faire même sans, oui un peu primaire, comme la pénétration aussi est surévaluée. Montherlant dans Les garçons parle à un moment des
intelligences inintelligentes, bien vu, elles pullulent celles-là, ces gens, présidents ou aux autres dont tout le monde s'extasie devant l'intelligence, moi, ces intelligences ne m'ont jamais impressionné, je préférais les intelligences de la vie, artistes, ou pas. Hier dans un des épisodes des Romanov que l'on était en train de regarder, l'éditrice dit à l'écrivain, pour être Tolstoï tu serais prêt à tout laisser, et moi alors j'ai dit à l'Ange : moi non, j'aurais pu rajouter, surtout pas. Je dis toujours à l'Ange que j'adore les conversations café du commerce, il me dit, alors t'as qu'à regarder les émissions de poissonnières à la télévision espagnole, à quoi je réponds, pas du tout, moi ce que j'aime c'est le café du commerce haut de gamme, comme avec C. à Paris, comme avec lui, l'Ange, le café du commerce c'est tout un art que peu de gens en fait maîtrisent. Rami Malek formidable dans Bohemian Rhapsody. Je veux continuer la route en étant fidèle à moi-même, ça oui, mais aller, par exemple dans l'écriture, au fond de la douleur, non, j'veux plus, j'ai déjà donné. Pauvre Maryse qui a perdu son Philippe, je pense à elle, à quand je l'avais vue la première fois à Europe, mon Dieu elle était belle, en jeans moulant et bottes, longue, elle l'est toujours belle, pour moi Europe 1 c'est elle, Maryse, personne d'autre. Dans le superbe film argentin 'El Ángel', comme dirait Barbara y a l'assassin du jour qui a une ptite gueule d'amour. J'aime ça le combat, lutter contre elle, la vie, et en sortir vainqueur de préférence. Les psys, les médecins, d'accord, mais parler, aimer, c'est mieux que n'importe quel médecin, faire des miracles par la force d'aimer : dans tout amour il y a quelque chose qui sauve. Toujours dans le film El Ángel, à un moment on voit la une d'un journal argentin de l'époque (années 70) : "un réseau de dépilation de singes pour les vendre ensuite comme des bébés à adopter", Dios mío. Je suis incapable d'écrire sur qui j'aime, quand tu écris sur quelqu'un ou quelque chose tu tues ton sujet et je n'ai pas l'âme d'un assassin, le meilleur chemin pour écrire sur ce que l'on aime, c'est le roman, pas l'autobiographie. Pour toi Alec, et pour toujours. Jimmy. ©
novembre 2018 : dans mes cours de théâtre autrefois j'avais mes habitudes, pas fou je choisissais toujours mes partenaires pour jouer des scènes parmi les plus beaux du cours, comme m'avait dit l'un d'eux : je faisais mon casting quoi, et puis aussi fallait bien choisir quelques filles, et d'ailleurs y en avait des formidables, elles se reconnaîtront. Mireille Mathieu devrait chanter "Comme ils disent" de Charles Aznavour, je suis sûr qu'elle en ferait une interprétation sidérante, définitive. Octobre-été à Berlin, fascinant, enveloppant, douceur enfance. Article de l'AFP sur les 55 ans de la mort de Piaf, disant qu'elle demeure LA chanteuse française de référence, faux, la chanteuse française de référence aujourd'hui, c'est Barbara, et même si évidemment j'aime Piaf, beaucoup, mais après Piaf, un jour, il y eut Barbara, et bon, on la connaît l'histoire. Je me rappelle, c'était à Hossegor, un an après la mort d'Hervé, je chantais dans le jardin, et maman m'avait dit émue, c'est bien, tu continues à chanter, et moi oui je chantais, parce que l'histoire avec Hervé n'était pas finie, elle continuait, autrement mais elle continuait, ce que les autres d'ailleurs avaient bien du mal à comprendre, et c'est l'Ange qui l'a fait continuer l'histoire, en la mêlant à la sienne, par la force d'aimer, qui est bien plus grande que ce qu'on dira jamais. Moi quand c'est terminé, c'est terminé, je maintiens pas mes relations personnelles sous respiration artificielle. Je n'avais pas besoin de rencontrer Barbara, je la connaissais déjà. Dire, c'est fini, ça ne veut rien dire, rien ne finit, ni la douleur, ni la joie, c'est pas fini d'avoir mal, c'est pas fini d'être heureux, pas fini de mourir, pas fini de vivre, d'aimer. Cinq cigarettes par jour, une cigarette ça dure cinq minutes, donc vingt-cinq minutes par jour, c'est rien mais c'est une éternité, parce que le temps n'existe pas, c'est une farce le temps. La vie c'est, partir, revenir. Rixes entre adolescents collégiens de plus en plus fréquentes paraît-il, relayées sur réseaux sociaux, mort pour un regard : des animaux. Quelle sale race les flics de Berlin, je les vomis. Cette année c'est l'anniversaire de la mort de Matthew Shepard, j'en avais parlé dans L'insecte, Matthew mort il y a vingt ans pour être homosexuel, dénudé, ligoté, torturé, cogné à coups de crosse et laissé dix-huit heures dans un froid glacial jusqu'à ce que mort s'ensuive, Matthew devenu le symbole de la lutte contre ceux qui tuent parce que simplement tu aimes, chaque jour je n'en reviens pas de ça, chaque jour j'en ai la nausée de ces crimes à cause d'aimer, par peur d'une profanation ses parents ne l'ont jamais enterré, ils ont gardé les cendres, il paraît même qu'on avait dit aux parents de Matthew de porter un gilet pare-balles pour l'enterrement il y a vingt ans, par peur des homophobes qui auraient pu agir, ses deux meurtriers ont été condamnés à la prison à perpétuité, aujourd'hui les cendres de Matthew seront finalement transférées à la cathédrale de Washington, j'espère qu'il voit tout ça, combien sa mort aussi terrible que cela puisse paraître de dire ça, n'aura pas été vaine. Jimmy. ©
octobre 2018 : je dédie le blog de ce mois à Aznavour, en pensant à ma mère, Aznavour que quand j'avais 22 ans, j'avais interviewé pendant une heure dans sa loge de l'Olympia, il avait accepté sans même demander ce que je ferais de l'interview, je me rappelle, sa femme était à côté de lui pendant que je posais mes questions au maître, j'ai toujours l'enregistrement. Ma manière d'être affectueux ç'a toujours été de taquiner, si je ne taquine pas, c'est que je n'aime pas. En général j'aime toujours ce que j'ai aimé une fois, bon, en général. Écrire c'est une énergie avant tout, si tu n'as pas cette énergie tu ne peux pas écrire ton livre. Hervé et moi nous étions diplômés de Sciences Po Paris à 21 ans, mais nos parents ne se sont pas extasiés plus que ça, maman disait que c'était normal parce que j'avais toujours été un bon élève, j'aurais été un élève médiocre et j'aurais obtenu péniblement une licence d'histoire de l'art, ils auraient eu un orgasme. On ne peut pas vivre que pour soi quand on n'a plus vingt ans (à vingt ans il faut absolument ne vivre que pour soi), moi je vis pour l'Ange mais est-ce assez ? George Sand dit qu'il y a des êtres dont le génie n'arrivera jamais à s'exprimer, il est là mais ne trouve pas de moyen, artistique ou autre, de s'exprimer, à l'inverse il y en a d'autres qui s'expriment, écrivent, peignent ou je ne sais quoi, mais sans génie, comme d'autres vont au boulot le matin, les fonctionnaires de l'art. Évidemment si j'étais au collège aujourd'hui, je ferais beaucoup de choses différemment, je travaillerais toujours bien (que faire d'autre ?) mais je dirais aux filles que c'est pas elles mais les garçons qui m'intéressent, les beaux, ou les dostoïevskiens, et les fragiles aussi, et je m'habillerais pas pareil, j'aurais un sacré recul sur la connerie humaine, mais qu'est-ce que tu veux, moi j'ai toujours été un peu retardé, toujours en retard d'un printemps, en même temps ça rendait le printemps encore plus beau quand il était là.
Tant mieux s'il était incompris ! Il en serait plus libre. (Romain Rolland,
Jean-Christophe). J'ai été bien plus influencé par 'Jean-Christophe' de Romain Rolland que j'ai lu à 18 ans que je n'aurais pu le croire. Ce n'est pas toujours seulement d'être heureux ensemble qui rapproche ceux qui s'aiment, c'est parfois la douleur, le malheur partagés, parfois même la douleur qu'ils se font l'un à l'autre parce qu'elle est la preuve de leur amour. Vivre le présent ça ne veut rien dire, le futur c'est le présent, le passé c'est le présent. Il faudrait oublier son âge, par un processus quelconque en perdre la mémoire, parce que sinon ça sert qu'à t'empoisonner l'existence. Quelqu'un qui me fait du mal je ne sais pas ce que c'est, parce que je les quitte ceux-là, j'en fais une terre brûlée, seul l'Ange peut me faire du mal, comme ma mère et H. avant lui. Il paraît que Romy Schneider aurait eu 80 ans cette année, mais imaginer Romy Schneider à 80 ans c'est totalement impossible, elle a emporté ça avec sa mort, elle sera éternellement la Romy de César et Rosalie et d'Une histoire simple, la vieillesse, jamais. L'été s'en va, j'ai terminé le premier jet de mon treizième roman, l'Ange dit qu'il aime quand je suis en période d'écriture, moi aussi. Jimmy. ©
septembre 2018 : maman détestait ces mères qui vantent leurs enfants sans arrêt, mon enfant est le plus beau, mon enfant réussit tout, elle c'était le contraire, elle nous mettait jamais en avant, elle avait raison évidemment mais des fois c'était quand même pénible. On a vu l'Eglise St Etienne à Vienne, comme dans la chanson de Barbara. Qui n'a pas entendu
je me suis tellement manquée de Véronique Sanson n'a rien entendu du tout. Et toi, est-ce que tu t'es manqué ? je crois que là où je me suis manqué, là où je me manquais terriblement, c'est dans les postes, les jobs, appelle ça comme tu veux, que j'ai pu avoir dans ma vie, là oui, et c'est pour ça qu'aucun, je dis bien aucun, n'a duré, parce que je partais très vite, pour me retrouver, parce que je m'étais tellement manqué dans cet enfer des autres. Je ne pense pas que 'avant c'était mieux', mais pour ce qui est d'une certaine douceur de vivre, alors ça oui, cette douceur qu'il y avait tu sais, sans contrôles dans les aéroports, sans interdictions de fumer, etc., ça oui : je persiste et je signe. Cet antisémitisme qu'on revoit en Allemagne, cet autre antisémitisme qui te plonge dans l'horreur. Le peuple est con, et quand je dis le peuple, c'est toutes classes sociales confondues, il est même de plus en plus con, le peuple. Rêvé que Barbara était en couple avec Vladimir Poutine. La nuit dernière, un de ces rêves que j'ai parfois mais qui sont si rares, rêve de plénitude, comme un avant-goût de l'ailleurs, vision magnifique, j'étais dans un endroit, un endroit que je connais à Berlin mais à la sauce des rêves, peu importe d'ailleurs, et puis tout à coup, un peu en contrebas : la mer, la mer magnifique, pas une mer de carte postale, une mer d'éternité, d'au-delà, une mer presqu'humaine, je ne peux pas décrire ici ce qui est indescriptible, et puis, dans le rêve même, je me suis dit que sûrement je rêvais, et pour en avoir la preuve j'ai cherché mon téléphone pour photographier la mer en pensant qu'elle disparaîtrait sur la photo, et effectivement, à peine j'ai eu le téléphone à la main que la mer a disparu cédant la place à un décor sans intérêt. Je me demande si on est vraiment gagnant à respecter la loi. Ces visages que tu croises, de femmes rougies par l'alcool, y en a je te jure, la vie sait bien les amocher. Le problème avec ces intellectuels homosexuels, c'est qu'ils pensent qu'il n'y a qu'eux qui peuvent discourir et analyser les choses de l'homosexualité, alors quand c'est quelqu'un comme moi, qui n'ai jamais fait partie de leur secte, qui plus est séronégatif, qui écrit sur le sida et l'homophobie, et bien de surcroît, des choses qu'eux n'ont jamais écrites, alors là évidemment, ça les dérange. Aretha. Hervé qui avait le sens de la formule et qui comme moi était un doux moqueur, aimait donner des surnoms aux gens, ainsi il avait surnommé une fille avec qui l'on travaillait dans un parti politique 'la poule dindonnée', je n'ai jamais compris vraiment pourquoi, sans doute que pour lui elle tenait à la fois de la poule et du dindon. Je crois que je ne déteste rien tant comme les insectes, et quand je tue une mouche je lui dis, crève connasse, c'est pas moi qui irai à ton enterrement. Elle a peur d'être allemande, l'Allemagne, disait Duras. Un livre parfait ça n'existe pas, et surtout ça ne veut rien dire. Moi qui n'avais jamais écrit de journal, ou toujours des journals abandonnés, c'est le blog, ce blog, qui m'aura permis depuis bientôt dix ans de tenir un vrai journal. A suivre. Jimmy. ©
août 2018 : une mère avec son fils dans la rue, c'est bouleversant. Comme l'Ange s'est mis à suivre des cours d'italien depuis un an, je m'y suis mis aussi, seul, avec assimil, pour 'partager' avec lui, sinon à quoi bon. Ce soir on fait notre fête de l'immeuble dans la cour, ce que ça peut me barber, ils sont gentils mais parler tout le temps en allemand quel cauchemar, ce que je peux être déraciné quand j'y pense. Maman aimait quand des gens lui disaient que j'étais 'bien élevé', dans des magasins à Paris ou ailleurs peu importe, mais moi si j'étais bien élevé c'est parce que j'étais gentil, pas plus compliqué que ça, et si en face on était désagréable, alors moi j'étais plus bien élevé du tout, moi j'étais né pour ça : pour la paix, résultat j'ai surtout fait la guerre, y a pas moyen autrement dans ce monde, ou alors tu te fais tuer. J'ai commencé à tricher avec mon âge quand j'avais 27 ans, dans mes cours de théâtre, parce qu'ils étaient tous plus jeunes que moi et que je faisais pas mon âge non plus, tu imagines ça l'âge limite pour le Conservatoire c'était 23 ans ! j'ai un ami aussi comme moi, très beau, il a triché aussi, et il a été admis au Conservatoire. Avec l'Ange on parlait d'une série qu'il a regardée sur Israël, cette plaie de la guerre là-bas, et il me parlait des drames humains derrière tout ça, des deux cotés, ça m'a refait penser à ce que disait Barbara, qu'à travers tout le progrès et tout le reste, une larme resterait une larme, et un sourire, un sourire, et puis j'ai dit qu'elle nous manquait, des femmes comme elle que ça manquait aujourd'hui. Simone Veil au Panthéon, au temps du sida elle avait fait des gardes de nuit anonymement dans un hôpital, voilà, elle c'est ma famille, c'est mon monde, mon histoire. Moi j'ai pas une tête d'écrivain Dieu merci, et c'est pour ça que j'écris, parce que les écrivains qui ont une tête d'écrivain c'est l'enterrement de première classe. Les enfants intimident toujours les adultes, mais ça malheureusement je m'en rendais pas compte quand j'étais enfant. Samedi on fête notre anniversaire avec l'Ange, toutes ces années ensemble, cette nuit du 8 juillet, l'éternelle nuit qui commençait et que nous on a saisie au vol, et gardée. Il y a cet homme, sur un banc dans le parc où je cours à Berlin, il est toujours assis, plié en deux, il ne bouge pas, ça me rend triste. En relisant ma première lettre à Hervé, parce que je viens de la mettre sur mon site, je me dis que tout était déjà là, j'avais 21 ans :
J'ai bien conscience que l'amour que je voudrais entre nous deux est exigeant… Et pour que cet amour soit grand, durable, il faut faire beaucoup. Ça ne peut pas s'obtenir comme ça, ce serait trop facile. Un grand amour facile ne dure pas. C'est pour ça que les gens en général ne connaissent que des amours éphémères... Est-ce qu'il faut regretter d'avoir connu des moments magnifiques, incroyables, parce que quand ils sont finis il y a cette douleur de la fin ? Non, parce qu'ils sont infinis. La France a gagné le mondial, big deal. Hervé, il y a vingt-cinq ans, et toujours. Anniversaire d'Alfredo, mon enfant chéri trouve qu'il vieillit (encore heureux que je ne sois pas le seul) mais en fait il dort toujours comme un enfant, et ça, c'est la preuve absolue. Jimmy. ©
juillet 2018 : Il avait 23 ans, il s'appelait Vincent, il m'aimait beaucoup, moi aussi mais différemment de lui, il avait du talent pour dessiner, il m'avait dessiné Barbara et il m'avait offert le dessin, au dos il avait écrit
guess who?, il est mort du sida peu après, j'ai toujours le dessin, au-dessus de la porte de notre chambre. Pierre Bellemare est mort hier, grand bonhomme et qui se la jouait pas, comme aurait dit Mark, j'ai de grands souvenirs avec lui moi, mon adolescence en province c'est Europe 1, et Europe pour moi c'était Paris, c'est tout dire, et quand on allait à Paris avec maman, c'était son émission de midi à laquelle j'allais assister, avec la belle Maryse qui disait les pubs, et moi alors j'avais l'impression d'être sous cocaïne, tu comprends, Paris, la radio, ma vie d'après quoi. Je ne supporte pas cet Edouard Louis, ce genre de types avec un ego surdimensionné, qui donne sans arrêt des leçons partout et sur tout, et qui reviennent régulièrement comme une vieille tante de province avec un nouveau livre, tiens je préfère Justin Bieber, ou même Sheila, qui au moins pètent pas plus haut que leur cul et qui ont du talent. On parle toujours des méfaits du tabac et jamais de ses bienfaits, combien la cigarette aura empêché de mourir parfois, les naufrages qu'elle aura évités. Écrit les premières lignes de mon treizième roman, titre provisoire : 'Highland Gardens Hotel'. Faut un peu de temps avant d'entrer dans un roman qu'on commence à écrire, quand on commence à entrer, on sait que c'est gagné, même si c'est jamais gagné quand on écrit, au début j'écris peu chaque jour, même pas une demi-heure, l'Ange se moque en disant que j'écris des post-it. L'Ange dit aussi qu'un vendeur qui est beau garçon me ferait acheter n'importe quoi, ce qui est évidemment faux. Il fait beau à Berlin presque sans discontinuer depuis un mois. Le temps c'est quoi ? hein ? il y a des heures qui durent plus que d'autres, qui contiennent en elles l'éternité, une heure à changer ses draps, c'est pas une heure au chevet d'un mourant. Avec l'hindou de mon marchand de journaux à Berlin, on s'entend très bien, on parle anglais ensemble, le problème c'est que je ne comprends presque rien quand il parle et je crois que lui non plus quand je parle, mais bon, ça n'empêche pas qu'on s'adore.
Quand fera-t-il jour camarade ? Quand Hervé est mort, je n'avais pas le choix, pas le choix que de croire qu'il était ailleurs mais là, toujours avec moi, et d'ailleurs j'y croyais depuis bien avant sa mort. Ça y est c'est parti, en ce moment ils regardent tous le football, les garçons, les filles, les pédés et les autres, les folles et les machottes, les jeunes, les vieux, les cons et les pas cons, tous je te dis. Quelle sale race les flics de Berlin, après on s'étonne pas que… Il y a les amis qu'on ne voit plus, il y a même que ça à la longue, mais la trahison en amitié ça n'existe pas, les amis le restent toujours, ils sont là, ils ont partagé la route, quoi qu'on dise, ils sont là. Elle disait que je la faisais rire et elle aimait ça, elle aimait rire même si bien sûr, elle riait pas tout le temps, dans ce monde. Dans la vie, la différence entre un peu et rien, c'est souvent énorme.
Dégrafez les cols blancs de vos consciences (Barbara,
moi je me balance). Jimmy. ©
juin 2018 : on dit qu'un grand amour dure le temps d'une fleur mais moi je crois en l'amour cathédrale, ces cathédrales tu sais, toujours là, et toutes belles que puissent être aussi les amours fleur. Elle à qui j'avais fait aimer Barbara, aimer vraiment je veux dire, qu'elle a vue avec moi deux fois à Paris, parce qu'on disait toujours qu'il fallait 'partager' ensemble, partager nos choses, donc elle qui aimait Barbara me disait souvent, surtout les dernières années :
merci de toi. Nous avons décidé de rénover l'appartement de Berlin et c'est l'Ange qui a tout conçu, de A à Z, comme un artiste, le moindre détail, en y passant des heures et des nuits, comme on écrit un roman ou on prépare un tour de chant, il en est ressorti épuisé, fragile, mais c'est le cas de tous les artistes quand ils créent et que les autres n'imagineront jamais 'le travail qu'il y a derrière' comme on dit quand on voit le résultat final, il est même devenu manuel avec cette histoire, il en a monté des meubles et des accessoires, et moi je l'ai aidé comme je pouvais, avec mes limites, je suis peut-être un artiste moi aussi, sûrement même, mais j'ai jamais été très artiste dans ces choses de la vie matérielles qui sont pas uniquement matérielles d'ailleurs, comme le corps c'est aussi l'âme et l'âme le corps, c'est compliqué la vie et faut être sacrément artiste pour jouer avec, et contre elle aussi, hein mon ange. La première fois qu'elle l'a connu, elle a dit de lui après quelques jours :
on ne peut pas ne pas l'aimer, et par la suite ils se sont beaucoup aimés, elle et lui. Barbara sur scène c'était tellement immense que ce n'est pas possible dans le souvenir de se rappeler combien c'était immense, on se rappelle juste que c'était immense. Mon lit est une île, interdite d'accès aux sales pensées du jour. On ne comprend rien si on ne voit pas que tout, tout ce qui aura conduit ma vie, c'est le désir de liberté, tout sacrifié à ça, sauf aimer, mais aimer au bout du compte, c'est la liberté. Toujours été un grand jeteur, horreur d'entasser, et l'Ange qui était un affreux entasseur avant, est en train de changer, il a atteint le stade du moyen/grand jeteur ; quant à ma mère elle était la jeteuse née, elle nous a même jeté notre collection de Petzi quand on a grandi, ce que je trouve affreux même aujourd'hui, elle jetait maman, des fois elle nous aurait même jetés avec quand on lui portait sur les nerfs, bon là j'exagère, bien sûr parfois elle était pas maternelle, elle était juste elle, mais souvent personne d'autre n'aurait pu être maternelle comme elle l'était. Il y a cette chose avec les chansons que lorsque tu les écoutes, elles te ramènent au temps où tu les écoutais, autrefois, tu y es : le passé devient présent et c'est terrible parce que le temps passe, et ne passe pas non plus. Moi qui déteste avoir des gens dans mon appartement je suis servi, on a les peintres pour une semaine, chaque jour à partir de sept heures du matin ; après une semaine à ce rythme-là, à voir le peintre arriver tous les jours à sept heures du mat, et à lui parler en allemand en plus, je pouvais plus le voir en peinture ; à propos, tu sais ce qu'on dit d'un peintre qui en a ras-le-bol ? on dit qu'il est au bout du rouleau. Jimmy. ©
mai 2018 : je le reconnais je ne suis pas un hôte très agréable, j'ai toujours détesté avoir du monde chez moi, c'est d'ailleurs un de mes cauchemars récurrents : les envahisseurs de mon appartement. Jamais méprisé la chansonnette, la variété quoi, bien au contraire, je la place très haut, parce que comme on disait avec Hervé : tout est dans tout.
il te sera beaucoup pardonné parce que tu as beaucoup aimé. Cet antisémitisme auquel on ne répond qu'avec des airs outragés ou convenus, ou par une cérémonie de plus, cette chose inouïe du retour de l'antisémitisme, quel dégoût. Quel livre ce "Rouge et le noir" que je ne me lasserai jamais de relire, quel personnage ce Julien Sorel, tellement plus réel que les gens soi-disant réels. Je n'aime pas quand on (me) demande pardon, ça sert à rien : ce qui est fait est fait. Il paraît que je dis souvent non, peut-être, mais quand je dis oui, c'est un vrai oui, à l'abri de tout, et quand je dis de tout… Aimer c'est souffrir, celui qui n'a pas compris ça, vaut mieux qu'il reste seul, seul et peinard comme dit Léo. En (re)lisant Thomas Bernhard, je me demandais, faut-il tout démystifier, peut-être pas tout, mais oui presque tout, reste à faire le tri du presque. Finalement, et au bout du compte, sachant ce que je sais, je suis fier d'avoir écrit 'L'insecte'. Je pardonne mais je m'en vais, je ne reste qu'avec l'Ange, et à un autre degré avec Hervé et ma mère avant lui, et Barbara. Jeff Trail, le brave, allez vous renseigner sur google. 'Call me by your name' c'est le 'Maurice' des bobos, leur grand frisson pour pas cher ('Maurice', James Ivory). Darren Criss dans la série 'Versace' : magnifique. Nathalie Baye a raison : vieillir c'est pas drôle mais on a pas trouvé autre chose pour vivre vieux. Retour à Berlin. Jamais été fan de trous, déjà petit j'aimais pas les trous des taupes dans le jardin, et j'aime pas non plus les trous dans la chaussée, quant aux autres trous, jamais été fan non plus, bien m'en a pris. Si j'ai quitté Paris après tant d'années à le vivre, c'est pour ne jamais en partir. S'ils ne m'ont pas publié davantage, c'est parce que je les dérangeais, je ne leur ressemblais pas, ni ce que j'écrivais, j'échappais à leurs codes qui ne sont rien que les codes de la vie, même leurs codes de révolte étaient ceux de la vie, et même quand ils m'ont publié ils se sont trompés sur moi et sur ce que j'avais écrit, mais je n'ai pas changé pour leur plaire, pas une virgule, j'aurais préféré ne rien écrire plutôt que de me soumettre. Anniversaire d'Hervé aujourd'hui, rien ne nous a séparés : l'Ange a couronné cet amour. Mireille Mathieu hier soir en concert à Berlin, quelle soirée, il n'y en a plus beaucoup dans le monde des femmes de scène comme ça avec une présence et une voix pareilles, avec leur vie gravée dans la voix et le corps, alors on en profite, et la légende s'écrit sous nos yeux. Ah j'oubliais, je n'y croyais pas mais le film allemand sur Romy Schneider, '3 Tage in Quiberon', est extraordinaire, grâce à son actrice Marie Baümer, moi qui la connaîs bien j'ai cru revoir Romy, ça faisait du bien. Jimmy. ©
avril 2018 : l'Ange m'a dit un jour ce que dit Joan Baez à Bob Dylan dans sa chanson 'Diamonds and rust' : "tu es si malin avec les mots", et comme Joan avec Bob ce n'était pas qu'un compliment, je crois. Elle vient de perdre son enfant de dix ans dans un attentat, elle fume comme un pompier, qu'est-ce que vous allez lui dire ? que c'est mauvais pour sa santé ? oui mais son âme. Ça fait un peu drôle d'avoir écrit 12 romans et de n'en avoir publié qu'un, et de bientôt en écrire un autre, mais je ne veux plus être publié : ça me dégoûte. Un grand esprit, un philosophe, ce que tu veux, devant un beau garçon, ou une belle fille, selon le cas, cherchera toujours la compagnie du beau garçon ou de la belle fille, et se sentira comme un petit garçon devant lui ou elle, c'est ça une forme de justice des choses, et l'apanage de la jeunesse. On se comprenait elle et moi, on s'aimait trop mais on se comprenait, on se comprenait même pour des choses de trois fois rien qui pour nous n'étaient jamais trois fois rien. Pour moi une bonne traduction doit rester davantage fidèle au style de l'œuvre originale plutôt que chercher absolument à être correcte dans la langue dans laquelle le livre est traduit, si on traduit un livre américain en espagnol, on ne doit pas lire un livre espagnol, on doit lire américain, le mieux sans doute serait que les deux soient assurées, la fidélité au style et la correction dans la langue d'atterrissage mais c'est rarissime. D'accord avec Bette Davis : mieux vaut être détesté pour ce que tu es, qu'aimé pour ce que tu n'es pas. Faire preuve de volonté c'est ça le vrai sens : se libérer des chaînes, devenir un peu dieu.
Si j'avais mes raisons je pouvais tout faire, sinon rien (JM,
Undead). Je devais avoir dix ou douze ans, on était allés passer la journée à Arcachon, là-bas on était allés aussi à la messe et j'étais tombé littéralement amoureux d'un des enfants de chœur, après la messe je l'avais vu sans sa tunique dehors et je l'en avais aimé davantage, ah j'étais déjà sacrément tourmenté, et romantique, à cet âge. Quoique perfectionniste, ce n'est pas la perfection qui m'intéresse, au contraire, non, ce qui m'a toujours poussé c'est le désir de liberté ; certes avec l'Ange je ne suis pas complètement libre, mais sans lui, je le serais encore moins, le seul chemin que j'ai jamais trouvé pour être libre au bout du compte, c'est aimer. Vu la série "Big little lies", très bien, mais tu te rends compte que ce qui détruit les couples (j'aime pas le mot) c'est toujours le sexe, parce que l'âme, les gens ils s'en foutent quand ils sont en 'couple', ils font tout un fromage du sexe, et évidemment ils ont tort, et le payent. Le film sur Barbara, c'est Léos Carax qui aurait dû le faire, quel film ce serait. Aznavour fallait qu'il ait des couilles pour écrire en 1972 'Comme ils disent', même si d'accord, tous les pédés sont pas des strip-teaseurs ou des travestis, et les "garçons beaux comme des dieux" non ne passent pas toujours le plus clair de leur temps au lit des femmes, Dieu sait que non, mais bon, en 1972 for Chrissake ! Le comble du ridicule est atteint : un sondage auprès des jeunes sur l'existence de Dieu, résultat : une courte majorité pense que Dieu existe (on est sauvés !) ; c'est Dieu qui doit bien rigoler en lisant ça. Et moi avec Lui. Jimmy. ©
mars 2018 : à propos de harcèlement sexuel, je n'ai jamais harcelé qui que ce soit pour la bonne et simple raison que j'ai horreur de "demander", là comme ailleurs, par exemple contrairement à certains de mes amis je n'ai jamais eu envie de draguer des garçons hétéros, garçons avec lesquels par parenthèse je me suis toujours entendu très bien, un certain type de garçons hétéros. Moi je crois tout ce qu'on me dit, toujours été très innocent, et en même temps très méfiant, je me méfie de tout, je suis comme Saint-Thomas. Depuis que j'ai vu, il y a longtemps, Joan Crawford (jouée par Faye Dunaway), dans le film "Mommie dearest", enfouir son visage chaque matin dans un bassin plein de glaçons, je n'ai cessé de faire de même, chaque matin. Jamais été vraiment un bon comédien, je ne suis bon que dans la comédie de la vérité, là je les surpasse tous. Dans quatre jours je vais pouvoir fêter mon fucking anniversaire en paix et puis direction Florence avec l'Ange. J'entre dans le grand magasin qui vient d'ouvrir, il y a cette odeur du grand magasin qui vient d'ouvrir le matin, et je me retrouve à Paris, j'avais 15 ans, j'allais à Paris avec maman, en amoureux, la même odeur, les grands magasins de Paris le matin, et j'ai souri : le passé ne passait pas. Alfredo chante Sylvie Vartan à côté comme un ange : "On a toutes besoin d'un homme", rien de plus vrai. Bien que je ne sois pas juif (encore que) je me mets à porter de nouveau l'étoile de David, et si je me fais tabasser dans la rue par un antisémite, ce sera un honneur. Les années sida s'éloignent et j'ai du mal à imaginer encore ce que ce fut pour nous tous, ce cauchemar flamboyant, ce voyage au bout de la nuit, que les autres ne sauront jamais, qu'ils ne pourront qu'imaginer en se trompant, c'est pour ça que je ne regrette pas d'avoir écrit "L'insecte", tout est là, consigné, est-ce que j'ai exagéré dans ce que j'ai écrit ? non, aujourd'hui je ne pourrais vraisemblablement plus l'écrire parce que le temps c'est l'oubli aussi, et heureusement en un sens, aujourd'hui je serais peut-être moins sévère et j'aurais tort ; les premiers films sur le sida, ceux-là ils étaient vrais. Moi je suis comme Barbara, j'aime Julio Iglesias, en français c'est pas mal du tout, à Pantin en présentant ses musiciens elle nous chantait, "Vous les hommes…", sur l'air de "Vous les femmes…", ah putain elle était grande pour tout Barbara. Quelques jours donc à Florence pour voir la beauté et se rappeler que nous sommes immortels, février froid on mettait nos pas dans ceux d'Hannibal Lecter, visité des églises, monté jusqu'en haut du Duomo, ça valait pas vraiment le coup mais ça valait de le faire avec l'Ange pour s'en souvenir après, les escaliers de pierres étroits en spirale à l'infini et à faire peur, l'Ange était un peu jaloux de mon admiration pour le David de Michel-Ange mais bon, on sait comment sont les anges entre eux, mangé des gâteaux, le fleuve, l'Arno, j'avais un an de plus et des trésors au creux de la main, j'étais protégé par mes dieux et mon Ange, j'aurais voulu que le monde soit à cette image mais je sais que le malheur gronde toujours à la porte du bonheur, j'm'en fous, je suis libre. Je prépare un nouveau roman, histoire d'une femme. Jimmy. ©
février 2018 : ce qu'il reste de nous, ce qu'il reste c'est tout (Michel Berger,
La minute de silence). Je commence à en avoir assez du délire verbal sur Barbara, il est temps de faire silence, et de l'écouter elle, c'est tout. Quand on aime quelqu'un l'âge ne compte pas, quand je revois Barbara à 30 ans, à cinquante ou soixante, c'est toujours la même, sans parler de l'Ange, évidemment. Le jour où je quitterai la vie, ou où la vie me quittera, ce n'est pas elle, la vie, dont j'aurai peur d'être séparé : la vie je l'emmerde, c'est de lui, seulement lui, et même si je sais que je ne serai jamais séparé de lui, impossible. Toujours voulu être le héros de ma propre vie, mais plus souvent été héros blessé qu'héros vainqueur. Je suis pour l'éducation exigeante, élitiste même, pour la rigueur et la discipline, mais certainement pas pour l'éducation par la violence, physique ou morale, personne n'aurait jamais rien obtenu de moi par la violence, par la rigueur oui. Mourir mais une autre fois. On tombe des nues, maintenant en France ils viennent de faire un rapport où ils préconisent de ne plus punir les fumeurs de joints qu'avec une amende, mon Dieu, ça veut dire qu'encore si tu fumes un joint tu peux aller au pénal ou je ne sais quoi, quelle hypocrisie, dans quel monde vit-on, et je le dis moi qui n'ai jamais été très joints, ni marie-jeanne, ni shit. Pas écrit beaucoup dans mon journal ce mois-ci, occupé à autre chose, alors je radote, après tout je ne pense qu'une ou deux choses de la vie, mais une ou deux choses qui n'appartiennent qu'à moi, que je radote, dans la vie t'as pas besoin de beaucoup d'opinions personnelles, juste une ou deux mais qui soient vraiment de toi, tous mes romans je les ai écrits à partir de ces une ou deux choses, qui doivent être en résumé : le combat contre la vie et pour l'amour, les deux se rejoignant d'ailleurs. Sinon je cogite, je me débats, je vieillis, je rajeunis, je ne baisse pas les bras, et puis je les baisse parce que je veux la paix, et puis la paix m'ennuie, j'ai besoin de la guerre, je fais la guerre, je fais la paix, j'ai peur mais j'avance quand même, comme elle disait. J'aime l'Ange, l'amour ne peut pas être heureux, il est davantage que ça, il est un monde plus grand que le nôtre, incommunicable, une vie ne suffit pas à l'amour. Et puis je rigole, j'apaise les blessures en rigolant, je regarde dormir l'Ange, et je me dis, ah cette vie, ah mes amours disparus, pas si disparus que ça d'ailleurs, j'écoute Barbara, je ne réalise pas encore comment je continue à vivre sans ne plus pouvoir courir vers elle dans un des théâtres de Paris, comme non plus je ne peux plus appeler ma mère au téléphone et parler de nos choses à nous, la faire rire, lui prendre la main, la tenir dans mes bras, son corps si fragile dans mes bras, amputé, orphelin, abandonné. Alors je cours, ne pas être victime deux fois, toujours pensé ça, je me réveille, j'ouvre les yeux, la tête pleine, et plus encore le cœur, je crois en l'âme, la vie c'est croire, je l'emmerde oui la vie mais je la connais, ma veille ennemie, la salope. A plus. Jimmy. ©
janvier 2018 : le bonheur n'existe pas, parce que quand tu es heureux tu sais la fragilité de ce bonheur et la tristesse se niche quelque part, elle redouble l'intensité du bonheur et le fragilise à la fois, toujours sur la corde raide, et l'insouciance à la longue se paye cher, la joie de vivre et le mal de vivre ne font qu'un. Autre rêve qui revient souvent : que mon appartement est envahi de gens que je n'arrive pas à mettre dehors. Elle le dit : le passé, c'est le présent, comme il t'a "griffé". La violence faite aux femmes, pourquoi s'étonner seulement maintenant, les hommes sont des salauds, on le sait depuis longtemps, évidemment quand ils ne le sont pas ils sont parfois magnifiques. Et voilà, il a fini par mourir lui aussi, Jean d'Ormesson, encore un pan de mon passé qui fout le camp, je l'adorais, pas comme écrivain mais j'adorais sa personne, c'était un aristocrate mais surtout un aristocrate de la pensée et de la vie, lui et Duras j'aurais pu les écouter parler pendant des heures, lui encore davantage qu'elle je crois, c'est si rare quand on pense à tous ceux qui lorsqu'ils parlent dix secondes on en a déjà marre, et il s'entendait bien avec Mitterrand, pas politiquement mais pour les conversations sur Dieu et le reste, y a que ça qui compte finalement, Dieu et le reste, la politique c'est bien mais ça finit toujours pas te barber, pas Dieu, pas le reste. Et le lendemain Johnny Halliday. Moi ç'a jamais été mon truc Halliday, même si j'aimais beaucoup "Que je t'aime" que je trouvais incroyablement sensuel, mais Hervé, qui l'aimait quand il était jeune, physiquement, disait toujours : Johnny c'est Johnny. Je serai toujours un enfant, c'est ça qui est bien, et c'est ça qui est terrible. Dans la rue, il marche à côté de sa femme, elle en chaise roulante, ils se tiennent la main, et je me dis, quand on a comme ça quelqu'un à s'occuper, quelqu'un de fragile, ça donne un sens à ta vie, et c'est bien, on peut pas vivre non plus seulement pour se branler les couilles. En voyant le cercueil de d'Ormesson, je me disais, là il peut plus parler, lui qui aurait eu tant de choses à dire sur le moment de son enterrement, et ça me rendait quand même un peu triste. Par ailleurs ces hommages nationaux pour les disparus, d'Ormesson ou Johnny, me portent sur les nerfs, la pauvre France qui pleure ses gloires passées parce qu'elle sait qu'il ne lui en reste plus beaucoup, de gloires, on va quand même pas faire un hommage national à C. Angot quand elle mourra, même si tout est possible dans ce foutu pays ; par contre un hommage national à ma personne, ç'aurait de l'allure. Ce que ça peut m'énerver aussi ces mecs ou ces femmes célèbres qui quand ils font leur coming out parlent de leur bisexualité, bisexualité mon cul, t'es pédé ou t'es gouine point, et y a pas de quoi en faire une thèse. Je hais le harcèlement à l'école de toutes mes fibres, je hais la loi du plus fort, une pensée pour Keaton Jones qui je l'espère deviendra quelqu'un plus tard quand les minables qui le harcelaient, eux, deviendront rien. Toujours aimé les boîtes à musique, les boîtes à musique c'est un peu comme le perlimpinpin, c'est l'enfance, la magie. Une année qui s'en va, le temps passe, l'amour reste. Jimmy, à l'Ange. ©
décembre 2017 : Je repensais à mon enfance, comme des fois je pouvais être cruel, quand je faisais pleurer MJ, et après je la voyais manger seule, elle pleurait encore devant son assiette et quand je passais je me sentais tellement triste de la voir comme ça, je voulais l'embrasser, oh ça je suis pas un saint, certes non, et Dieu merci d'ailleurs, sinon ils m'auraient tous fait la peau. Barbara n'aimait pas qu'on lui demande de chanter comme ça, n'importe où, à un dîner ou autre, elle répondait, on ne demande pas à un boulanger de vous servir du pain dans la rue. Je vois qu'un livre vient de sortir sur les bonnes vieilles pissotières d'antan, là où les pédés de tous âges pouvaient se rencontrer tranquilles et se branler peinards sans faire de mal à personne, je crois savoir que Montherlant aimait bien y rôder, on appelait ça des tasses, je sais plus bien pourquoi, bref, moi j'ai jamais vraiment pratiqué les tasses, c'était déjà plus trop à la mode, et puis je crois que j'aurais pas trop aimé l'odeur, mais bon y a eu un temps où y avait que ça et point, enfin bref, c'est fini, disparues avec le reste les tasses, tout est lisse de nos jours, et bien hypocrite, et la liberté ça fait longtemps qu'elle fout le camp peu à peu malgré ce qu'on dit, reste plus que de la propreté qui pue encore plus que la saleté d'avant. Beaucoup de points communs avec Thomas Bernhard, à commencer par mon incapacité totale, toute ma vie, à avoir un travail dit normal, et principalement à cause de ce que cela supposait de relations sociales annihilantes,
J'avais tant de capacités, la seule que je n'avais pas, c'était de pouvoir supporter un travail dit normal. (Thomas Bernhard,
Die Kälte). A part avec l'Ange, je ne souhaite plus souhaiter les anniversaires de personne, et je ne veux plus qu'on me souhaite le mien, ça suffit déjà d'avoir une année de plus chaque année, pas besoin que tout le monde me le rappelle. J'ai des rêves récurrents, Isabelle Adjani, avec qui je m'entends toujours très bien en rêve, le retour de Barbara sur scène, ou ma rencontre avec elle, aussi je rêve que j'ai les cheveux longs et que je suis chez le coiffeur, très beau, la mer aussi bien sûr, la mer menaçante, noire et sauvage, je rêve aussi que je rachète l'appartement que j'avais autrefois à Paris, rue du Pot de Fer : rien n'a changé ou à peu près, le marchand de journaux en face de l'immeuble est toujours là. Elle était fragile mais résistante, comme moi. C'est drôle, souvent quand j'essaie de me rappeler un rêve, je me souviens pas bien, le déroulement quoi, mais il me reste des sensations qui ont leur logique interne, qui pourrait jamais être transformée en la logique de la vie, comme une autre langue, enfin, c'est difficile à expliquer. Aimer n'est que soulager la peine. Ces lâches qui nous gouvernent ne pensent donc jamais qu'en augmentant le prix des cigarettes ils pénalisent non pas ceux qui ont de l'argent et qui pourront toujours s'en acheter, mais les plus faibles dont à longueur de journée ils se gargarisent en prétendant penser à eux, tu parles, les salauds. Depardieu de Barbara : "nous on avait des fous rires qui valaient mieux que n'importe quel coït". Et maintenant les barbares parlent d'interdire la cigarette dans les films, qu'ils le fassent et ce sera la fin, de tout, des livres, de tout, les barbares auront gagné et on sera tous morts. Jimmy. ©
novembre 2017 : il automne sur Berlin, il fait juste un peu plus froid, il fait roux et fragile, c'est le temps qui galope, le temps arrêté n'existe pas, seulement dans mon au-delà. Quelle langue horrible cet allemand, je me dis, quand j'entends parler mes garçons new-yorkais. Une nuit à Biarritz avec Hervé, on mangeait des frites dans une cabane près de la mer, à côté de nous y avait deux garçons nordiques, très beaux, et ils nous regardaient pas du tout, et pourtant nous aussi on était jeunes et beaux, je l'avais fait remarquer à Hervé qui m'avait répondu : oui, on pourrait s'envoler ils le remarqueraient même pas. Ça me manque aussi quand elle m'envoyait par la poste un billet dans une enveloppe, parce qu'elle disait que les petits cadeaux étaient des preuves d'amour. C'est mystérieux le sourire, cette déformation du visage qui te rend humain, fragile. De tous mes livres, celui que j'aurais préféré voir publier c'est "Vie d'Ange", ou alors "Wild Samuel", mon avant-dernier, davantage que "L'insecte" qui l'a été publié mais qui me ressemble moins puisqu'au bout du compte, ce n'est pas tant un livre sur moi, mon univers, comme on dit. Pour toutes les interprétations imbéciles qui sont faites de L'aigle noir (inceste etc.), voilà ce que Barbara en disait qui les contredit toutes :
"L'aigle noir", c'est une chanson que j'ai rêvée : j'ai fait un jour un rêve, bien plus beau que la chanson, où j'ai vu descendre cet aigle, et je l'ai ensuite donnée à une petite fille de quatre ans, Laurence, qui était ma nièce. Après ce rêve, il m'est vraiment arrivé des choses extraordinaires ! En fait dans cette putain de vie faut toujours s'attendre au pire, comme ça t'es jamais déçu. "Je ne veux pas être la caution d'une famille de croque-morts ni d'une industrie musicale qui fait du pognon avec le 20e anniversaire de la disparition de Barbara" (Depardieu à L'Obs), c'est si vrai, ah si elle était là pour dire ce qu'elle pense de tout ce délire autour d'elle, et en rire ; et toujours Depardieu à propos du film sur elle : "Ceux qui ont bien connu Barbara savent qu'elle n'a rien à voir avec celle qu'incarne Jeanne Balibar. Je trouve plus fidèle Louis Garrel en Godard dans Le Redoutable, que cette Barbara dont on ne voit, dans le film, que les postures, mais dont on ne sent jamais l'immense humanité", c'est dit. D'ailleurs ce qu'il y a de pénible avec la mort d'un écrivain, d'un artiste, c'est qu'après, les héritiers font n'importe quoi et publient la moindre chose que l'auteur n'aurait jamais voulu publier de son vivant, tout ça pour l'argent, mais que faire. Aussi curieux que cela paraisse, je crois que si j'avais été une femme, j'aurais été une lesbienne, une gouine quoi, on s'entend toujours mieux avec son propre sexe, y a pas à discuter là-dessus. Comme dirait ma grand-mère, à chacun son sale goût. A la lecture des Démons de Dostoïevski, je me dis, et si ces images que j'ai parfois en rêve, ces images d'absolu bonheur, et bonheur est en-dessous de ce que je ressens, et si c'était des réminiscences du paradis terrestre ? ainsi que le dit, à propos de son propre rêve, Stavroguine, le prince des ténèbres. On se drogue, disait William Burroughs, parce qu'il faut mettre ses chaussettes chaque jour, autrement dit, parce qu'il faut se lever, se laver, s'enlever les chaussettes le soir, etc. etc. Jimmy. ©
octobre 2017 : De retour. J'ai aimé New York parce que j'aime l'immensité, que j'aime la folie de vivre dans les villes, j'ai aimé New York parce que j'aime l'Ange, on en ressort un peu k.o., ou chaos comme j'écrivais dans Vie d'Ange, mais on en ressort plein, et quoi d'autre cherche-t-on que d'être plein, de tout, comme à chaque fois l'Ange était mon guide, sans lui rien n'aurait été beau, sans lui cela ne valait pas la peine, le premier jour on est allés jusqu'à l'East River, au portier de l'immeuble, j'ai demandé pour être sûr, is it here where Greta Garbo lived? et quand il a dit, yes, juste yes, j'ai je le jure cru voir une dernière fois l'ombre de celle qui EST la légende du cinéma, on dormait mal mais on sortait la nuit, Christopher Street et Stonewall, là où est née ce qu'on allait appeler la gay pride, là où la lutte des pédés et des trans qui se sont affrontés au flics qui les traquaient, et l'eau, l'eau, l'eau partout, immense, on sortait de Manhattan pour pas avoir l'air de cons de touristes, on se perdait dans le Queens et on voyait courir une mariée dans une rue pourrie, avec sa traîne blanche, on allait au zoo du Bronx, on se gelait les couilles dans la clim du métro et en sortant dans les couloirs on crevait de chaleur, on crevait d'amour l'un pour l'autre d'être toujours ensemble après tant d'années, voyageurs, on bouffait les burgers du Five Guys, au resto on payait le verre de vin une fortune, on se promenait le nez en l'air, vers les buildings immenses de cette sacrée Manhattan qui en finit pas de frémir, avec ces garçons américains musclés et pénibles d'être si bandants, on voulait connaître New York en sachant qu'on la connaissait pas puisqu'on y habite pas et qu'on connaît jamais une ville dans laquelle on vit pas, mais qu'importe, un taxi qui ressemblait à l'abbé Pierre nous a conduits jusqu'au ferry, il a même pété incognito dans sa bagnole le salaud pour rendre l'instant inoubliable : on allait à Ellis Island à la recherche du grand-père paternel de l'Ange, pas loin de lady Liberty, dans le grand centre qui tient le registre de tous les immigrants de celle ville du temps où elle les accueillait, et puis on a vu un documentaire sur eux, les immigrants de la misère, commenté avec la voix du grand Gene Hackman, et ainsi de suite, on est allé à Coney Island et son parc d'attractions que je croyais abandonné comme dans les films, mais non, ils l'ont remis en état, y avait le soleil, le soleil de l'Ange et celui de la mer avec ses hot-dogs et ses femmes voilées là-bas aussi, tout se mélange à New York, le blanc et le noir, je me sentais noir, je me sentais blanc, en fait je me sentais humain, l'hôtel Chelsea de Patti Smith et Robert Mapplethorpe est en rénovation, on est revenus parce qu'on revient toujours, on peut pas non plus aller habiter dans toutes les villes qu'on aime, on a déjà donné pour ça, évidemment y a cette calamité du décalage horaire mais comme dirait maman, on va pas se plaindre que la mariée est trop belle, on est revenus sonnés, avec dans la tête les images des garçons musclés et les visages noirs des femmes et des hommes de la ville qui n'en finit pas de vouloir vivre et crever… j'ai laissé là-bas une partie de moi, la bague que j'avais achetée à San Francisco, elle est tombée dans les chiottes de notre chambre d'hôtel, elle nage underground maintenant avec les fantômes de la ville. Dans mon rêve soudain, j'aperçois un chemin plus loin, magnifique, des lumières magnifiques, je veux le photographier mais je n'ai pas d'appareil, où menait-il ? comment était-il au-dedans ? je n'en sais rien, au réveil je me suis dit que j'aurais dit y entrer, mais je ne l'ai pas fait, juste été ébloui par le chemin inconnu. Jimmy. ©
septembre 2017 : on m'a raconté cette histoire : un jour, dans sa loge, Barbara reçoit parmi ses admirateurs un garçon, on dira un garçon très folle, et le garçon lui dit, oh vous êtes la plus grande ! et Barbara de répondre, écoute chéri je crois qu'ici la plus grande, c'est toi. Jeanne Moreau j'ai jamais été vraiment fan, mais bon c'était la Jeanne quand même, avec sa voix de chiotte merveilleuse, et j'aimais quand elle chantait, j'ai même son album avec les poèmes de Norge, à ce compte-là il va pas nous en rester beaucoup de grandes dans le cinéma français, tu sais, ces femmes qui même vulgaires sont jamais ordinaires, ça court plus les rues ces femmes. C'est une joie et une souffrance. Foncé ce lundi dans Berlin à vélo, les larges avenues, le soleil, le canal, le fleuve, le ferry pour aller de l'autre côté, là où y a des petites maisons comme des maisons de contes d'enfant, puis là où c'est un peu comme les environs de Paris, puis après encore le fleuve et la bohème, Berlin c'est l'infini. Le bonheur ce n'est pas qu'il ne te manque rien, c'est le contraire, avec l'Ange bien sûr qu'il me manque des choses, et lui avec moi, et heureusement, mais je sais que ces choses qui me manquent, il n'y a qu'avec lui que je pourrais les trouver.
elle avait des bagues à chaque doigt, des tas de bracelets autour des poignets. De ma terrasse je vois parfois ma voisine de l'autre immeuble, à ma droite, sur sa terrasse, elle est plus très jeune et je croyais même qu'elle était pas loin de la fin, et bien pas du tout, je l'ai croisée dans la rue sur son vélo, elle pète le feu, ah elles cachent bien leur jeu nos vieilles. Montherlant dans 'Les garçons' reprend un mot de Victor Hugo et parle des "intelligences inintelligentes", cela pourrait bien s'appliquer à nos soi-disant hommes politiques intelligents et qui ne m'ont jamais épaté, ces intelligences de grandes écoles et cie, quelles bêtises elles traînent et sûres d'elles par-dessus le marché, et elles font étalage de leurs lectures les pauvres, pauvres lecteurs qui nous prennent pour des imbéciles de croire qu'ils ont le temps de lire, ah non vraiment pas ça, je connais des illettrés tellement plus intelligents qu'eux. Le nouveau pouvoir en France déçoit encore, comme dirait ma mère : le bon marché est cher. Les gens dans leur pauvreté (et leurs complexes) intellectuels, quand il s'agit d'art, se demandent toujours si ça fait bien d'aimer ça ou ça, ils n'osent pas penser par eux-mêmes, ils ne savent pas ce que c'est. Parfois je passe à vélo là où était le bunker à Berlin, ce n'est pas marqué exactement mais on sait que c'est par là, et alors, je vois les ombres, toujours. Dans la vie faut pas être trop heureux, parce que la vie, en mesquine et radine qu'elle est, te le fait payer, faut viser mieux que le bonheur. L'Ange m'appelle souvent 'ma poule bien aimée', et voilà, oui, un ange d'un côté, une poule de l'autre. Mon premier roman, 'Vie d'ange' avait une partie qui se passait à New York, où je ne suis pourtant jamais allé, ce sera réparé bientôt, l'Ange et moi nous y envolons, on se promènera et on mangera des gâteaux (Hervé comprendra), et je croiserai peut-être l'ombre de Garbo au crépuscule des dieux. Jimmy. ©
août 2017 : il faut préserver le désir, pour tout, s'il n'y a plus le désir, il n'y a plus rien, mais quand on te dit qu'en amour il faut aussi s'éloigner pour que tu manques à l'autre et que l'autre te manque, ça non, facile d'aimer de loin, mensonge, non, même si tu ne t'éloignes pas, aimer préserve le désir, même dans la pièce d'à côté il y aura toujours quelque chose de l'autre qui te manque, qui est loin, à rapprocher, à conquérir, aimer n'a pas de fin. Des lettres j'en ai beaucoup écrit, des lettres importantes, je n'ai jamais fait de brouillon de ces lettres, et je n'en ai jamais gardé de copie, pour ne pas tricher, pour que la lettre soit vraie. Dire son âge c'est ridicule, ça me tue comme dirait Holden, y a qu'à regarder, sur le visage, tout est écrit. Je voyais ce film, la guerre, les Juifs, les enfants, et les résistants dans les maquis qui fumaient, et je me disais, ils leur auraient dit quoi nos ministres de la santé à la con, que la cigarette c'était pas bon pour la santé ? les pauvres imbéciles, eux ils avaient que ça, la clope, pour tenir, et le plus souvent pour tenir avant de mourir à leur tour. Quand je vois ma vie, ce que j'ai pas fait, ce que j'ai raté, ou passé à côté, maintenant je me dis : c'était pas mon histoire, là où on ne m'a pas accepté, ce que je n'ai pas réussi : pas mon histoire, et j'ai pas de regrets, mon histoire elle existerait pas sans ce qui est pas elle, aucun regret. On fait pas que du bien quand on aime, on fait du mal aussi, et on le fait par amour, faut pas se mentir. J'aimais ça la passion, j'adorais ça, la passion éphémère d'une rencontre, et puis j'ai compris, maintenant je vise plus haut que la passion éphémère, je veux la passion éternelle. Dernier des géants, mort de Simone Veil, je suis triste mais heureux d'elle, je l'ai toujours été, difficile d'en dire davantage, moi qui vis en Allemagne, sur le lieu du crime, et me dis parfois, mais qu'est-ce que tu fous ici, alors je pense à elle, elle qui a tant fait pour la réconciliation, elle m'a répondu de sa main quand je lui ai envoyé mon livre sur le sida, qu'elle disait avoir lu avec 'douleur et émotion', et je me suis dit alors que peut-être je n'avais pas eu tort de faire ce parallèle entre les Juifs des camps et les garçons du sida, elle était une lumière venue des ténèbres, quand j'ai signé la pétition pour son Panthéon, dans la case où l'on pouvait écrire ses raisons, j'ai écrit : "parce que c'est elle". Autrefois, quand il ne parlait pas encore bien le français, l'Ange avait entendu madame Mitterrand dire 'le dalai Lama m'habite', surpris il s'était retourné vers moi et m'avait dit, ma bite ?, depuis il a fait des progrès, quelques années plus tard il était diplômé de Sciences Po Paris, comme Hervé et moi, c'est ça aussi l'histoire mystérieuse de nous trois. Est-ce qu'un véritable écrivain est un écrivain publié ou un écrivain non publié, quand on est publié est-ce qu'on écrit la même chose qu'on aurait écrite si on ne l'était pas, avec la même pureté ? moi je suis les deux. Tiens justement, à propos, pauvre Angot qui part à la télé chez ce minable Ruquier, pauvres écrivains qui veulent tout, soi-disant écrivains, et qui à la fin ont plus rien. Evidemment quand on aime, même les moments ratés, dus parfois à des circonstances extérieures, on les regrette jamais, ça fait partie de l'histoire, on prend tout. Tu me manques ma belle. Jimmy. ©
juillet 2017 : je passe chez ma dentiste française à Berlin pour papoter et à la fin du papotage un jeune garçon d'une quinzaine d'années arrive et me dit, bonjour monsieur, ce que je déteste, je crois que j'aimerais encore mieux qu'il me dise, bonjour mademoiselle. L'éducation sans contraintes, sans règles, c'est justement le contraire de la liberté, parce que les règles, les contraintes, même les plus idiotes, c'est la liberté donnée d'y contrevenir, de se révolter. Lu dans Duras ce texte intitulé "pas mort en déportation", texte terrible, je dis terrible parce qu'évidemment il n'y a pas de mots et on le sait bien, comme il n'y a pas de mots pour dire ce que c'était que de mourir du sida, ce à quoi bien sûr m'a aussi fait penser le texte.
Je crois que je préfère les gens qui ne comprennent pas du tout ce que je fais aux gens qui comprennent mal. (Marguerite Duras,
Le monde extérieur). Ça m'énerve ces conneries dites sur L'aigle noir et que ce serait une chanson sur l'inceste, si Barbara l'a dédiée à sa petite nièce de 12 ans, Laurence, je ne vois pas comment ce serait une chanson sur l'inceste, mais c'est toujours pareil, comme elle n'est plus là pour empêcher les bêtises d'être dites sur elle. Depuis que Terence Malik se prend pour un génie, il fait des films prétentieux, il est loin le temps de Days of heaven. Quand tu compares Macron et Trudeau qui est jeune mais un peu plus âgé que lui, tu te dis que c'est Trudeau quand même qui fait le plus jeune, que Macron est plutôt beau mais qu'il a pas l'innocence. Souvent quand on se fâche avec l'Ange, souvent je me suis dit, je préfère être mal avec lui que sans lui. Un garçon féminin c'est tellement plus beau que ces brutes d'hommes dans leurs bagnoles ou gueulant dans les stades. La vie assimile tout, même l'horreur, et voilà que maintenant le sida monte les marches du festival de Cannes, mais ça, je l'avais écrit, prévu, dans mon Insecte, la normalisation de l'horreur. Maman se souvenait que lorsqu'elle était une jeune fille, un jour dans les toilettes d'un bar à Paris, un homme lui avait demandé si elle s'appelait mademoiselle Dodo, elle l'avait raconté innocemment à sa mère, ma grand-mère qui elle n'a jamais été innocente et lui avait dit quelque chose du genre que le type voulait surtout faire dodo avec elle. Dans la vie on change pas, au mieux on devient soi-même, et au mieux on apprend deux ou trois choses sur la vie. Si j'étais dur parfois, même avec ceux que j'aimais c'était parce que sinon la vie m'aurait anéanti. Moi je ne suis pas devenu aigri, mais pas complaisant non plus, quand j'aime, j'aime, mais si j'aime pas, j'aime pas. Un sandwich au saucisson ça fait jamais de mal. L'Ange lit dans le salon, sur le canapé, il adore être sur le canapé, il y passe des heures, je vais vers lui, il me voit arriver, il dit, qu'est-ce qu'il y a ? je dis, rien, et je l'embrasse. Je l'ai souvent pensé : finalement on est ce que l'on fait, pas à vingt ans non, mais finalement, avec le temps, on est ce qu'on fait, sinon quoi d'autre. Simone Veil, bien sûr, mais plus tard, pour l'instant silence, en elle. Jimmy. ©
juin 2017 : je montre plutôt le meilleur de moi-même dans l'adversité et le malheur, dans le confort je vivote, dans l'adversité je vis, je me bats contre la vie. A la fin de sa vie, elle ne se faisait plus de couleurs dans les cheveux comme elle disait, mais elle n'avait pas les cheveux blancs, elle les avait un peu couleur métal, un gris argenté très beau, que beaucoup de femmes je suis sûr auraient bien aimé avoir pour couleur chez leur coiffeur. Elle disait, et ça me révoltait quand elle le disait, que dans la vie on y pouvait rien mais qu'il y aurait toujours des riches et des pauvres, mais elle avait raison, et la seule solution c'est que les riches pensent aux pauvres, la seule. Toujours utiliser la souffrance et la mort pour faire des livres y en a un peu marre. Tiens rev'là le printemps à Berlin, y a de tout, y a des couleurs, y a des odeurs, y a des garçons,
y a même du printemps chez le malheur (Léo Ferré,
c'est le printemps). Je lis Outside de Marguerite Duras, un recueil de ses articles dans les journaux, elle aimait les faits divers Marguerite, surtout ceux qui la révoltaient, pas tellement les victimes des faits divers, mais plutôt les victimes de la vie qui les occasionnent ces faits divers, je viens d'en lire un sur deux orphelins de 19 ans condamnés à mort en 1958 après avoir tué deux jeunes gens lors d'un hold up, elle écrivait Marguerite avec sa révolte que ces délaissés de la vie existent, qu'on ne s'en préoccupe pas, et les délaissés de la vie, de nous, continuent d'exister et on ne s'en préoccupe toujours pas, seulement parfois quand on les aperçoit, de loin, qu'on sait que c'est des délaissés de la vie, on y pense pas parce qu'on a déjà assez à faire avec nos vies qui sont jamais faciles nos vies faut pas croire non plus, on y pense pas parce que leur vie à eux elle est inimaginable pour nous, les soit-disant privilégiés de l'existence, on y pense pas mais c'est là quand même, comme un poison, la révolte tu peux bien l'enterrer, tu l'enterres pas, il restera toujours la solidarité invisible, la culpabilité, appelle ça comme tu veux, il reste le lien, y a pas des êtres humains supérieurs ou inférieurs, y a que l'injustice, mais ça on le sait bien, dirait aussi Marguerite. Moi, si j'étais pas né où je suis né, vu mon aversion et mon incapacité totale au travail, le travail je veux dire, le travail en société, le travail de tout le monde, même le travail le plus haut et le mieux considéré, je sais pas ce que j'aurais fait pour subvenir à mes besoins comme on dit, peut-être je me serais tué, ou je serais devenu hors-la-loi. Tchétchénie, le calvaire des homosexuels, encore... J'avais une amie à Sciences Po, tous les garçons lui couraient après mais c'est moi pour qui elle avait un faible, je trouvais qu'elle avait un peu la tête d'un cheval mais qu'elle avait du chien.
Dans ma vie il y a d'abord l'enfance, puis l'adolescence, cela en toute clarté. Et puis tout à coup, sans prévenir, comme la foudre, les Juifs. Pas d'âge adulte : les Juifs massacrés. 1944... J'ai seize ans. Et puis beaucoup plus tard je me réveille d'avoir seize ans. Et c'est Auschwitz (Marguerite Duras). Jimmy. ©
mai 2017 : j'aime les gens, pas le peuple, le peuple est con, les gens sont beaux, finalement beaux, je n'aime le peuple que lorsqu'il se libère, place Venceslas à Prague, à Berlin 1989, Tian'anmen, et quand je suis moi-même le peuple, je ne m'aime pas non plus, encore que.
La seule admiration qui vaille, c'est celle qui te rend toi admirable (extrait de
Undead). Le parti de Merkel vient de remporter une victoire surprise dans la Sarre, stupeur au SPD et chez Schulz, évidemment si ce dernier croyait qu'il suffit d'avoir une petite barbiche pour gagner contre Merkel… Après la trêve hivernale nous sommes de retour chez nous, c'est-à-dire à Berlin, dont je retombe amoureux, si tant est que j'ai jamais cessé de l'être. Mais cette année, avril à Berlin est pourri et ça tape sur les nerfs quand même, parce que sinon, Berlin avec les beaux jours est la plus belle ville du monde, et j'en connais des villes. Evidemment dans cette vie, on passe son temps dans des peccadilles, mais on peut retourner le problème dans sa tête cent fois : la vie c'est ça, les petites choses mesquines, l'essentiel c'est de savoir dans sa tête que ce sont des peccadilles, et que même les grandes choses de la vie se font souvent à partir des petites choses, que tout se tient dans cette vie. Moi je suis comme Barbara, je suis un primaire, elle disait ça d'elle, les seules choses où je suis compétent, ce sont les choses de la vie, comme ma mère aussi, les choses de l'âme, de l'amour, pour le reste, la complexité du monde, je suis incompétent, dépourvu, mais pour les choses de la vie faut le dire, je suis un maître. Déteste le prosélytisme, je cherche à convaincre personne, seulement moi. J'avais vingt-cinq ans, il en avait quinze, c'était comme dans les romans, j'ai dormi avec lui, seulement dormi, qu'est-ce que j'en avais à foutre de coucher avec un garçon de quinze ans, seulement savoir que lui en avait envie ça suffisait, mais bon, je me suis rattrapé quelques années plus tard, il rentrait juste des Etats-Unis, il venait d'avoir dix-huit ans, ou un peu plus, je sais plus. Selon l'Ange, j'ai radoté dans mon blog d'avril du début à la fin en passant par le milieu. Tu peux refuser le monde, refuser la norme comme on dit, mais si tu veux vivre longtemps tu ne peux pas aller jusqu'au bout de ça, ce n'est pas de la lâcheté, c'est juste comme ça, il y a le courage de refuser le monde et il y a le courage de vivre. J'ai beau dire que j'aime les gens, ce qui est vrai, j'ai pourtant jamais été très indulgent avec eux, justement parce que je dois les aimer, parce que toujours j'attends trop d'eux, je les crois capables de plus et malheureusement, je déchante souvent; mais on peut pas passer sa vie à chanter, et puis avec l'Ange, je déchante jamais, et même quand je déchante, avec lui c'est beau de déchanter : aimer c'est survivre à ce que la vie invente pour séparer. Pour paraphraser le beau Harvey Specter dans Suits, et je fais le geste avec la main : la vie est là (en bas), et moi je la veux là (je monte la main). Un commentaire sur l'élection présidentielle française, Jimmy ? Aucun. ©
avril 2017 : évidemment toutes ces commémorations des 20 ans de la mort de Barbara portent en elles un malentendu : aujourd'hui elle appartient à tout le monde ; mais non, tout le monde ne sera jamais ce que nous étions nous, les amoureux qui étions (sommes) sa plus belle histoire d'amour ; si aujourd'hui elle est autant célébrée, c'est grâce à cette histoire d'amour qui fut (est) elle et nous ; le reste c'est affaire de ces intellectuels dont elle a toujours dit que penser qu'elle en faisait partie l'horrifiait. C'est pas très beau un homme qui ronfle, Dieu merci je ne ronfle pas, et Alfredo n'est pas un homme mais un ange. Je vois, revois, la mer, et je me dis, la mer, les hommes n'y ont jamais rien pu, ils ont peut-être domestiqué la terre mais jamais la mer : elle reste imprenable, comme nous. Le grand, et seul vrai mystère de ma vie c'est comment j'ai pu connaître l'Ange après avoir déjà tant aimé Hervé, après la mort d'Hervé, comment est-ce possible d'aimer deux fois comme ça, d'avoir aimé Hervé, puis après sa mort de rencontrer et aimer encore davantage l'Ange, même si ces histoires de davantage ou moins n'ont pas vraiment de sens, j'ai bien ma petite idée sur l'explication du mystère mais je n'ai pas de preuve, seulement cette preuve-là, vécue, exigeante, ce mystère est au cœur de toute ma vie.
yes ! I am un immense provocateur ! (Léo Ferré,
le chien). Cet été-là, j'avais vingt ans et je venais d'accepter les garçons, la nuit j'allais sur la plage déserte, seul face à la mer noire, et je ressassais l'émerveillement, celui d'être enfin moi, vingt ans à attendre, à préparer le moment, j'y étais, sûrement que là j'étais heureux, plein de ma vie à venir, y avait que la mer pour comprendre ça, ce que c'est que d'être enfin soi-même. Et maintenant un autre homme, à l'entrée du magasin, qui mendie, il a une gueule, un peu rouge mais à la Burt Lancaster, et je me demande, il était comment cet homme enfant, et à vingt ans, et pourquoi lui, et pas moi, etc. etc. Ce manque de chaque heure, chaque minute, chaque seconde, ce manque de ma mère, c'est elle. J'ai donné un paquet de cigarettes à l'homme qui ressemble à Burt à la sortie du magasin, il était tellement ému qu'il m'a embrassé, en même temps je me dis que cet homme c'est peut-être Dieu, ou un de ses intimes déguisé, donc j'ai intérêt à filer doux et à ne pas mégoter. S. m'a offert pour mon anniversaire le documentaire d'Agnès Varda sur les glaneurs, je me suis dit, il va falloir me taper ça et ça va me barber, et bien pas du tout, c'est très beau, et ça te donne à penser, le monde des gens qui glanent, les gens de la récup, qui vivent ou qui créent à partir de ce que nous jetons, dans les champs, dans les rues, bref c'est comme souvent dans la vie, faut se forcer, même pour avoir du plaisir, faut se forcer. Nixon, même quand il disait "cocksucker", avait plus de classe que Trump. La chair est faible mais l'esprit est fort, mais la chair sans l'esprit c'est peu. On va pas se raconter d'histoires, le péché est quand même beaucoup plus divertissant que la sainteté, mais en fait le mieux c'est le mélange, de sainteté et de péché, je me comprends. Jimmy. ©
mars 2017 : Après tout, qu'est-ce qu'on en a à foutre d'un roman de plus ? (John Fante,
Demande à la poussière). Je me promène dans les rues, un homme au visage rouge couché sur un banc, une vieille femme au bras d'un homme, et la vie, la vie, la vie, et moi, et moi, et moi. Il y avait cette odeur de Paris, quand je venais adolescent y passer quelques jours avec maman, et puis ensuite quand j'y vivais, cette odeur de Paris, unique, je la sens encore parfois, qui me donnait envie de vivre. Je me sens souvent plus heureux en étant généreux qu'en étant important. L'homme qui était couché devant le magasin et à qui j'avais donné un paquet de clopes, n'y est plus, les services sociaux l'ont emmené. Quel bordel ces élections présidentielles, je compte donc mettre en ligne une pétition pour que François Mitterrand revienne et se représente à la Présidence de la République française. Pour autant qu'on me raconte pas d'histoires sur le peuple, le peuple se scandalise de ci ou ça mais le peuple ferait exactement la même chose s'il le pouvait et était à la place de ceux qu'il conspue, on me la fait pas à moi sur ça que le peuple parce que c'est le peuple serait innocent. Je disais à l'Ange que c'était bien d'avoir mon site internet pour y mettre mes textes, les publiés et les autres, mais que quand je serai mort, le site n'existera plus pour conserver ma trace, ce à quoi l'Ange a répondu, un peu à la Sylvie Joly, qu'il y avait assez d'emmerdements comme ça dans la vie pour ne pas en plus se mettre à penser à la trace qu'on laissera après la mort, ce qui est vrai, et de toute façon il restera toujours quelque chose. Sagan dans une interview dit qu'on lui reproche d'avoir des idées de gauche mais des goûts de droite, ce à quoi comme elle n'était pas une sale hypocrite, elle répond que les goûts de droite ne sont rien que les goûts de tout le monde et qu'on préfère toujours dormir dans une suite à l'Hôtel du Palais de Biarritz plutôt que dans une roulotte de camping dégueulasse. A force de vouloir des Monsieur Propre à la tête de l'Etat, on aura plus que des nouilles inodores au pouvoir, un homme c'est ses ombres et ses lumières : pas de lumière sans ombre. Dans le roman de Richard Yates que je suis en train de relire en ce moment, un personnage dit que dans ce monde tout se résume à "vendre", rien n'aboutit qui ne soit "vendu", peut-être bien au fond et la vérité, c'est que moi je n'ai jamais su, ni voulu, vendre quoi que ce soit et surtout pas moi-même, si tu te vends, t'es foutu. Je commence doucement à réfléchir à un nouveau roman qui se passerait à Los Angeles, la ville des anges. Les petits intermédiaires de la vie sont partout, à son image, mesquins et prétentieux. Quand j'étais plus jeune, j'avais besoin d'être publié pour faire la preuve de mon existence, c'est fini, je l'ai la preuve. S'il n'y avait rien après la mort, ce serait la mort d'aimer, je le dis comme ça me vient, une évidence. Avec l'Ange, sur notre île,
lui pour moi et moi pour lui, et nous pour personne. Jimmy. ©
février 2017 : depuis l'attentat, en Allemagne le débat c'est pour ou contre la videosurveillance, ceux qui s'opposent à cette dernière le font au nom de la liberté contre la sécurité, mon cul, comme si on avait pas déjà depuis longtemps sacrifié la liberté à la soi-disant sécurité, et l'interdiction de fumer qu'est-ce que c'est ? et les contrôles dans les aéroports ? etc. etc., mais voilà, tous nos bobos s'opposent à la videosurveillance comme si la liberté fleurissait dans nos pays comme au printemps. En (re)lisant Kerouac, je me disais, tous ces amis que je ne vois plus, les amis d'autrefois, ces amis avec qui j'ai parfois bêtement rompu (on dit toujours qu'on a 'bêtement' rompu après coup), ces amis que la vie m'a perdus de vue parce que j'ai quitté Paris, ils me manquent ces amis, je le dis là pour le cas où ils me liraient, pour qu'ils le sachent. En lisant l'essai de C. sur Yves Navarre et les propos sur la famille, je me dis, nous, ma famille, on a jamais été une famille bourgeoise, on l'était peut-être en apparence, et encore, mais en fait non, on était une famille, par ma mère d'abord, par mon père aussi à sa manière, une famille qui aimait, qui le montrait, on ressemblait à aucune famille, on était une île, la famille que je voulais tant fuir et garder à la fois, ce que j'ai fait. Ça fait toujours un petit break salutaire quand on est malade, pas gravement malade bien sûr, juste malade, on se pose, on se laisse aller, on mange, on pense à sa vie. C'était quand même peinard avant, on écoutait la radio, on se calait dans un fauteuil, y avait pas trop de bombes, on allait et venait peinard, c'était comme une veille de Noël, avec le goût de vivre, et des câlins. Garbo, à la fin de sa vie, était allée voir Barbara à Paris, dans 'Lily Passion', et bien sûr elle était allée la voir dans sa loge après la représentation, mon Dieu, quand j'y pense, quelle rencontre, dans cette loge en 1986, Garbo est morte en 90. Les parfums c'est fait pour te rappeler les choses de ta mémoire, maman et son opium, Hervé et Caron, Frédéric et Vetiver… Oui, écrivain maudit, d'ailleurs c'est ce que mon personnage disait dans le court-métrage que j'ai tourné avant celui de Godard, il disait, pour se présenter à la fille, 'je suis écrivain, écrivain maudit naturellement', prémonitoire car à l'époque j'avais pas écrit une ligne de rien. De Neal, Kerouac dit dans 'Sur la route' qu'il n'entre pas dans les catégories de la vie,
il est en-deçà ou au-delà du bonheur. Nathalie Baye formidable dans le film de Xavier Dolan. Quand je lis le calvaire que fut pour Kerouac d'arriver à la publication de 'Sur la route' (et sûrement aussi l'après-publication, avec ses malentendus), je me dis que franchement vouloir être publié est une belle saloperie, un livre ne conserve son intégrité que non publié. Un de mes cauchemars récurrents : mon appartement est envahi de gens que je ne peux pas mettre dehors, des gens qui s'incrustent chez moi; parce que oui, le seul qui soit entré dans ma maison pour y rester, c'est l'Ange. Jimmy. ©
janvier 2017 : il y a un homme couché devant le magasin, il n'en bouge pas, parfois je lui donne des gâteaux, j'ai dit à l'Ange qu'un jour je lui donnerai un paquet de clopes, il fume ? m'a demandé l'Ange, oui, j'ai dit, je l'ai vu fumer, et puis, bien sûr qu'il fume ! qu'est-ce qui pourrait bien égayer sa pauvre sale vie sinon, ces gens qui nous gouvernent ils peuvent pas comprendre ça, que la clope c'est ce qui reste quand on a plus rien du tout. Je me souviens qu'un jour, il y a assez longtemps, l'Ange avait dit à ses parents qui lui demandaient si j'allais à la messe, il avait dit, non, il va pas à la messe ni rien, mais il est plus croyant que vous tous réunis. Tous ces clichés ! ils te disent, il faut vivre chaque jour comme si c'était le dernier jour, mon cul ! si aujourd'hui tu dois acheter des patates et du jambon, tu achètes des patates et le jambon, ce que tu ne ferais vraisemblablement pas si c'était ton dernier jour, et d'ailleurs le dernier jour qu'est-ce que j'en sais. L'Ange qui, comme je l'ai dit, lit 'der Spiegel' chaque semaine et qui donc a des idées très construites sur tout, me dit parfois que quand j'émets telle ou telle opinion, c'est le café du commerce, ce qui est vrai, le problème c'est que j'adore le café du commerce. Tu ne donnes rien si tu n'es pas un peu égoïste, tu n'as rien à donner si tu ne penses pas à toi d'abord. La mort de ceux qu'on aime, c'est trop énorme pour être vrai. Aimer c'est pas un cadeau, sûrement pas, c'est une épreuve, une preuve, c'est le seul défi. Les chacals et les hyènes vont remplacer les guépards et les lions, dit le prince incarné par Burt Lancaster dans le film de Luchino Visconti. Visconti qui disait que poser les yeux sur la beauté, c'est déjà poser les yeux sur la mort. Une maison c'est comme une personne, quand elle n'est plus habitée, l'âme s'en est allée et la maison est méconnaissable, elle n'existe plus qu'en soi, ou ailleurs. Même si nous n'étions pas là au moment de l'événement, l'attentat de Berlin me fait mesurer combien est grande mon appartenance à cette ville, et quand je pense à tous ces réfugiés innocents, au destin déjà si tragique et sur qui cette barbarie va retomber si on n'est pas vigilant, quant à Berlin, cette ville a tant souffert mais elle est aussi une survivante. Et la police berlinoise qui passe son temps à déployer des moyens pour verbaliser les cyclistes qui brûlent les feux rouges. Je suis un écrivain publié (deux fois) et maudit à la fois. Depardieu chante Barbara, ah lui vraiment il peut la chanter, elle l'aimait son Gérard, et lui il l'aimait déjà avant de la connaître et de devenir son David, le seul avec qui elle ait jamais partagé la scène, à part ses musiciens. Découvert avec l'Ange près de l'appartement à Madrid un ruisseau comme un gave que nous ne connaissions pas, comme une petite 'première fois', pas si petite, le passé s'écrivait déjà, indélébile. Je déteste l'expression 'faire son deuil', moi je ne fais pas mon deuil, jamais de la vie, ni de la mort, moi je ne me résigne pas à perdre. Alors bonne année, encore une fois bonne année, et que la vie arrête un peu de se la jouer. Jimmy. ©
décembre 2016 : l'amour on en prend soin après la mort autant qu'avant, mais si on en prend pas soin avant, inutile d'y penser après. J'aime quand dans la rue, par exemple je suis sur mon vélo et je laisse passer un piéton, j'aime quand la personne me sourit et que je souris en retour, je déteste la violence. Mais y a aussi dans la rue des physiques qui me dépriment vraiment, des hommes surtout, et puis heureusement, d'autres visages qui me bouleversent, y a de tout dans les rues. Dans le livre de Salinger, Holden dit qu'un enfant qui dort la bouche ouverte ou qui bave sur l'oreiller n'est jamais laid à voir, un adulte oui, c'est pour ça que l'Ange est un enfant, parce qu'il est toujours bouleversant quand il dort. Ce 'Catcher in the rye' de Salinger, c'est un livre incroyable, j'ai pas de mots, et, toujours à son propos et de quelque chose que Holden dit dans le livre, je me demandais, est-ce que j'ai vraiment écrit L'insecte pour défendre mes amis morts, ou parce que je voulais écrire un sacré livre, en même temps si j'avais pas voulu écrire un sacré livre, j'aurais jamais pu les défendre non plus, et puis la vérité c'est qu'on peut pas passer son temps à se poser comme ça des questions tordues, L'insecte je l'avais dans le fond de l'âme, alors je l'ai craché, c'est tout. Pour les vingt ans de sa mort, j'ai appris qu'entre autres choses, une université allait consacrer un colloque à Barbara, tant mieux mais je suis sûr qu'elle aurait détesté ça, ou alors ça l'aurait beaucoup fait rire, elle qui ne supportait pas être traitée d'intellectuelle. J'ai parfois des rêves de plénitude parfaite, de bonheur absolu, difficiles à décrire, ces rêves sont souvent liés à des images, des endroits, le dernier : un long chemin étroit, d'un côté des pierres, seulement des pierres qui montent très haut, de l'autre une vue d'en-haut sur une grande ville, une grande ville magnifique, je me dis que peut-être ces rêves sont qui sait un avant-goût de l'après. Heureusement qu'il y a des Turcs à Berlin, parce que des fois toutes ces têtes d'Allemands j'en ai ras-la-patate.
j'ai toujours porté bonheur aux hommes, j'ai toujours été bonne avec eux (Régine). David disait à Lily Passion à propos de sa voix :
ta brisure de voix. Veille sur lui, Hervé. Mon trésor c'est ma vie, et je la lui ai donnée. Ils se drapent dans leurs grands principes mais ils n'ont aucune morale personnelle. Nouveau disque de Véronique Sanson, Sanson la flamme. En lisant 'Les garçons', je pense encore plus fortement combien l'aristocratie de la pensée, des sentiments, a disparu, cette sorte d'élitisme de l'âme qui n'a rien à voir avec l'argent, mais avec vraisemblablement, et d'abord, la conception de ce que c'est qu'aimer, mais qu'importe, j'aime, moi, comme une œuvre,
Si je ne t'aimais pas tant, tout aurait été plus facile (Montherlant,
Les garçons). Dieu merci j'ai pas une tête d'écrivain. USA 8 novembre, bonjour tristesse. Retour hivernal dans notre royaume ibérique. Hilary a deux millions et demi de voix d'avance, elle a déjà marqué l'histoire… quoi qu'il arrive. Pour elle. Jimmy.
(PS : n'est pas Mitterrand qui veut, hein?) ©
novembre 2016 : quand je risque de déraper, j'ai toujours mes "zèles aimants", comme disait Mark, pour me rappeler à l'ordre et ne pas trahir, j'ai même des personnages de mes romans qui vigilent pour moi. Je ne vois pas pourquoi la nostalgie est tant décriée, moi j'étais nostalgique dès la naissance. L'immortalité grâce à la science, la jeunesse éternelle ! mais si ce jour arrive (mon cul !), la vie aura perdu son sens, la mort : c'est tout. Donc moi, comme Kay dans La reine des neiges, j'ai reçu quand j'étais petit un éclat de verre dans l'œil, mais moi mon cœur ne s'est pas transformé en un bloc de glace. Vous êtes morts à trente-cinq ans, vous étiez purs, et vous me gardez pur. Parfois quand je le réveille le matin et que je le vois dormir de son sommeil d'enfant, je repense au jour lointain où l'on s'est rencontrés, cette nuit où tout était déjà là, et je me dis, il est encore là, et j'en tremble. Y a des mecs quand je les vois dans la rue, je pourrais pas passer une minute avec eux, avec l'Ange par contre je suis prêt pour l'éternité. Londres avec lui c'est à chaque fois étincelant, les cinémas, la Tamise, les achats aussi, faut bien le dire, l'Ange est jamais blasé, et moi non plus, ça explique des choses d'ailleurs. On parle tous les deux, l'Ange sait beaucoup plus de choses que moi parce que chaque semaine il lit Der Spiegel de long en large, il me raconte des histoires sur les réfugiés, des histoires tristes, désespérantes, même si pas toujours, et on parle du malheur du monde, des salauds qui pullulent, de cette logique de la vie et de que contrairement à ce qu'on dit les salauds ne finissent pas toujours par payer leur saloperie, et je dis à l'Ange qu'il ne faut pas non plus soi-même s'exonérer du mal, se mettre en dehors des salauds, l'Ange acquiesce mais il me rassure aussi, les méchants c'est pas nous, et je dis aussi que cette époque essaie de nous culpabiliser sans arrêt, bref on parle, on s'aime aussi comme ça, en parlant du malheur du monde. Toujours été hypocondriaque, même petit, je devais avoir 13 ou 14 ans et j'avais forcé mes parents à me faire faire un électrocardiogramme, parce que je trouvais que j'étais vite essoufflé en faisant du vélo. Dieu sait, comme je dis, que Mitterrand est mon mec, mon grand homme quoi, mais sur la publication de ces lettres d'amour, je ne sais pas, des lettres ainsi publiées sont jetées en pâture, l'amour est un peu comme v(i)olé, on en est dépossédé. Et d'ailleurs moi, je n'écrirai jamais sur l'Ange, puisque tout ce que j'écris est lui. Dans le livre de Salinger, le directeur du collège de Holden lui dit que la vie est un jeu et qu'il faut le jouer, ce jeu, selon les règles, c'est bien le problème, moi je voulais pas jouer selon les règles, et même si, évidemment, j'ai joué aussi selon les règles parce que sinon je serais plus là depuis longtemps, mais le plus que j'ai pu, jusqu'à la limite, j'ai pas joué selon les règles, et c'est peut-être bien aussi pour ça que je suis encore là aussi. Y a tant de misère partout qu'on se dit que s'ils nous en débarrassaient, on voterait bien pour les guignols qui disent qu'ils vont combattre la misère et l'éradiquer, le problème c'est que s'ils étaient élus, y aurait pas moins de misère mais davantage.
You can't teach the old maestro a new tune. Jimmy. ©
octobre 2016 : Mark avait connu Barbara, elle passait à l'agence contre le sida, où il travaillait, pour aller chercher les tas de préservatifs qu'elle distribuait à ses concerts à la fin, et puis Mark est mort, je lui ai écrit pour le lui dire et lui envoyer aussi des extraits de mon livre "H", c'est là qu'elle m'a laissé un message sur mon répondeur. Une vie ça tient en quelques dates, tout au plus, je veux dire des dates où tu as influé sur le cours du destin, moi, j'ai eu le jour de mon 'acceptation' (voir "Undead"), mais en y pensant y avait eu aussi, juste avant, mon premier vrai acte de liberté, la première insoumission, quand j'ai dit à mes parents, après seulement deux mois, je veux plus retourner à Stanislas, je veux plus de cette prépa HEC, je vais préparer Sciences Po, seul à la maison, ça leur plaisait pas du tout cette aventure, moi qui avais toujours été le premier de la classe, mais j'ai tenu bon, et en septembre je l'ai réussi Sciences Po, seul, et un an après j'y ai rencontré Hervé que j'aurais jamais sans ça rencontré, et puis tout ce qui s'ensuit, quand Hervé m'a conduit à l'Ange, et puis aussi quand j'y pense, cette fois où j'ai refusé d'aller travailler avec ce ministre de la Justice parce que j'étais en train de terminer mon premier roman, "Vie d'Ange", et que je pensais que je pouvais pas être dans les lambris d'un cabinet ministériel et écrire ce livre-là, sur ce personnage-là, que j'aurais trahi le livre, du coup je me suis retrouvé dans la merde financièrement mais j'ai terminé le livre sans trahir, voilà, j'en finirais pas de raconter cet éblouissement de la liberté, de pas se soumettre. Je lis Picsou en allemand. Jean-Luc, tu m'avais envoyé des Etats-Unis cette photo magnifique de Barbara, prise dans un concert, plus tard tu m'avais dit que je ne t'avais pas même remercié et j'en suis bien désolé, parce que la photo je l'ai toujours et je pense à toi, alors cette fois merci, sache-le, nous deux les amoureux d'elle et toi un peu de moi, je me souviens, j'espère que tu me liras. Je n'écris pas pour faire rigoler la galerie. Folsom à Berlin, quand je vois certains mecs dans la rue, plus tout jeunes avec leurs shorts en cuir et toute la panoplie, je me dis que c'est quand même pas pour ça que moi je suis entré en homosexualité, et même si je serais le premier à les défendre si on les attaquait, mais je vais pas mentir, et pourquoi d'ailleurs que je suis entré en homosexualité, sûrement parce que l'important c'était d'aimer, et parce que déjà à vingt ans, j'étais accroché à ce que c'est la jeunesse, celle des garçons. Jamais eu un été pareil à Berlin en huit ans, presque la mi-septembre et il fait chaud sans discontinuer. Je n'ai jamais trié par le diplôme ou l'argent, peut-être parce que les garçons que je rencontrais venaient de partout, mais pas seulement, et d'ailleurs ceux qui ont de l'argent sont pas toujours beaux à voir, et ceux qui ont des diplômes pas toujours intelligents, par contre je le confesse, je triais un peu sur le physique, mais je ne suis pas un saint. Que de mystères, je viens de lire un article sur un homme d'il y a 2 millions d'années, 2 millions d'années ! et nous avec nos bonheurs, nos tragédies et qui continuons comme ça, pour la beauté du geste, j'préfère pas trop y penser, ça me dépasse. Sans la volonté y a rien, pas de vie. Jimmy. ©
septembre 2016 : les flics je les ai toujours détestés, essentiellement, sauf peut-être en Espagne (de nos jours), mais comme on dit ma pauvre dame on peut de moins en moins s'en passer, on en est là. Berlin l'été, c'est des petits golfs miniatures, c'est des gens allongés partout sur tout le vert qu'il y a partout ici, c'est des lacs en plein milieu de la ville qui ressemblent parfois à Apocalypse now, ou à la montagne l'été avant comme Saint-Sauveur, quand j'étais petit et que je mangeais du pain avec des carrés de sucre pour le goûter dans le jardin de l'hôtel qui descendait vers le gave et que maman était là. Je suis fasciné par les rêves, je rêve beaucoup, j'ai un monde parallèle inexpliqué dont je me dis qu'il doit avoir un rapport avec l'au-delà, et j'ai dit à l'Ange, on a des iphones, on a des guerres virtuelles, on guérit des maladies, on est presque tout-puissant mais sur ça on a pas avancé d'un pas, sur les rêves, ce que c'est, les rêves ça dérange ceux qui croient tout expliquer, ceux de l'explication scientifique, les rêves ça leur est inaccessible. La radio est devenue bien ordinaire, avec tous ces gens au téléphone qui donnent leur avis sur tout et n'importe quoi, leur avis ça m'intéresse pas, rien à voir avec les gens qui appelaient Macha autrefois, parce que eux, ils parlaient d'eux, ils donnaient pas leur avis sur les centrales nucléaires, ils parlaient de leur dedans, de leur vie et c'était souvent magnifique, surtout avec Macha à l'autre bout de la ligne. Baptême en Espagne, avec la famille espagnole, devant la mer, je m'ennuie, je pense à ma mère à moi, je prends mes cliques et mes claques et je file à l'anglaise, je me sens triste, puis je me dis que je peux pas partir comme ça, je reviens, je parle avec l'Ange, on va fumer dans un coin, je lui parle et il comprend, il me remonte le moral, du coup je reviens et je parle à tout le monde et tout va bien. Cette injustice, partout. Que je reste révolté, que l'Ange soit ma révolte. Toujours croire qu'on a raison en sachant qu'on n'a pas toujours raison. Les vrais héros sont anonymes. L'Ange et moi on dit souvent "tu te rappelles quand… ?", quelquefois même pour des choses qui se sont passées il y a dix minutes, en fait on est de grands rappeleurs. La chose la pire au monde, c'est les versions doublées des films. Parfois sans le vin, la vérité resterait dessous, elle ne remonterait pas à la surface. Je sais pourquoi Barbara est morte, elle est morte de ne plus pouvoir nous revenir sur scène, et elle est morte d'eux, les garçons du sida qu'elle a veillés et veillés encore parce que sinon ils étaient abandonnés à la mort, elle est morte de la mort d'eux, à force, je le sais. Je l'aime bien mais Isabelle Huppert en fait c'est l'actrice des bobos, tous les bobos l'adorent, ce qui n'est pas le cas par exemple d'Adjani que je place bien au-dessus, même si, et justement, elle tourne moins maintenant. Sonia Rykiel vient de mourir, j'avais offert à maman un beau foulard d'elle, je la revois. Bon, je m'aperçois que tout le monde finit par mourir, tu en doutais ? Jimmy. ©
août 2016 : juste agir de manière humaine, c'est trop demander ? Quand j'étais au collège, mes rédactions ne cassaient pas la baraque, on écrit pas sans une vie et moi à l'époque, de vie j'en avais pas, ma mienne de vie. La mort d'Elie Wiesel, Mark avait lu son livre "La nuit" et avait écrit que c'était un livre qui empêchait de dormir, mais je n'ai jamais lu "La nuit", j'ai peu lu sur ça, et c'est pourtant ce qui aura porté une bonne part de ma vie, à commencer par mon premier roman, "Vie d'Ange", mais j'ai peur de lire, parce qu'en même temps, j'ai l'impression mal définie de savoir, et même davantage, je ne peux pas en dire plus, c'est en moi, ça l'a toujours été. Dans un autre genre et le même jour, Michel Rocard est mort aussi, mais lui, je l'ai jamais aimé, moi j'aimais la grandeur, le machiavélisme et le talent de l'autre (on saura de qui je parle), la pureté en politique je n'y crois pas, non, on se salit les mains, et Barbara aussi c'est l'autre qu'elle aimait, le dernier roi.
Il y a plus de larmes versées sur les prières exaucées que sur celles qui ne le sont pas (Thérèse d'Avila). J'ai toujours dit que je n'avais pas la culpabilité du survivant, mais est-ce si sûr. L'histoire du sida des années 80, je ne l'oublie pas, même quand elle n'est pas là elle est là, pourtant tout est fait pour que j'oublie, les gens ne veulent pas en entendre parler, et même s'ils voulaient ils ne comprendraient pas, et si j'étais à leur place je ferais pareil, parce que la vie fonctionne comme ça, sans l'oubli on serait tous ensevelis de désespoir, et même si avec l'oubli on s'en sort pas mieux et plutôt pire, l'oubli c'est la mort. Je raconte une histoire à l'Ange, il me dit, oh my God ça fait 100 fois que tu me la racontes, oui bon d'accord mais en vingt et un ans de vie ensemble, j'ai quand même le droit de radoter un peu merde. Devant une église à Berlin ce dimanche, des tables, à manger et à boire, des stands, petit j'adorais les kermesses, je suis comme elle, les fêtes foraines, le perlimpinpin. A Paris, quand la nuit je sortais au Trap, rue Jacob, après ma bière je montais le petit escalier en fer qui conduisait à l'étage du dessus, sombre, où j'allais me mélanger avec mes petits frères d'amour, de là-haut on entendait les videos qui passaient en bas, il y en avait notamment une qui repassait en boucle avec une grosse pute dans un bordel qui répétait sans arrêt
"je suis toute en feu, qui veut m'éteindre ?" Dans "Le journal d'un curé de campagne", de Bernanos, que nous aimions tous les deux, Hervé et moi, il y avait notamment cette phrase, 'tout est grâce', mais la première fois qu'il l'avait entendue, Mark avait compris, 'toutes des garces', ce qui n'est pas faux non plus. Promenade des Anglais, Barbara disait déjà il y a vingt ans que le journal télévisé, c'était le western. On frappe à la porte, des filles qui veulent nous parler religion, j'ai rien contre Dieu mais je déteste le prosélytisme, je referme ma porte. Si la vie c'était que faire la vaisselle et mettre ses chaussettes, ça serait pas rigolo. Tu imagines, me dit l'Ange, si Berlin n'avait pas été détruit, comme ce serait beau, rien que de vieux immeubles magnifiques comme ceux qui restent encore, oui bien sûr, je dis, mais Berlin ce sont aussi surtout ses cicatrices. Jimmy. ©
juillet 2016 : il faut arrêter de demander aux gens, comment ça va ? c'est absurde, même quand on est au fond du trou on répond, ça va. Long article sur Gérard Depardieu, dernier paragraphe intitulé 'la présence éternelle de Barbara'. Ils disent le contraire mais ils prennent le peuple pour des cons, plus que jamais, plus ils valorisent le peuple dans leur discours, plus ils le méprisent de fait, sinon ils feraient pas des sondages aussi stupides que de lui demander si ceci ou cela, sinon il n'y aurait pas à la télévision ces émissions pourries, etc. D'ailleurs j'en ai par-dessus la tête de ces sondages, il n'y a qu'en France que ça existe à ce point, putain mais qu'est-ce qu'on s'en fout de ce que pensent les Français. J'aimerais retourner me balader dans les allées du Père-Lachaise. Ces commémorations franco-allemandes deviennent ridicules. Ces parents dont les enfants sont toujours les plus beaux, les plus intelligents, les plus doués, m'ont toujours assommé. Il y a entre moi et les soi-disant intellectuels homosexuels qui font la pensée, il y a entre eux et moi, un vrai fossé, et un malentendu, ce ne sont pas ma famille, je la connais ma famille, pas ça. Dans le premier livre de son autobiographie, 'die Ursache', Thomas Bernhard parle de son enfer dans l'internat pour adolescents pendant le national-socialisme, et il raconte aussi comment le matin, pendant la toilette, les plus forts et les brutaux avaient toujours le dessus sur les faibles qui étaient contraints de se laver en dernier ou pas du tout, arrivaient en retard à l'étude et en prime se faisaient gifler par le directeur sadique, bref toujours la même histoire. Je ne cherche pas à écrire bien, je cherche que ce que j'écris me ressemble. Avant d'y vivre, quand on venait à Berlin, on descendait dans un hôtel pas mal, près du Tiergarten, depuis quelques temps cet hôtel sert d'accueil à des réfugiés, quand on passe on les voit, assis devant l'hôtel, sur des chaises et des fauteuils, beaucoup d'enfants, moi je suis plutôt heureux que Berlin les accueille comme ça, ce qui serait inconcevable à Paris. Virée à Budapest avec l'Ange, ces pays au passé monarchiste en ont toujours la nostalgie, y compris la France dans le fond, il faut dire que ce qu'il reste des rois ou empereurs n'est pas le plus moche, le soir quand tu marches tout au long du Danube, ou la nuit sur le fleuve, mais ce n'est beau que parce que je suis avec l'Ange,
la beauté, on dit qu'elle est dans l'œil de celui qui regarde (Holy motors), parfois le Danube ressemblait à certains de mes rêves, il y a toujours de l'eau dans mes rêves. Ça y est, on gave de nouveau le peuple, on l'opium-ise, le foot est de retour, avec la bière et les cris, vive la France. Ah oui à propos, j'ai désormais ma chaîne Youtube, à mon nom et avec des extraits de mes romans, et aussi une lettre à Barbara (parlée). Je n'ai jamais aimé le Ne me quitte pas de Brel (j'aime ses Vieux amants), l'ombre de ton chien et puis quoi ! C'est vrai que dans ce monde-là, quand on regarde, ces enfants par exemple, les réfugiés, leurs visages, c'est vrai que souvent on a honte de vivre, comme disait ma murmureuse. The show must go on. Jimmy. ©
juin 2016 : l'égalité me débecte, je suis pour la justice, pas pour l'égalité. Et maintenant Polnareff qui remonte sur scène, à cet âge il ferait mieux de juste faire des disques et plus de scène, en plus il est tellement moche. Au printemps à Berlin tu sens l'odeur de l'herbe coupée, comme quand j'étais petit. J'aime les personnes à part entière, pas les copies, pas les formats, et en musique je n'ai jamais été vraiment attiré par les groupes, petit non plus, toujours préféré les solistes, les individus, Judy, Amy ou Billie, pour ne pas parler de la femme qui chante. J'adore Emily VanCamp de la série Revenge, elle me rendrait presque hétérosexuel. L'Ange aussi est un peu orphelin d'elle, je le sais, nous parlons souvent d'elle, jamais tristement. Je suis avec une amie dans l'ascenseur, elle dit, oh quelle odeur ! tu sens ? en fait elle vient de péter et elle se scandalise de l'odeur sans dire que ça vient d'elle, c'est bien la vie ça, on se scandalise sans cesse des odeurs dont nous sommes la cause, les sales odeurs de la vie dans lesquelles on baigne sans même plus se rendre compte que ça pue. Cette nuit comme j'arrivais pas à dormir je me suis replié dans le salon et j'ai fini par m'y endormir, quand il s'en est rendu compte plus tard dans la nuit, pour me remplacer à ses côtés il a pris dans ses bras notre peluche de l'hippopotame, parce qu'il trouve que j'ai un peu la gueule d'un hippopotame à cause de mes petites oreilles. La bêtise me porte sur les nerfs, et comme qui dirait dans ce monde-là, je suis servi. Avec l'Ange on emploie souvent le mot 'incroyable', par exemple j'ai qualifié la Chinoise qui tient le kiosque à journaux en face de mon café du dimanche de 'Chinoise incroyable', ou quand on décide de faire du poulet à dîner, ce sera un 'poulet incroyable', etc., etc. J'aime le sommeil et mes rêves mais je n'aime pas trop m'endormir. Rester dans sa cohérence, seulement ça. Je ne joue pas un jeu, je joue le je. Le silence c'est l'antichambre de l'indifférence, c'est la lâcheté, la facilité, on me la fait pas sur ça. Cette histoire de l'inspiration c'est des bêtises, moi j'ai commencé à écrire quand je me suis rendu compte qu'il ne me restait plus que ça à faire, que je serais jamais comédien ni rien, alors écrire, et puis je l'ai annoncé à Hervé et maman que je voyais à déjeuner ce jour-là, la vie c'est souvent prosaïque, le grandiose ça se construit. L'Ange appelle 'Le dernier nabab' de Fitzgerald, que je suis en train de relire, 'Le dernier nibard', il est un peu bête des fois mais j'aime ça. Sondage : une majorité de Français considèrent que les centrales nucléaires sont sûres, il ne reste plus qu'à faire un sondage pour leur demander si Dieu existe et on sera bien avancé. Berlin l'été ressemble à un campus américain. C'est un beau mot, chagrin. Un homme sur son vélo, le visage brûlé. Tu me manques, ta main, sur ma joue.
on ne se blesse pas qu'à vos champs de bataille (Barbara,
à mourir pour mourir). Quand tu flanches devant le poison de la vie, tu prends ton vélo et tu pars enculer Berlin jusqu'à l'émerveillement. Jimmy. ©
mai 2016 : je suis du côté des fragiles, pas des violents, alors qu'ils se débrouillent maintenant avec le résultat de leurs lâchetés. Mireille Mathieu a perdu sa mère et elle doit être bien malheureuse, Mathieu je l'ai toujours défendue, depuis toujours, contre les imbéciles de tous bords qui pensent là où on leur dit de penser, et je signe, c'est une femme extraordinaire, et une immense artiste, et je le dis moi qui ne jure que par Barbara. Ça y est, j'ai le titre de mon roman, ah j'ai peiné jusqu'à le trouver. Avec mon œil qui voit pas je me cogne partout, je vais finir par rentrer dans une grosse Allemande dans la rue, je mérite de plus en plus le surnom de Cloche que m'a donné l'Ange. Un jour j'avais accompagné le ministre dont j'étais l'attaché de presse à Orly, dans sa voiture de fonction, puis je l'avais laissé s'envoler vers sa province, j'étais reparti avec la voiture de fonction, le chauffeur et le garde du corps, j'avais rendez-vous avec Hervé pour déjeuner et j'étais en retard, j'ai dit, j'ai un rendez-vous important, alors ils ont mis la sirène et je suis allé vers Hervé à toute allure, avec les pinpons, mais je n'avais pas menti, rien n'était plus urgent que de retrouver Hervé. L'Ange me dit à propos de Willy Brandt, c'est incroyable l'aura qu'il a pour le peu de temps qu'il a gouverné, je lui réponds que c'est tout le temps comme ça, même pour les artistes, on vénère ceux qui ont des carrières courtes ou qui meurent jeunes, les autres, ceux qui durent et se tapent toutes les saloperies de la vie, on leur crache dessus, ah misère. Innocent et méfiant à la fois, ça fait la balance. On dit que le quotidien tue l'amour mais non, justement aimer se trouve là, se conquiert là, dans les choses de chaque jour, si aimer ne se construit pas là c'est un leurre, le quotidien ne tue pas l'amour il le met à nu, et il ne tue que le non-amour. Quand on se disputait elle et moi, quand ça tournait à l'incompréhension et le trop plein d'amour et de tout, on disait après qu'on avait eu notre Sonate d'automne elle et moi, comme dans le film, et ça oui on a en a eu des sonates d'automne, et des printemps encore davantage où tout refleurissait entre elle et moi. Après deux mois passés à Madrid, je redécouvre Berlin, et je m'en éblouis, et j'en retombe amoureux. J'ai retrouvé la sensation exacte que j'avais à 22 ans quand j'écoutais une certaine chanson de Barbara, la même, intacte, le temps n'y a pas de prise. Dans Le rouge et le noir, Julien à la fin du livre appelle la mort vers qui il va "le grand peut-être". Je lis 'The easter parade' de Richard Yates, dans une page il parle d'un hôtel, le Roosevelt, à New York, et je me suis rappelé quand adolescent je descendais avec elle à l'hôtel Lutecia, elle voyait parfois des amies d'enfance à déjeuner dans le restaurant de l'hôtel, moi j'avais quinze ans, et je découvrais mon amour ravageur pour Paris. Toujours sur mon vélo à Berlin, je chante.
chacun sera servi mais c'est moi qui choisis (Barbara,
moi je me balance). Je voyais la photo d'Obama avec le fils du prince à Londres, le Président accroupi à ses genoux et le petit prince adorable en peignoir de bain, et je pensais aux autres enfants devant qui personne ne s'agenouille. Merveille de connaître l'Ange au-dedans et savoir qu'il restera toujours à connaître… ah ces gens qui te disent sans douter de rien, je te connais. Printemps j'attends. Jimmy. ©
avril 2016 : En fait chaque roman porte en soi sa longueur idéale, qui n'est pas toujours celle finale. Terminer le premier jet d'un roman c'est l'accouchement, et après, travailler le texte, corriger, c'est l'éducation de l'enfant, on fait ce qu'on peut pour qu'il vous ressemble, mais aussi pour qu'il se ressemble à lui-même. Ce grand malheur que les autres ignorent dans leur ignorance du malheur et qui est aussi notre fierté d'y avoir fait front.
ils parviendront au pouvoir ; mais à quel prix, grand Dieu ! (Stendhal,
Le rouge et le noir). Vu à la Berlinale le documentaire sur Mapplethorpe, où on y parle aussi de son envie dévorante de célébrité, moi aussi l'envie de renommée je l'ai toujours eue, mais pas à n'importe quel prix, j'ai en fait sacrifié l'ambition de la renommée à celle de la liberté, dès qu'il fallait sacrifier cette liberté, je leur tournais le dos, quelquefois sans même savoir que je choisissais, j'ai su après, le choix, et aussi son prix. Sur notre lit à Berlin il y a deux peluches, un crabe et un hippopotame, toujours ensemble sur le lit, mais il y a peu j'avais emmené le crabe pour le laisser à Madrid et l'Ange m'a dit que j'avais mal fait parce que maintenant l'hippopotame allait se sentir seul, ce en quoi en y réfléchissant il a raison, et donc j'ai ramené le crabe à Berlin illico presto, je suis cruel parfois. Ce qui m'a porté, toujours ç'a été ça : ne pas devenir comme eux. Venons de voir avec l'Ange le documentaire sur Janis Joplin et en le voyant, on découvre que l'hôtel où elle est morte, c'est notre hôtel incroyable de Los Angeles où l'on a passé huit jours inoubliables l'an passé, notre Highland Gardens Hotel hanté par Janis sans que nous le sachions et qui nous ressemblait. Cette nuit, j'ai rêvé que j'étais dans une voiture que conduisait je crois mon père et à un moment on a traversé la Seine, avec la voiture et sur l'eau, on a roulé dessus, sans sombrer, parfois j'ai comme ça des rêves, rarement mais parfois des rêves avec des lieux, des couleurs qui sont comme si je touchais le paradis, mais je n'ai pas vraiment de mots pour décrire ça. Ceux qui te racontent pleins de sagesse que la seule vie qui vaille est la vie faite pour les autres, m'amusent, on a rien à donner aux autres si on ne donne pas aussi, et d'abord, à soi-même. Quand j'étais petit garçon je regardais les petits garçons, quand j'étais adolescent je regardais les adolescents, et quand j'étais jeune homme je regardais les jeunes hommes, je me suis arrêté là, les hommes mûrs ç'a jamais été mon truc. Entendu dans un document d'archives Marcello Mastroianni dire qu'il ne croyait pas qu'après la mort il y eût quoi que ce soit, mais qu'est-ce qu'elle en sait, cette grande autorité des choses de l'au-delà ! je suis comme Mark, je déteste les certitudes de ceux qui croient comme de ceux qui ne croient pas. Jimmy. ©
mars 2016 : souvent je me contrôle en pensant au moment d'après, tu sais le fameux moment d'après, vautré, mal, sans plus aucun désir, je me contrôle pas pour me contrôler, ce qui m'a toujours paru misérable, je me contrôle pour pouvoir recommencer. Bon, je ne suis plus le printemps ça c'est sûr, pas non plus encore l'hiver faut pas pousser grand-mère, alors l'été ? hmm… l'automne ? je détesterais être l'automne (encore que c'est parfois si beau), alors j'ai trouvé, ce que je suis vraiment : je suis l'été indien. On me dit, machin est un grand avocat, machin dirige la compagnie truc, et moi ça ne m'impressionne pas du tout, jamais ça ne m'a impressionné, ce qui m'impressionnait et qui me glaçait c'est que ça impressionne les autres, moi les fonctions m'ont jamais impressionné, seulement les personnes, les personnes à part entière m'ont toujours impressionné. Mon Léo a enfin son oscar même si ça fait longtemps qu'il est peut-être le plus grand acteur de la planète. Le garçon qui joue du saxo dans la rue, je lui donne un euro, il me remercie en me disant merci Monsieur, je n'aime pas trop quand on me dit Monsieur, en même temps Madame ça ferait bizarre aussi. Charlotte Rampling nominée aux oscars pour '45 years', magnifique, encore plus magnifique avec l'âge (prends-en de la graine JM). Des fois je la provoquais, je lui disais quand on regardait la télévision ensemble et qu'on y voyait un beau garçon, oh j'ai envie de l'embrasser sur la bouche, des choses dans le genre, elle disait, oh Jean-Michel, mais elle aimait ça que je la provoque, avec le temps elle était devenue moins bourgeoise et même plus bourgeoise du tout, elle était devenue elle-même. La cruauté de ce monde m'a toujours terrifié, depuis le début, depuis le début la violence de ce monde m'a révolté, cette violence pour rien, juste parce que t'es pas comme les autres, c'est pour ça que quand pour la première fois j'ai écouté Perlimpinpin j'ai su que c'était moi, à l'époque je me disais que la seule révolution c'était la tendresse, c'était pas naïf, c'était vrai. J'adore l'expression 'ptit branleur', ou 'ptit pédé'. Je me demande si le fait que Hervé et Mark soient morts à 35 ans ne m'a pas fixé à cet âge. Michel Tournier est mort, lui à 91 ans, il en avait marre d'être vieux et d'être diminué, c'est Hervé le premier qui m'avait parlé de lui et de son roman 'Les Météores' avec cette histoire des deux frères inséparables dont l'un voulait fuir l'autre et son emprise, histoire dans laquelle Hervé voyait, comme il me l'avait écrit, 'un minuscule quelque chose de nous'. S'enfoncer dans Berlin avec son vélo est une expérience unique, que l'on ne peut que faire à Berlin, une expérience quasi métaphysique. J'attends devant le distributeur de billets, devant moi une femme qui tire de l'argent, elle a un chien et un petit sac plastique à la main avec la merde du chien dedans, moi j'attends avec un petit sac plastique avec à l'intérieur deux pâtisseries, bon appétit. Depardieu est gros mais ce n'est pas un porc, peut-être un voyou mais pas un porc, et à côté beaucoup de gens pas gros qui eux sont de vrais porcs, la condition de porc ce n'est pas une question de poids, pas toujours. Ça fait toujours drôle quand on s'aperçoit qu'on n'est pas Dieu. Jimmy. ©
février 2016 : Michel Delpech, ses chansons, il y en a tellement, Rimbaud chanterait, Je pense à toi, Laurette,
on y retournera, pour ne pas l'oublier, Laurette, je me rappelle je l'avais croisé un jour au Rond-Point des Champs-Elysées, il était avec un type de la radio que je connaissais, je lui avais dit deux mots, je m'en souviens bien. Anniversaire de la mort de Mitterrand, JMI au grand homme reconnaissant. Moi aussi de la fenêtre de mon royaume je vois un lac, je relis L'idiot, il y a longtemps j'avais joué le prince Mychkine, en présentant mon monologue à la télévision le présentateur avait parlé de la grandeur et du pathétique du prince Mychkine, ce qui me va assez bien, ma vie passée entre la pathétique grandeur et le pathétique grandiose. Si on a rien à dire dans son journal, on se force, on se met devant son écran et on y va, ça vient toujours. Je ne parle pas beaucoup de politique dans ce journal et pour cause, la politique ça m'a toujours plu, avec Hervé on se faisait des soirées électorales avec vin et bouffe, et avec l'Ange aussi, mais la politique dans un journal c'est vulgaire, on émet des opinions bizarres que les imbéciles malinterprètent, alors non, pas de politique ici, Mitterrand c'est différent, c'est de l'art, mais basta de la nostalgie, la nostalgie je me la garde, c'est pas pour vous. Mon anniversaire approche, s'il pouvait un peu me lâcher celui-là. J'aime quand on m'appelle 'mon JeanMichel', maman m'appelait JeanMi mais c'était son privilège, quant à l'Ange ça varie, souvent il m'appelle 'La Cloche', parce que suis souvent un peu cloche, surtout avec mon œil qui voit pas. Barbara disait qu'elle 'vigilait' depuis qu'elle avait pris conscience de l'injustice, même l'injustice face à la mort, ceux qui ont des enterrements reluisants et ceux qui meurent seuls, et moi je me dis que je dois vigiler ma révolte, la révolte c'est pas inné, pas autant qu'on croit, Barbara est pour beaucoup dans ma prise de conscience autrefois de ce qu'est l'injustice de la vie même si toujours, même enfant, je la voyais l'injustice, et aujourd'hui je sais que si je n'entretiens pas cette révolte, j'échouerai, 'ne jamais s'accoutumer à la souffrance et à l'injustice' comme l'a écrit Mark, et pour moi le meilleur vigilant de la flamme c'est l'Ange, parce qu'aimer te rend encore plus conscient du malheur autour de toi, sans mon amour je ne
verrais pas. Paris m'a accouché, Madrid m'a recueilli, Berlin m'a gardé tel quel. Voir quelqu'un qu'on aime manger seul, quelquefois à son insu, c'est toujours émouvant. On couche toujours avec des morts, chante Léo, oui, et maintenant David Bowie, j'étais pas un fou de sa musique mais bien sûr je l'aimais bien lui, qui a vécu à Berlin où il a composé un des morceaux que j'aime, Heroes, et il y a aussi Modern love dans 'Mauvais sang' de Leos Carax, et puis surtout il y a ce film avec Deneuve et Susan Sarandon, 'Les Prédateurs', film que j'ai adoré, bien sûr puisqu'il traite de ce qui me poursuit, l'immortalité ou l'éternité, je confonds un peu les deux même s'ils sont distincts mais bon, pour lui maintenant l'immortalité ce sera autrement, quant à l'éternité, à moi de voir. Jimmy. ©
janvier 2016 : ils buvaient de l'absinthe comme on boirait de l'eau, l'un s'appelait Verlaine, l'autre c'était Rimbaud, pour écrire des poèmes on ne boit pas de l'eau (Barbara,
L'absinthe). On écrit toujours sur la jeunesse, le reste est emmerdant. Madonna et moi, même combat, on a le même âge et on est pas mal hein. Avec l'Ange on a un petit jeu, je lui dis comme ça en marchant ou dans l'appartement, tu es heureux ? et lui il répond toujours, 'avec toi', et même comme on a aussi un jeu qui consiste à rajouter un l à la fin des mots, il répond souvent, 'avec toil', mais ce n'est pas un jeu. L'Ange encore, qui est imprégné de culture française, a dit (on venait d'acheter un jus d'orange pour le ramener à l'hôtel, et le jus d'orange était bien frais) il a dit, parodiant la mère Denis, c'est ben frais ça ! Hier je lui ai dit, je suis tellement vivant que des fois c'en est insupportable. Voilà c'est tout, nous passons quelque temps à Madrid dans notre royaume, et comme je continue à écrire mon roman, j'écris moins ici, j'avance dans mon texte en tentant de préserver l'énergie que c'est d'écrire, en même temps écrire quand tout s'agite autour de vous, c'est bien aussi, on écrit pas dans le confort ni en ayant tout le temps pour ça, on donne le temps à l'écriture, on la privilégie, on l'empêche d'être polluée par les autres, même et surtout quand ce sont ces autres sur lesquels on écrit. Ecrire, c'est toujours écrire contre ce qui empêche d'écrire, c'est-à-dire à peu près tout. Ce n'est peut-être pas clair ce que je dis là mais on s'en contentera et qui veut comprendre comprendra. L'année se termine, sacrée année pour nous deux, on épargnera les détails au lecteur mais sacrée année, aux lecteurs au pluriel j'espère, qui me lit ? ah chers lecteurs inconnus, je me disais récemment que ce qui compte dans une vie c'est l'intégrité, rester intègre, contre ce qui corrompt et vous éloigne de soi. Non, j'étais pas aux ordres de la vie, et je le reste, c'est mon histoire celle-là, de moi et la vie, drôle de couple nous deux, je la connais la garce, depuis le temps, on ne se déteste pas, on guerroie, on se prend, on se donne, et quand je suis vainqueur c'est souvent un vainqueur fragile, un vainqueur abîmé mais l'Ange, oui l'Ange est là, et la vie contre nous n'en mène plus large, la vie sait depuis longtemps qu'aimer est son principal, son seul, ennemi, aimer remet la vie à sa place, la rend petite face à l'éternité des amants, cette éternité à refaire chaque jour, comme une œuvre, comme une preuve de notre existence, comme un salut, un doute magnifique. Je radote encore, et je trinque aux amants, je trinque à ma mère, à Hervé, à Mark, à mes 'zèles aimants' comme disait Mark, à ma Barbara et au mal de vivre, je trinque à mon amour, difficile, douloureux et unique, il y a nous et les autres mais les autres n'existeraient plus sans lui, sans mon amour. Je n'ai pas encore le titre de mon roman. A Madrid je dis que je m'appelle Miguel, ah tellement de noms ! et à Berlin ? Oh Berlin ! notre ville, ma survivante. Nous sommes d'un seul pays, venez y faire un tour, nous sommes accueillants justement parce que ce pays est le nôtre et de personne d'autre. Compris ? Il faut lever la tête haut, au figuré comme au propre. Être arrogant face à l'arrogance de la vie. Happy new freaking year. Jimmy. ©
décembre 2015 : la vie d'artiste. pas de doute, il y en a pour qui faire chier le monde est un passe-temps. Suis jamais vraiment arrivé à détester des gens, toujours trouvé que c'était leur donner de l'importance que de les détester. Aux dernières nouvelles la charcuterie serait cancérigène, à force de tout nous interdire, nous, on ne va plus rien s'interdire, le bon côté c'est que, lorsqu'un emmerdeur nous dira que fumer n'est pas bon pour la santé, on pourra lui répondre, occupe-toi de ton saucisson. Quand je vois une belle famille, père, mère avec deux enfants, maintenant je m'attendris, forcément, souvenirs, j'espère quand même que je vais pas devenir comme ses vieilles gagas qui sourient aux enfants et leur donnent des bonbons. J'ai lu 200 pages de Au plaisir de Dieu de Jean d'Ormesson, je croyais que ça me plaisait mais à un moment j'en ai eu ma claque, ça me déprimait et c'était pas si bien écrit que ça, ou trop bien écrit, ce qui est pareil. Je ne parle pas souvent ici de mon père, et pourtant. Parfois je vois un garçon et je me dis, oh je l'adore, et puis je me rends compte que c'est une fille, alors je ne l'adore plus du tout. C'est drôle ils m'auront publié pour L'Insecte, c'est-à-dire pour le seul livre où je ne parle pas vraiment de moi, quand il s'agissait de moi, de mon univers, ils me refusaient, toujours suscité ça, la peur, l'attrait et puis la peur, et d'un côté ça ne me déplaisait pas, jamais été comme eux, il y a eu Hervé et ça m'a suffi pour être moi, et Mark et Barbara, on était semblables, et surtout il y a eu l'Ange, le seul qui m'a aimé, aimé vraiment et totalement, sans peur et comme je suis. Le seul mystère ce n'est pas la mort, ni la vie, c'est l'amour. Une des choses vraies qui a été dite au moment de la mort de Barbara, c'est qu'elle n'avait pas créé de style, parce que oui, il n'y a qu'une Barbara et n'y en aura jamais qu'une, qui peut en dire autant, à peu près personne. L'Ange me dit qu'il est invité à un anniversaire à Berlin et que Dieu merci il sera à Madrid à cette date, parce que l'an dernier l'anniversaire avait été barbant, mortel, ce à quoi j'ai dit à l'Ange, mais c'est donc impossible aujourd'hui de trouver des gens excitants ! qui te propulsent en haut, des personnes à part entière qui de dîner avec eux tu en redemandes et eux aussi redemandent de toi, en fait non, ce n'est pas impossible, mais il faut reconnaître que ce genre de rencontres, de refaire-le-monde, c'est une des choses des Français, faut me croire moi qui ai voyagé, les Français, pas tous certes mais ils savent parler feu d'artifice, parler d'eux-mêmes et pas de choses extérieures à eux dont tout le monde peut parler, parler de tout et de rien, et rien c'est jamais rien, voilà c'est dit. 13 novembre 2015 : jusqu'où ? Il y a des morts auxquels on attache plus d'importance que d'autres, l'indignation est sélective. Que n'a-t-on parlé autant des morts du sida à l'époque. Moi qui pourtant l'aime bien, surtout chantée par Mathieu, ils commencent un peu à me fatiguer avec leur Marseillaise. Cette fois le monde entier aura entendu le Perlimpinpin de Barbara, il était temps ; cela dit en entendant la chanson chantée dans la cour des Invalides, j'imaginais si elle l'avait chantée là, elle, la chose gigantesque qu'elle en aurait fait, tout aurait été dit et rien à ajouter, parce que Barbara EST cette chanson. Jimmy. ©
novembre 2015 : et ne se battre seulement qu'avec les feux de la tendresse (Barbara,
Perlimpinpin). c'est là que sa mère lui manque, plus pouvoir lui prendre la main, lui dire, ah la vie tu sais, parce qu'elle comprenait ces choses-là sans qu'il ait à expliquer trop, ils avaient déjà tellement parlé, ça lui manque d'être plus son enfant même si il l'est toujours.
Mon amour, ce qui fut sera (Aragon). On veut croire que tous les êtres humains sont beaux, intelligents et qu'il y a toujours quelque chose à en sortir, mais non, il y a aussi beaucoup de gros porcs qu'on me raconte pas d'histoires, et de grosses truies aussi. Oui je le pense, vivre sans aimer c'est pas vraiment vivre, vivre pour l'argent c'est pas vraiment vivre, vivre pour la gloire, pour son travail, non plus, et même vivre pour écrire c'est pas vraiment vivre. Mitterrand c'était mon mec, quand je les vois aujourd'hui, à droite comme à gauche, j'ai envie de vomir. Les années de feu. Elle nous disait de toujours finir notre assiette, de pas jeter la nourriture, de toujours dire merci dans les magasins ; sur ça je l'ai écoutée, moins sur le reste, j'ai souvent fait ma vie contre elle et pourtant, vivre ma vie, pas la sienne, pas celle des autres, c'était ma seule façon de continuer à l'aimer. Si je suis pas sorti de Paris pendant 24 ans, c'est que Paris c'était mes voyages, ceux qui m'ont finalement conduit à l'Ange et lui à moi, et qui ont conduit aussi à nos mille voyages à nous qui font rien que commencer dans cette éternité terrible de ceux qui s'aiment. Quand quelqu'un meurt, tout le monde se l'approprie, et c'est insupportable. Pourquoi tu ne dis rien ? demande Piccoli à Bardot dans Le Mépris de Godard. Je me tais parce que je n'ai rien à dire, répond Bardot. J'avoue que je me réserve davantage à mon roman en cours d'écriture qu'à mon journal. J'aime pas parler d'un roman en cours alors je me tais, mais pas parce que je n'ai rien à dire, plutôt le contraire. Ecrire c'est une énergie, d'abord ça. L'année se termine lentement, l'Ange et moi allons passer un peu de temps dans notre royaume de Madrid mais nous restons Berlinois. En fait je me sens français pour la langue, espagnol pour le cœur et berlinois pour la ville, quelque chose comme ça. Et je suis de l'Ange pour l'éternité. Ajoutons que je resterai toujours le petit parisien que j'étais et voilà, un peu, résumée la situation mais ça peut changer. Ici Merkel est devenue une sainte mais est-ce que le monde est fait pour les saints ou pour les vieux singes à qui on apprend pas à faire la grimace ? L'Ange et moi repartirions bien en Californie si ce n'était pas si loin. On roulerait à nouveau dans la décapotable, ce n'est pas Kerouac qui me démentira : la route c'est la vie.
Rien de ce qui périt n'a de prise sur moi (Paul Éluard). Jimmy. ©
octobre 2015 : la mémoire et la mer. berlin été indien. California hangover. Y a des chanteuses qui perdent leur voix sur la fin et ça reste très beau et d'ailleurs on s'en fout, mais bon elles la perdent vraiment, Barbara c'était pas pareil, elle avait plus cette voix transparente des années 60/70 mais elle faisait sur la fin avec sa voix des choses qu'elle aurait jamais faites avant, des sons, des brisures, des cris, des aigus, oh quelle voix ! et moi à choisir c'est cette voix-là que je prends, qui est d'ailleurs celle de toutes les fois où je l'ai vue sur scène (20), même si bien sûr comme en amour, je prends tout, ça veut rien dire de dire, moi je préférais sa voix d'avant, c'est ridicule de dire ça, c'est la même femme, sans la voix d'avant y a pas celle d'après, et sans celle d'après y a pas celle d'avant non plus, et voilà,
j'ai changé sachez-le mais je suis comme avant. Comme je l'ai dit dans
Undead, il n'y a d'admiration qui vaille que celle qui te rend toi admirable. Je me suis pas fait tout seul. Le mal de vivre n'a d'intérêt que si on croit qu'on est le seul à le vivre, en tout cas celui-là. C'est dans Un thé au Sahara je crois qu'il dit,
tu sais que pour moi aimer, c'est t'aimer. Quand on aime, l'autre ne peut pas résumer toute ta vie, il faut vivre sa vie justement parce que l'autre existe, et qu'importe d'ailleurs : puisque tout est l'autre. Je n'aime ni les flics ni les violents. Avec le temps j'ai essayé de me ressembler de plus en plus, mais il reste encore à faire pour me ressembler vraiment. Sylvie Joly est morte, et voilà, une de plus, elle était magnifique, immense, et la seule avec Jacqueline Maillan qui faisait rire avec élégance, les autres, toutes, sont légèrement vulgaires et puis c'est tout, ah Sylvie Joly, ceux qui ne l'ont pas connue seront passés à côté de la plus belle des femmes, et d'ailleurs elle est toujours là, je l'entends encore. Cette obsession d'être fidèle à ce que j'étais. Aimer c'est difficile, cruellement difficile, mais en même temps vivre sans aimer, aimer vraiment, pas entre deux, pas du bout des lèvres et de la vie, vivre sans aimer c'est pas vivre. Le bonheur que je veux c'est le bonheur conquis et le malheur que j'ai fait mien c'est celui qui m'a donné des ailes. Mais personne a dit que c'était facile, la vie. Voilà, ce mois-ci ai pas eu tant de choses à dire, peut-être parce que j'ai commencé à écrire un nouveau roman. Ai peut-être été aussi un peu trop sérieux mais après tout, je suis pas là pour divertir les manants. Tomber, se tuer, et puis repartir, se dire qu'on se laissera pas faire, être le héros de sa propre vie. Le matin quand je le réveille, en me penchant sur lui, j'entends battre son cœur, et j'en vis.
La marée je l'ai dans le coeur, qui me remonte comme un signe (Léo Ferré,
La mémoire et la mer). Jimmy. ©
septembre 2015 : vert noir. ai cru être condamné à mort pendant deux jours et puis de nouveau condamné à vivre. Je ne regretterai jamais d'avoir écrit L'insecte, tout ce que j'y ai dit est plus vrai que jamais. Quand j'ai dit à ma mère, un jour de Noël, j'avais 20 ans, que j'étais homosexuel, elle a dit, très bien, en fait c'était plutôt très mal mais bon, très bien, on ne veut que ton bonheur mais on en parlera plus, évidemment on en a reparlé et beaucoup et bien d'ailleurs, mais elle était comme ça, elle disait toujours non avant de dire oui. Je suis heureux de ça, que toujours mes amis pensent à Barbara quand ils pensent à moi, toujours. Réécouté aujourd'hui Véronique Sanson, pas mal hein ? 26 juillet, 22 ans déjà. Barbara dit qu'en amour il faut chaque jour étonner l'autre et que ça, c'est difficile, mais elle a raison, sinon mieux vaut ne plus parler d'aimer, étonner l'autre, chaque jour, tu peux d'ailleurs étonner l'autre avec une salade au poulet, ou une phrase magnifique pendant un dîner en tête-à-tête, mais étonner, et chaque jour. Vu le documentaire sur Amy Winehouse, cette voix jazz incroyable, morte à 27 ans, triste parce que fragile, c'est peut-être mieux comme ça, mourir jeune c'est pas toujours la catastrophe qu'on dit même si c'est aussi la seule catastrophe, à son propos quelqu'un avait dit "âme perdue", mais quelquefois une âme perdue en rencontre une autre et perdu à deux, c'est plus pareil. Tu me manques ma belle, même quand je ne sais pas que tu me manques, nos conversations, nos grands moments, et les petits surtout qui n'étaient jamais petits, même tes énervements, tes injustices, cet amour trop grand pour contenir ici. Je me rappelle, c'était début septembre, Hossegor, la fin de l'été qu'on croyait toujours qu'y avait pas de fin à ça, l'été, la plage ce matin-là, j'étais enfant, adolescent peut-être, je me rappelle la mer, je m'en suis toujours souvenu de cette mer-là, elle était vert foncé, presque noire, très calme mais avec des rouleaux incroyables qu'on suivait jusqu'au bord, des rouleaux parfaits, noirs vert eux aussi. Bien sûr j'écoute Amy, ou Judy, ou Mimi, ou Léo, mais toujours je reviens à elle, la femme qui chante, elle gagne toujours, quand je revis, que je redeviens conquérant. Il est beau Tom Hardy hein ? presqu'aussi beau qu'Adam Brody. On fait tous ça, on lutte avec nos vies, avec le poison. Même quand un moment n'est pas complètement réussi avec l'Ange, je me dis toujours, qu'importe, parce qu'avec lui je suis toujours heureux, heureux n'étant pas à prendre dans le sens mièvrement humain qu'en général lui donnent les autres. Sharon Stone, qui a le même âge que moi (bonne cuvée), vient de poser nue dans une revue, bon, avec ses chaussures aux pieds, il faudrait que j'y songe moi aussi, avec ou sans chaussures d'ailleurs. Dans la vie, dans ma vie, je me dis que j'ai été grand pour les grandes choses, mais très moyen pour les petites choses, ces petites choses qui "sont" si souvent la vie, la sale vie, la vie ne m'intéresse que dans la mesure où je vole, heureux ou malheureux, bonheur ou malheur, que m'importe mais voler, au ras du sol je me débats comme un enfant, alors oui j'ai volé, et je volerai encore, mais je me suis beaucoup débattu aussi, mais après tout, si Dieu était sur terre il serait sûrement très déprimé par un compte bancaire, un pneu crevé ou un rhume à la con, par contre il serait grandiose sur tout ce qui tourne autour de la vie, la mort et tout le tralala. C'est ce que je me dis. Kiri. ©
août 2015 : hotel california. adolescent j'avais rêvé qu'un prince charmant me faisait monter dans une voiture décapotable, le rêve était prémonitoire mais je ne le savais pas, l'Ange me conduisait dans notre décapotable dans les rues de Los Angeles, puis sur la route qui remonte à San Francisco, on fêtait nos 20 ans, le voyage a commencé là-bas, à Frisco, on prenait le tram, surtout le F que l'Ange adore, on s'émerveillait des avenues qui montent et descendent encore plus que dans les films, les gens à Frisco sourient et arrêtent pas de parler entre eux même s'ils se connaissent pas, on a croisé beaucoup de cinoques comme disait maman, des tas de cinoques qui se trémoussaient en cadence, croisé ces visages de vieux Noirs qui sont tous des histoires, beaucoup de laissés-pour-compte aussi qui nous faisaient mesurer la chance que nous on a d'être deux comme ça et de s'aimer autant, ce garçon beau au visage qui avait dû être brûlé, je l'ai vu ramasser un mégot par terre alors je suis parti dare-dare lui acheter un paquet de Marlboro, je l'oublierai pas celui-là, on a traversé le golden fucking gate sur notre bus en plein air et on se gelait le cul à cause du fog qui embellit la ville surtout le soir, l'Ange nous avait inventé une amie du nom de Patricia, une conne qui pensait qu'à faire du shopping et qui nous poussait à faire des achats dans les magasins, on essayait de lui résister des fois alors elle était de mauvaise humeur cette conne, San Francisco me donnait envie de changer de vie, une fois de plus, comme toujours quand je suis excité je pissais sans arrêt, je m'étais spécialisé dans les toilettes de Bloomingdale's qui sont très belles d'ailleurs, contrairement à ce que je croyais je me suis pas si mal fait au décalage horaire, à la fin on faisait même des échappées nocturnes, à Mulholland Drive notamment, dans les hauteurs de L.A., on a vu les lumières de L.A. la nuit là-haut comme dans les films, là c'était déjà avec la décapotable, celle qu'on avait louée pour l'arrivée à Los Angeles, l'Ange est un conducteur magnifique, il l'a toujours été, les autoroutes où les gens foncent comme des sales brutes, et dans les rues de Beverly Hills, partout, on était dans un hôtel où y avait tellement de beaux garçons qu'on trouvait ça bizarre mais on allait pas se plaindre, et Hervé qui continuait à nous protéger, sur l'autoroute je le lui disais, veille sur nous mon Hervé, ce voyage c'était comme un voyage dans le voyage de nous deux, c'était émouvant de s'entendre aussi bien l'Ange et moi, on s'est toujours terriblement bien entendus dans les voyages aussi nous deux, l'Ange a dit qu'il fallait donner du thon au thon, ce qui nous a faits vraiment rire.
the last tycoon. on a visité la mairie de San Francisco, en hommage à Harvey Milk, et au Castro aussi à Frisco on a repensé à Milk, je pensais à toutes les luttes des gays de mon époque et je me disais qu'on s'en était vu pour arriver là, on logeait là-bas, au Castro, une nuit on est allé revoir Les dents de la mer dans le théâtre Castro, sûrement le plus beau et le plus ancien cinéma que j'ai jamais vu, on a acheté des livres, moi qui aime la littérature américaine, et puis surtout à L.A. on a fait le plein d'histoire du cinéma, on les a tous visités les studios, Universal, Paramount, Warner Bros, Musée du cinéma, yes yes yes, on a traversé le couloir d'Hannibal Lecter, la fameuse grande porte de la Paramount, celle de Gloria Swanson dans Sunset Boulevard, et puis on a fait des montagnes russes, à l'époque de mon voyage quand j'avais 20 ans, j'avais fait le plus grand rollercoaster du monde, le Colosus, qui est d'ailleurs toujours le plus grand aujourd'hui, mais là c'était à Santa Cruz, Boardwalk, comme dans la série de Scorcese avec Michael Pitt, je suis moins courageux pour ces choses qu'à 20 ans mais l'Ange voulait monter dans le rollercoaster, alors j'ai fait comme Barbara : j'ai peur mais j'avance quand même, j'ai hurlé pendant tout le tour, mais ça j'ai toujours crié dans les montagnes russes, les filles derrière nous elles ont complètement oublié le rollercoaster, elles étaient fascinées par mes cris, à la fin elles m'ont demandé si c'était ma première fois, Jesus ! j'ai répondu que certainement pas, que j'avais fait le Colosus, du coup elles l'ont bouclé les salopes, au retour sur le chemin vers San Francisco on s'est arrêté à Morro Bay, un splendide petit trou au bord du Pacifique où j'ai trouvé un barbier qui fait que les coupes au rasoir et qui existe depuis Pearl Harbour, on se serait cru dans le film Nebraska avec Bruce Dern, et puis on est revenu, à l'heure où j'écris tout ça il est presque cinq heures du matin et je suis toujours réveillé, Jesus !, à Santa Cruz sur la promenade on a rencontré deux garçons qui nous ont demandé si on était des frères comme eux, j'ai dit qu'on était "lovers", ils ont dit qu'on avait l'air de frères, on a fumé ensemble des clopes sans se soucier des interdictions de fumer en Californie qui sont pas la joie ça, et à la fin on s'est tous pris dans les bras pour se dire au revoir, on est revenu donc, on a laissé la décapotable, mais on s'est pas laissés nous, on recommencera, parce que la vérité c'est que ce voyage pour moi c'est lui, l'Ange, on s'émerveille toujours l'un de l'autre et plus que jamais, on l'a pas volé, le lendemain du retour c'était son anniversaire. Et d'autres choses encore que l'on garde pour nous. Voilà, tu la connais l'histoire. JeanMichel ©
juillet 2015 : I'm coming out. Je viens de réaliser que moi qui ai vu Barbara vingt fois sur scène (en fait vingt et une), la dernière fois, celle que je ne savais pas que ce serait la dernière, ce fut avec elle, ma mère.
Il n'y a pas de bonheur dans le confort, le bonheur s'achète au prix de souffrances (Dostoïevski). Elle avait l'habitude de m'envoyer des articles de journaux qu'elle voulait partager avec moi, Mauriac, Prague, les gays… demain c'est la fête des mères, ma belle.
Laissons le monde à ses problèmes, les gens haineux face à eux-mêmes, avec leurs petites idées (Aznavour,
Mourir d'aimer). Parfois je dis tout haut et très fort, avec un air un peu idiot, "sicut erat", qui était le début d'un chant en latin quand j'étais petit et qui se termine je crois par "et nunc et semper", c'est très libérateur de crier ça, mais faut le faire avec un air un peu idiot. Une expression de la langue française que je trouve absolument géniale et bonne pour presque tout c'est
faut pas pousser grand-mère, c'est une de mes favorites. Dans la cour ce matin, le cadavre d'un oiseau gisant à corps ouvert, tué sûrement par un autre, dépecé, un trou béant où les mouches pullulaient, la nature me dégoûte. Ça y est il fait beau et chaud, et quel rêve c'est Berlin là, à la tombée de la nuit, partout, pas une ville, pas une alors ne peut rivaliser et je sais de quoi je parle, cela étant dit pour ceux qui auraient cru qu'entre Berlin et nous y avait comme un désamour, pas de désamour ni rien, simplement ça s'éprouve l'amour, pour savoir à quoi il résiste. Journée mondiale de ci, journée mondiale de ça, à la fin y en a tellement qu'on s'en tape, journée mondiale de mes fesses. L'Ange et moi sommes comme on dit un couple (j'aime pas le mot) binational, espagnol/français, mais quand j'y pense le premier binational ç'a été mes parents, la parisienne et le petit basque espagnol, à une époque où c'était pas courant du tout, voilà d'où je viens, moi qui ai bien failli naître en Amérique, ce qui m'aurait plu en un sens et pas plu non plus car je n'aurai pas pu vivre et connaître ce que j'ai vécu et connu, encore que qui peut dire. Terminé la préparation de mon nouveau roman, je vais relire mes notes mais je sais pas quand je commencerai à l'écrire. Passé une semaine à Madrid dans notre royaume. On part donc en Californie pour deux semaines avec l'Ange, pour célébrer nos vingt ans ensemble, comme un diamant brut et pur à la fois, jamais perdu mais toujours retrouvé. Et pour mettre du contexte faut que je précise que je suis allé en Californie quand j'avais vingt ans et en fait le mois qui a suivi ce que j'appelle mon "acceptation", ma fameuse "seconde" que je décris dans
Undead, quand je suis devenu moi et tout et tout, que je débordais de partout, c'était le temps de Blue bayou, Because the night et Warren Beaty, c'était le temps de ma vie qui commençait, la mienne et pas la leur. Quelques mois après, j'ai fait mon coming out auprès des parents, le jour de Noël. Je signe comme à Radio Gilda, Jimmy. ©
juin 2015 : si mi la ré, si sol do fa. L'Ange est comme un enfant, il mange du chocolat en cachette, et me dit que non avec la bouche pleine de chocolat. Dans un Maigret pour la télévision je jouais un infirmier qui conduisait Dominique Blanc dans une sorte d'ambulance je crois, on papotait tous les deux, un jour je l'ai revue dans la rue Dominique Blanc, toujours très gentille et attentionnée, toute frêle et solide, on a repapoté sur le trottoir, aujourd'hui elle vient d'entrer à la Comédie Française. La pire insulte qu'on pouvait faire à Barbara, c'était de lui dire qu'elle était une intellectuelle, intellectuelle de mes bottes, elle répondait. En fait je radote sur ceux que j'aime, et c'est inépuisable. La chienne de vie n'en épargne pas certains, elle trie, elle choisit, et elle enfonce la lame, mais ses victimes seront toujours plus belles qu'elle, et je sais de qui je parle là, ils se reconnaîtront. Les hôpitaux c'est un monde à part, certes on les recherche pas trop mais faut jamais oublier que ce monde-là existe, peut-être plus vrai que l'autre dans lequel on s'agite bêtement, sauf quand on aime, et même si dans les hôpitaux on aime souvent, terriblement. Berlin est comme chacun de nous : quand on le connaît bien, Berlin peut te porter sur les nerfs mais ce que Berlin a que les autres n'ont pas, c'est cette bohème quand les beaux jours reviennent, cette chose des années soixante dans l'air. Viens d'apprendre la mort de R., R. de mes vingt ans, R. Paris, R. Hervé, R. là-bas maintenant. On se nourrit de la mort des autres, c'est comme ça, comme du sang dans les veines. Le plus grand malheur de ma vie aura aussi été la porte vers l'amour de ma vie et ce qui s'y rattache : quitter Paris pour Madrid, Berlin, les voyages, l'essentiel de mes livres dont L'insecte que je n'aurais pas écrit sans ce malheur, et tant d'autres choses, j'y pense souvent. Deneuve en prenant de l'âge devient une vraie peau de vache, dans les interviews elle tire sur tout ce qui bouge, j'adore ça, et puis c'est signe de bonne santé. Une agression homophobe tous les deux jours en France, ah le beau pays. Meryl Streep dans The hours.
You cannot find peace by avoiding life (Virginia Woolf). Ces têtes de con partout à force ça te gâche la vie. Dostoïevski et puis c'est tout. En troisième année de Sciences Po, on avait 21 ans et avec Hervé, pour marquer une rupture avec le temps d'avant, on avait changé de prénom l'un pour l'autre, lui il était devenu Xavier, et moi Rémi. Revu hier soir le film Studio 54, et alors je repensais à mes nuits studio 54 à moi, les samedis soir, du temps de Hervé et aussi avec l'Ange qui lui aussi avait et a ses nuits studio 54 à lui parce que nous on s'est jamais aimés comme des étriqués, et je me disais que ces nuits-là ne finissent jamais si on a su les quitter à temps, le pathétique là comme ailleurs c'est de s'accrocher et pas savoir partir, ça c'est la vraie fin, c'est pour ça aussi que j'ai quitté Paris, pour que Paris vive en moi, pour toujours. La Californie se rapproche. Rémi. ©
mai 2015 : Kiris radotages.
La policia! estamos perdidas! (Femmes au bord de la crise de nerfs). Tous ceux que tu as rencontrés dans ta vie y ont laissé une trace, tous, même ceux que tu as peu connus, parfois tu te souviens d'un ou une, je pensais à une fille qui travaillait chez nous quand j'étais petit, et je regrette de ne pas lui avoir donné un baiser quand on l'a renvoyée, parce qu'elle nous volait. La pureté ça n'a évidemment rien à voir avec le sexe, la pureté c'est, ne pas se laisser corrompre, par la vie. L'Ange dort comme un enfant, pas comme un adulte, un adulte qui dort en général c'est pas beau à voir, l'Ange lui il bouleverse quand on le regarde dormir. Les vies qui sont des œuvres d'art ne sont pas des vies heureuses dans le sens qu'on dit heureux, les vies heureuses elles sont comme on dit aussi sans histoires. Je suis toujours étonné d'avoir encore des choses à dire dans ce journal, il est vrai que je me répète beaucoup, je radote, je radote même en disant que je radote, ce qui est un comble, mais la vérité c'est qu'on radote toujours, si déjà dans sa vie on a une ou deux choses vraiment personnelles, vraiment à soi, à dire, c'est déjà beaucoup. Mon père quand il revenait à midi à la maison. C'est impressionnant le visage qu'elle avait les dernières années de sa vie, je regardais aujourd'hui des photos, elle était immense, de tout, du mystère de la vie, elle était belle, peut-être comme jamais, et aussi un peu terrifiante. Qui tu aimes ne te met pas sous influence, il te libère. Comme l'a écrit Hervé dans 'L'Outarde',
ce monde s'offusque d'un rien. Une ville sans la cigarette c'est plus une ville, regarde, les images de Londres ou Paris, avant, les cafés, les boîtes, les gens, cet au-delà de la cigarette. Le printemps revient, comme l'enfance. On ne s'attarde pas sur les malheurs, sinon on y passerait sa vie. Je ne sais pas si on restera toujours ici mais l'attrait de Berlin n'a pas cessé, ce qui a cessé c'est l'émerveillement de la nouveauté, mais pas Berlin. C'est drôle comme je suis sous l'influence de romans que j'ai moi-même créés, mon premier roman surtout, et le dernier. Evidemment je dois parfois un peu soûler l'Ange quand je mets Barbara trop souvent dans l'appartement mais il ne dit jamais rien, parce qu'il sait tout ce qu'il y a derrière, et parce que c'est moi, et aussi parce qu'il est mon ange et d'ailleurs c'est lui qui m'a offert le plus beau coffret intégral d'elle, une édition limitée qui aujourd'hui coûte une fortune. Quand Barbara dit, ma religion c'est l'amour, c'est magnifique, parce que c'est vrai, dit par d'autres ce serait ridicule, comme quoi les mots… Quand on y pense, il n'y a pas beaucoup d'écrivains, même des grands, qui ont créé des personnages, des vrais personnages comme Julien Sorel ou Fabrice dans La Chartreuse, ou Jean-Christophe, il y en a mais pas tant que ça, et d'ailleurs un livre n'a pas obligatoirement besoin de tels personnages, même si moi j'ai une faiblesse pour eux, Rogojine, Septimus, Holden Caulfield. Et Kiri. ©
avril 2015 : pas pour les mauviettes. Il ne faut jamais toujours rester enfermé chez soi, faut sortir, sortir, sortir. Barbara me manque cruellement, je pensais à sa dernière heure, à quoi pensait-elle, à nous ? à cette incroyable histoire de nous et elle, qui continue et continuera et continuera. J'aimerais être tout le temps héroïque, comme je l'ai été face à la mort, je hais la vie et ses détails avilissants, je hais la soumission, je voudrais voler, je voudrais seulement aimer, je voudrais garder la pureté, je veux me ressembler. L'Ange est en Espagne quelques jours, me manque, je fais une cure de Barbara, je me soigne à elle, toujours j'ai fait ça. La solitude est beaucoup plus possible s'il est là que si j'étais seul, il me permet la solitude, il me rend à moi-même. Avant d'entrer en scène au Friedrichstadtpalast de Berlin, on l'entend depuis la salle faire ses vocalises et c'est impressionnant, ce cri, parce qu'on comprend qu'après, elle va se jeter dans l'arène et que sa vie, une fois de plus, va se jouer là, elle chante et sa présence peuple la scène, la première fois c'était avec ma mère à l'Olympia, j'avais 11 ans, mon premier amour de jeunesse en somme, et cette putain de voix qui en vieillissant est encore plus prenante, je l'ai toujours aimée, la Mathieu. Je repensais à La chanson des vieux amants de Brel, en voilà un qui a su écrire sur l'amour et c'est si rare, ouah,
mais n'est-ce pas le pire piège que vivre en paix pour des amants. C'est pas la vie que j'aime, c'est vivre, découvrir la vie a été et reste une chose fabuleuse, commencer à vivre, vraiment vivre, juin 1978, quand je me suis "accepté" et que tout a changé, que je suis devenu moi, comme quoi on peut changer oui pour devenir soi, je me reconnaissais plus, je savais pas que c'était ça, moi, je me suis accepté d'une seconde sur l'autre je vais pas re-raconter l'histoire mais elle est belle l'histoire, même encore aujourd'hui j'en suis ébloui, parce qu'elle a laissé ses traces jusqu'ici, on découvre la vie jamais seul, je l'ai fait avec Hervé, j'aurais jamais de mots pour raconter l'émerveillement que c'était, et le début des malheurs aussi parce que l'un va pas sans l'autre, les gens qui veulent que le bonheur ils ont ni l'un ni l'autre, c'est pour ça aussi que l'immortalité serait impossible et en tout cas bien emmerdante, y a guère que l'éternité qui m'attire, parce que je sais pas ce que c'est et qu'on verra bien, toujours retourner à l'Ange, parce que seulement grâce à lui je continue à vivre et à découvrir la vie, découvrir encore c'est possible comme ça, par aimer, par lui, mais Richard Yates a raison, il dit dans une nouvelle que quand on aime quelqu'un, si on essaie de l'expliquer aux autres on ne peut qu'être ridicule, alors je suis un peu ridicule mais en même temps c'est difficile de pas vouloir expliquer. Et pour que ce soit clair : aimer ce sera jamais acquis, chaque jour c'est à recommencer, c'est pas pour les mauviettes, comme dirait Bette Davis. Besoin de m'émerveiller, si je m'émerveille pas je me barbe. Il faut lever la tête, ou la relever, et le reste suit.
Elle disait, mon enfant sauvage, mon chéri, mon adoré, mon tout petit fiancé (Barbara,
Eglantine). jmi ©
mars 2015 : homeland. Deneuve est comme moi, elle déteste le mot 'bisou', que je n'emploie jamais. Un jour à la poste, à Paris, j'avais assisté à une altercation entre un type du guichet et un client, le postier disant qu'il ne voulait pas servir le client parce que celui-ci l'avait insulté, vous m'avez traité d'enculé ! ce à quoi l'autre avait répondu,
j'ai dit, tous des enculés ! y a nuance ! L'élégance aujourd'hui c'est James Franco et Julianne Moore. Evidemment dans mon roman, Dieu ne s'appellera pas Dieu. On reparle du harcèlement scolaire qui est la chose la plus ignoble qui soit et dont je pense qu'elle est couverte par le silence du soi-disant système éducatif qui une fois de plus se range, de fait, du côté des violents contre les fragiles. J'adore l'odeur des joints dans les endroits, ça me rappelle Amsterdam, même si je n'ai jamais été très joints, je préfère ce qui te rend dieu plutôt que ce qui fait planer. Pour comprendre ce qu'est la cigarette, voir Claire Danes dans la fin du dernier épisode de la saison 3 de Homeland. Je suis un comme on dit éternel insatisfait, mais si on est pas insatisfait dans cette vie, on fait rien de sa vie, comme on dit aussi. Pour moi l'homosexualité (j'aime pas trop le mot) ce sera toujours les amours adolescentes, j'ai peut-être tort mais c'est comme ça, ce qu'il y a entre moi et l'Ange c'est peut-être aussi un peu de ça mais surtout c'est au-delà de l'homosexualité, au-delà de la compréhension, ceux qui aiment, aiment vraiment, savent ça. Il y a des jours ces jours-ci où les Allemands me pompent un peu l'air, certains hommes allemands, un type d'hommes, certaines femmes aussi habillées comme des sacs à patates, la langue aussi, mauvais souvenirs, mais Berlin sait comment te reconquérir, c'est une ville qui sait ça, te violer à nouveau, te happer, parce qu'elle aussi elle a pas que des bons souvenirs des Allemands, mais elle en a aussi de très beaux, alors voilà, c'est la semaine de mon anniversaire, je brise un peu la routine, on voit des films à la Berlinale avec l'Ange, je reprends mon vélo, je pense à ma mère, je parle anglais et un peu moins allemand, c'est dur d'être loin de son pays, des fois, yes. Vu à la Berlinale le documentaire sur Nina Simone, ma famille, celle que je sais. Demain mon anniversaire, je vis longtemps merde, je l'ai bien cherché,
I'm still here. Away n'existe pas. Lui et moi nous avons un royaume à Madrid avec vue sur la mer. Pour mon anniversaire il m'a offert le vinyl du dernier album de Marianne Faithful, et un cahier de notre papeterie japonaise où je mettrai à plat la préparation de mon roman sur Dieu quand je l'aurai terminée. Né d'elle. L'Ange dit en souriant que j'aime de plus en plus les atmosphères dites bourgeoises, pour ne pas dire viscontiennes (ça n'existe presque plus), bref les ambiances esthétiques et plutôt jeunes, mais que veux-tu, comme dit Romy Schneider dans La banquière, passé 40 ans on ne fait bien l'amour que dans des draps de soie. Fragile. Dans quelques jours une semaine avec lui aux Canaries, voyageurs. Enfin bref, comme dirait de Funès à Claude Gensac dans Hibernatus, c'est fou mon amie, c'est fou ! Kiri. ©
février 2015 : les caves de Beaubourg. Je viens de réécouter le premier 45 tours que j'ai acheté, c'était à Dax avec maman, elle en avait acheté un de Bécaud et moi je cherchais une chanson de Mireille Mathieu dont je connaissais pas le titre, la femme du magasin m'avait patiemment fait écouter presque toutes les chansons que Mathieu avait enregistrées à l'époque, et puis on a fini par la trouver, j'ai dit, c'est ça ! j'avais 9 ans, la chanson s'appelait Géant. Des fois je me dis que vraiment je suis le seul à rester enfant dans ce monde ! Je pourrai jamais écrire vraiment ce qu'il y a en moi, parce que même moi des fois je comprends pas, ce monde au-dedans, et puis en fait c'est très bien ainsi, sans énoncé, ceux qui doivent savoir savent. Charlie : et après ? Cette injustice de la vie, Mark me disait souvent : pourquoi eux et pas moi, pourquoi les salauds et les autres, c'est à l'infini, ces horreurs de la vie sans quoi vraisemblablement les merveilles n'existeraient pas non plus,
la faim, la fatigue et le froid, toutes les misères du monde, c'est par mon amour que j'y crois (Aragon). Les gens de Charlie Hebdo doivent en avoir ras-le-cul de cette nouvelle respectabilité, je me méfie toujours de l'unanimisme, même là, y a toujours derrière un malentendu. Aux autres j'ai toujours envie de dire non, à l'Ange toujours envie de dire oui. Les gens en France ne se ruent pas sur Charlie Hebdo pour défendre la soi-disant liberté d'expression ni parce qu'ils aiment Charlie Hebdo, non ils se ruent pour se rassurer, pour retrouver la grande famille de la soi-disant grandeur de la France qui n'en finit plus de les obséder, un peu comme avec le football. Ah ah maintenant ils commencent à se rendre compte qu'il y a un problème avec l'école, ils ne jurent plus que par la Marseillaise, et moi qui me faisais regarder de travers quand je me faisais appeler Maître par mes élèves. On ne vit que parce qu'on meurt.
If u can take it, you can make it. Si aimer finit, c'est qu'on n'a pas aimé. On naît de beaucoup de drames, même des drames que l'on ignore. José Artur est mort, j'avais fait un stage dans son Pop Club de France-Inter quand j'avais 21 ans, après Sciences Po, quand la vie s'élargissait, ou plutôt que moi je l'élargissais, il faisait son Pop depuis des caves à Beaubourg, je me sentais tout petit, et en même temps très grand, j'avais les ailes qui demandaient que de s'envoler, je me suis envolé oui, et fracassé, et de nouveau envolé, etc. J'ai dit à l'Ange que si je le rencontrais dans la rue aujourd'hui je le laisserais pour aller avec lui, et ainsi j'irais d'ange en ange mais ce serait toujours le même ange, le mien d'ange. Personne ne comprendra que Hervé et Mark sont toujours avec moi, même après 20 ans de leur mort, et pourtant, c'est ainsi, Hervé et moi on sait. J'ai pourtant jamais vécu dans le passé, le passé ne m'intéresse que dans la mesure où il est le présent. Le père de l'Ange a défendu les homosexuels avec rage face à un gauchiste homophobe qui utilisait le mot pédé (maricón) comme une insulte.
Le ciel était rouge de flammes qui retombaient en larmes (chanson du film Le train, avec Romy). Auschwitz. JeanMi. ©
janvier 2015 : et ne se battre seulement qu'avec les feux de la tendresse (Barbara,
Perlimpinpin). Face à l'horreur, le silence c'est la mort. L'Ange et moi on a essayé la cigarette électronique deux jours et j'ai trouvé ça pire que d'arrêter de fumer, alors dare-dare je suis revenu à mes 5 cigarettes par jour, qui plus est après tout ce que j'ai dit sur la cigarette je peux pas me déjuger comme ça sans passer pour un moins que rien, 5 par jour et basta. Elle m'envoyait des fois un billet dans une enveloppe, pour un restaurant, elle disait, ou pour autre chose, ça me manque, ces petites choses de rien qu'on avait elle et moi mais qui étaient tout, elle m'avait dit ça un jour en me parlant d'un film qu'elle venait de voir, il se passe rien mais il se passe tout, où es-tu ? Ils disent tous du mal de Gérard, mais moi Gérard je l'aime parce que Barbara l'aimait et qu'il aimait Barbara, j'étais là à cette dernière de Pantin où il était là aussi, là où sûrement a commencé ce qui conduirait à Lily Passion, et aujourd'hui, qu'est-ce qu'elle dirait de lui Barbara aujourd'hui ? elle dirait, il est fragile Gérard, elle continuerait à l'aimer et puis c'est tout. Lors des énormes inondations dans le sud de la France, on a vu les bureaux d'une mairie complètement détruits, restait plus rien, même la petite culotte de la secrétaire était foutue, le seul dossier qui a miraculeusement été épargné, c'est le dossier intitulé "prévention des inondations". Fatigue.
J'avais beau m'y attendre, mon cœur vide de tout ressemble à s'y méprendre à Paris au mois d'août (Aznavour). Si on me demandait, genre interview, alors Iribarren, et la mort ? moi je sais ce que je dirais, je dirais, la mort ? la mort, j'suis pas fan. Il n'y a pas à dire, chier constitue toujours une sacrée délivrance. Elle chantait,
j'ai peur mais j'avance quand même, rien à ajouter. Dans la vie faut pas être trop riche, juste ce qu'il faut pour rester libre, mais pas trop pour continuer à désirer, pour que même le plus petit cadeau au monde, même un gâteau, continue à te faire plaisir, pour rester enfant. Je commence à réfléchir à un nouveau roman, je vais m'attaquer à Dieu, je l'ai bien mérité, et puis tant qu'à faire. En fait je me sens extrêmement jeune et extrêmement vieux, mais ça ne date pas d'hier, déjà à 30 ans. Les amis que tu as connus jeunes, tu les vois toujours avec l'âge qu'ils avaient quand tu les as connus, et inversement, les amis qui t'ont connu jeune ils continuent à te voir jeune, avec ceux qui t'ont connu plus tard c'est moins rigolo. Toujours pensé qu'il fallait faire face, quitte à payer après, l'héroïsme. Lu dans Lucien Leuwen de Stendhal : "misanthrope de trop aimer les hommes". Je n'achète plus de cd, que des vinyls, le dernier en date Lady Gaga et Tony Bennett, le vinyl par rapport au cd, c'est comme la cigarette par rapport à la cigarette électronique. Bonne année, bonne santé et que le soleil brille, même la nuit. Kiri. ©
décembre 2014 : griffé. En fait sur la devanture de l'endroit près de chez nous dont je parlais, il n'est pas seulement écrit
Eat my cock, mais
Keep calm & Eat my cock. Pas envie de blogger, ça me fait suer. Ok, la liberté, l'acceptation de moi, le refus d'aller où on me disait, où la vie me disait, tout ça, ok, oui, je l'ai fait, être artiste, ces choses, fait, et même si ça reste encore à faire, le gros je l'ai fait, parce que c'est avant que ça se passe, il est vite trop tard, j'ai toujours su que je le ferais même si enfant j'en donnais pas toujours l'air, y avait que ça qui au fond m'intéressait, être moi-même, y aller, et de là tout est venu, être soi-même c'est pas tout seul que ça se passe, c'est avec les autres, pas tous les autres mais les autres, et même si t'es aussi seul dans cette histoire d'être libre, et de le rester, et tout ça me rassure quand je vais moyen, ça me rassure de penser à ce que je suis pas devenu. On a marché à partir du marché de Camden à Londres, le long du canal, Regents canal, ça n'en finissait plus, on marchait nos vies, on imaginait le futur, à Londres ou à Berlin, partout. Un jour que je parlais à l'Ange de l'enfer et de ce que la possibilité de son existence m'effrayait, il m'a répondu que moi j'irai directement au ciel, ça m'a rassuré, parce qu'en plus, en tant qu'ange, il sait de quoi il parle. Si j'avais su quand je menais ma vie avec Hervé et Mark que pendant ce temps y avait en Espagne une deuxième famille qui m'attendait, mais peut-être qu'à cette époque Hervé ne savait pas encore qu'il me donnerait l'Ange comme preuve éclatante de son amour. La vie peut être belle si tu n'acceptes pas sa logique destructrice, la vie elle ne te respecte que si tu te mets à sa hauteur, si tu la maltraites comme elle te maltraite, à partir de là tu peux devenir pote avec elle, et encore en te méfiant de la salope qu'elle peut toujours être. Il y a la liberté immédiate, sans frein, et il y a la liberté fondamentale, celle qui lutte avec la vie, la liberté immédiate, celle qui dépense sans compter, elle marche à la condition de mourir jeune, sinon elle te détruit, la vie s'en occupe, de ta destruction, seule la liberté fondamentale, remise en question chaque jour, celle qui s'apparente à un art, te permet d'aller jusqu'au bout, de rendre à la vie la monnaie de sa pièce. Avec l'Ange, même une visite chez ikea ça fait des souvenirs impérissables, moi je le dis. En fait la vie elle est juste faite pour les forts, les forts qui sont fragiles au-dedans, les forts qui sont pas fragiles au-dedans ils s'en sortent jamais bien parce qu'en fait ce sont des imbéciles, et les forts qui sont fragiles au-dedans doivent toujours garder dans leurs pensées une place pour ceux qui ont pas leur chance, les fragiles que la vie dévore et dont elle fait son festin chaque jour. L'entendre chanter dans la salle de bains, ça me bouleverse. Le passé c'est le présent, comme il t'a griffé comme disait Barbara. Ç'a toujours été comme ça, quand je suis perdu, mal de vivre, je l'écoute et je repars, elle me remplit, elle me réinfuse la vie, elle m'amphétamine. Bientôt quelques jours en Europe dans les familles ou ce qu'il en reste, mais on sera de retour à Berlin le jour de Noël et pour la fin de l'année. Le jour se lève encore. JeanMi. ©
novembre 2014 : L'envers du paradis. On était devant l'Alster à Hambourg, je lui ai dit, c'est beau hein, puis j'ai dit, oui mais sans toi ce serait plus beau du tout. Il y a un an, ou deux, je lui avais dit, hein que je t'ai beaucoup parlé ? et elle m'avait répondu, ça oui, il ne manquait pas une virgule. Je vois souvent un vieux couple dans ma rue, très élégants les deux, lui toujours en cravate sauf quand il fait très chaud, ils sont toujours ensemble. Claude m'avait dit un jour que j'avais une conception héroïque de la vie. Il n'y a pas de détails dans la vie : tout est détail. La présence après la mort c'est pas les souvenirs, ni le passé, les souvenirs c'est pas assez, la présence après la mort ça doit être le présent, comme avec Hervé. La seule reconnaissance qui m'importe c'est la sienne. Et maintenant Lady Gaga qui veut enregistrer un duo avec Mireille Mathieu, ah j'imagine la tête de tous ces coincés de l'esprit qui avaient déjà enterré la Mathieu et sa voix rauque and roll. Toujours été et suis resté passionné. Avec le temps sur un visage c'est le dedans qui rejaillit au-dehors, avec l'âge la seule beauté physique ça n'existe pas. Je suis d'accord avec Fernando Vallejo, le vrai problème aujourd'hui c'est qu'on est trop nombreux, il n'y a guère qu'à Berlin qu'on a pas l'impression de foule, parce que la ville est tellement grande que ça s'éparpille. Elle avait dit un jour à une de ses amies, moi Jean-Michel il faut toujours que je lui cours après, et cette amie lui avait demandé sceptique, et vous le rattrapez ?, et elle, oh oui, elle avait dit, souvent oui. On ne saura jamais si la drogue fait voir plus clair que quand on est dans son état dit normal, on croit que la drogue ment, qu'elle embellit ou transfigure, mais qu'est-ce qu'on sait, et si c'était la réalité dite normale qui nous rendait aveugle, qu'est-ce qu'on sait de ces choses. Un grand écrivain, ça radote. J'aurais voulu que la vie soit toujours intense, même intense dans le malheur, qu'elle soit toujours haute, alors je la rends intense, je me démène, je la tragédise, j'aime l'Ange à chaque instant, sinon à quoi bon. Il y a très peu d'artistes qui peuvent pleurer sur scène sans être ridicule. Aujourd'hui lorsqu'un chanteur donne un concert, les gens se lèvent systématiquement après chaque chanson que ça en devient ridicule. La seule pour qui déjà il y a vingt et trente ans on se levait, c'était Barbara, la seule. La mort au moins c'est pas banal, ça change du côté ennuyeux de la vie. A côté de chez nous, vu une boutique qui s'appelle
Mr Dead and Mrs Free, et juste à côté une autre boutique où il est écrit en gros
Eat my cock. En voyant hier soir l'émission sur Simone Weil, que j'admire tant (admirer n'est d'ailleurs pas vraiment le mot mais je n'en trouve pas d'autre), je me disais que j'étais plutôt fier qu'elle m'ait envoyé un mot, même court, mais pas banal, en réponse à mon livre L'insecte que je lui avais fait parvenir. Kiri. ©
octobre 2014 : Rémusat. J'ai quitté Berlin un lundi. Avec Alfredo. Pour être au rendez-vous. On dormait au-dessus d'elle. On était dans cette maison qui était un peu comme un bel hôtel. On était entouré de vieux mais c'était pas vraiment triste. Parfois le soir on dînait dans la salle à manger et on disait qu'on était Judy Dench et Maggie Smith,
oh dear. Mais je n'en parlerai pas. Je ne suis pas de ces écrivains qui font passer les mots avant leur vie. Ça ne regarde qu'elle et moi. C'est notre secret. Il faisait beau. Il y avait le soleil dehors tandis qu'elle luttait une dernière fois. Rien qu'un voyage. Je n'ai pas de preuves. Le soir avec l'Ange on allait aussi parfois dîner devant la mer, on la voyait d'en haut. On voyait tout. Berlin était loin. J'avais l'impression de traverser un océan, de boire la tasse sans arrêt et de vivre davantage, un peu détruit comme souvent mais vivant. La mer était noire. L'Ange était soleil. Je pleurais pas. Il y a des choses impossibles. La vie sans la mer d'où je viens. Je crois qu'elle comprenait quand je parlais. J'étais tout. Orphelin et père. J'ai toujours été prêt à tout. Je me suis toujours nourri de ça. J'en deviendrai je sais pas quoi. Un héros diable ou dieu. Je voulais être là. J'étais là. La mort n'a pas d'âge. Un début. La possibilité du ciel. L'Ange. Je continue. L'Ange s'est enroulé autour de son cou. Et puis il y a eu le mercredi 17 septembre. Au petit matin. Ça y est. L'âme. Rien ne meurt parce que tout est là, elle m'avait dit. Cet amour fou. Demain. Jean-Mi ©
septembre 2014 : Stavroguine. L'été je fais la chasse aux insectes, je les tue sans arrêt, ils me dégoûtent. J'aimais bien notre voisin gay du premier étage, jusqu'au jour où il est passé par notre appartement et est reparti en courant parce que j'avais allumé une clope. L'Ange dit toujours que je ne sais pas manger, parce que je me tache à chaque fois, comme un enfant mais c'est pas nouveau. Comme disait Marguerite Duras, chez soi une bouteille de vin en réserve c'est comme si on n'avait pas de vin, il en faut au moins deux, pour pas avoir l'impression de manquer, et bien la vie c'est pareil, quelques années devant soi ça ne suffit pas, il faut l'éternité, quelle que soit cette éternité, il faut la chercher, et la trouver. J'écris moins depuis que je lis beaucoup, pas étonnant d'ailleurs, j'ai bien fait de lire peu dans ma jeunesse, et d'écrire dans la vie d'abord, je voulais pas que les livres me disent comment vivre. J'ai dit à l'Ange, je préférerais être malheureux avec toi qu'heureux sans toi. Est-ce que j'aurais écrit de meilleurs livres si je n'avais pas aimé, aimé comme ça, si j'avais vécu seul ? Non, je n'aurais rien écrit du tout, ou alors que des conneries. Je tue les mouches, je les jette dans les chiottes et je leur pisse dessus. Si je disais un disque de Barbara, je dirais l'Olympia 1978, parce que c'est le disque où je l'ai vraiment découverte et que je ne l'avais pas encore vue sur scène, ensuite ce ne sont pas les disques qui ont compté d'abord, c'est la scène.
Sur le grand bassin du château de l'idole un grand cygne noir portant rubis au col dessinait sur l'eau de folles arabesques. Inconsolable. Consolé. A ceux qui m'ont connu avant et qui me lisent aujourd'hui et qui croiraient que je suis devenu sérieux, qu'ils sachent que je suis toujours le même, je ris toujours de bêtises, j'aime toujours les beaux garçons et je sais toujours m'émerveiller. Le sexe c'est comme un gâteau, et évidemment on a le droit de changer de pâtisserie et de trottoir. L'Ange et moi réfléchissons à notre avenir en longeant les lacs de Krumme Lanke. Jean-Michel tu ne peux pas continuer comme ça, aussi absolu, ou tu en mourras. C'est pas toi mon ange, c'est la vie, la coupable. Evidemment ce blog n'est que la partie de l'iceberg hors de l'eau, il dit la vérité mais il ne la dit pas entièrement, ici je suis plutôt conquérant, l'Ange (Hervé aussi) m'aime conquérant, il n'aime pas me voir fragile, pas trop fragile en tout cas, et pourtant, la vérité c'est qu'être conquérant c'est toujours à recommencer, c'est accepter le désespoir. Aimer aussi est un abîme, sinon y a pas d'aimer, mais l'amour : ça résiste. L'intelligence, c'est l'émotion. Etre un personnage dostoïevskien, c'est être très très perturbé et en même temps avoir une force de vivre incroyable, mais évidemment les personnages dostoïevskiens de ce genre sont en général jeunes, la question est de savoir si l'on peut être ainsi tout en étant plus vieux, ah sacrée question. Je comprends que les gens adorent Downton Abbey, tout aujourd'hui n'étant que vulgarité, à part Meryl Streep et Michael Pitt. Je ne sais plus dans quelle pièce Jacqueline Maillan, parlant de son voisin de palier, dit
mon voisin est noir, et d'ailleurs il ne s'en cache pas. Deux jours à Hambourg pour être les deux seuls loin des autres. Stavroguine. ©
août 2014 : personne ne me croira mais oui, j'en ai rien à foutre. Je suis retourné au restaurant d'hier soir ce matin et j'ai retrouvé ma bague, elle était restée sous la table sur le trottoir, j'ai été plus heureux que si j'avais retrouvé ma virginité, je l'ai déjà dit, faut toujours aller à la recherche de ce qu'on a perdu. J'ai dit à l'Ange, dans la vie on oublie très vite, je voulais dire, le malheur, il m'a dit, oui, faut bien faire de la place. Je déteste les rires gras et brutaux de certains hommes, pas comme le rire de mon ami Gilles qui était magnifique, qui emportait tout. Le dur c'était pas moi, moi j'étais tendre, les durs c'étaient eux, mais j'avais la tendresse comme une arme de guerre. Le temps est Un, quand on a compris ça... Hier l'Ange en revenant du restaurant m'a montré un bar gay, il a dit, ici dans une heure ce sera plein à croquer, il a voulu dire craquer bien sûr mais à force de passer d'une langue à l'autre on s'y perd parfois. 19 ans avec l'Ange aujourd'hui, 19 ans de bruit et de fureur, irracontable de beauté. Quand Hervé est mort en 93, que je disais aux autres qu'il était mort mais qu'il était toujours avec moi, vraiment avec moi, les autres devaient me prendre pour fou, ou croire que j'allais me suicider, et pourtant, deux ans après j'ai connu l'Ange, ce qui a été la preuve éclatante de l'amour d'Hervé, je ne me suis pas suicidé, j'ai vécu, par amour. J'ai longtemps voulu être publié, puis quand je l'ai été ça m'a moins intéressé, j'ai jeté le jouet, j'ai quitté Paris, et la France, idem pour être comédien, après avoir tourné avec Godard j'ai jeté le jouet aussi, toujours voulu autre chose, c'est pour ça qu'aimer (la même personne, sinon c'est rien) m'a jamais lassé, aimer c'est toujours autre chose qui arrive et qui arrive encore, là j'ai été d'une constance, d'un acharnement et d'une patience inouïs. Est-ce qu'il y a un livre qui a changé ta vie ? Non. Ce qui a changé ma vie, c'est moi, quand j'ai ouvert la voie à qui changerait ma vie. Anniversaire d'Alfredo le magnifique. Après avoir tant lu, j'ai fini par trouver le type de lectures qui me plaît, finalement on a tous un type de littérature qu'on aime et de laquelle on ne sort pas beaucoup même si on devrait parfois mais on n'est pas des héros, en tout cas pas à chaque minute ni pour tout. Pique-nique hier avec l'Ange à Tempelhof, il faut que j'explique : imagine, en plein cœur de Paris, un aéroport, genre Orly mais désaffecté, et qui est devenu un parc sans fin pour les gens, un peu comme dans les films : un autre monde dans le monde réel, et bien Tempelhof c'est ça mais pas à Paris, ni dans le reste du monde, mais à Berlin. Un jour à Hossegor elle lisait mon autobiographie, "Undead", et à un moment exaspérée elle a dit, mais ça lui vient d'où cette révolte pour tout et partout ! comme si elle disait, je l'ai pas élevé comme ça ! j'ai souri mais ça m'énervait qu'elle fasse semblant de pas comprendre, parce que oui souvent elle comprenait, j'aurais pu lui dire que ça venait d'elle aussi, elle qui disait toujours non avant de dire oui. Kiri. ©
juillet 2014 : à Pantin un soir Barbara avait perdu sa voix, elle avait quand même chanté, mais vers la fin elle nous avait dit, ce soir je ne chanterai pas L'aigle noir, parce que sinon ce sera un poulet, je n'étais pas là ce soir-là c'est mon ami Y. qui me l'a raconté. Dans Manhattan Transfer, John Dos Passos parle d'un de mes romans-culte,
Jean-Christophe. Je vois une vieille femme dans la rue avec son déambulatoire (c'est comme ça qu'on dit ?), je me dis, tout le monde y passe, la vieillesse, puis je me dis, et toi, d'avoir connu la mort si jeune dans des êtres si jeunes, ça t'a apporté quoi ? ça t'a renforcé ? je ne sais pas, oui peut-être, parce que j'ai voulu vivre, je veux vivre, chaque instant, je sais ce que c'est qu'avoir cette saleté de privilège de vivre, mais ça m'a aussi beaucoup fragilisé, comme ces fragilités qui renforcent aussi si on sait y faire, mais on sait pas toujours. J'ai toujours détesté partir, déjà petit, parce que je laissais mon monde, ça n'a pas changé, d'autant que le monde est devenu plus mien avec le temps, alors revenir à la famille c'est toujours une fragilité, ce n'est pas pareil quand je pars seul avec l'Ange vers nos voyages à nous, parce que là j'emporte mon monde et je l'agrandis. Quand je me fâche avec l'Ange, mon monde s'écroule, puis il se reconstruit parce que nos drames ne peuvent qu'agrandir notre monde. La mer se retire, loin, si loin, un jour elle ne me reconnaîtra plus, et moi sur la plage, comme un enfant abandonné, tellement malheureux, et puis ce sera la mer morte, alors tout revivra, tout s'éclairera, la mer reviendra, une grande marée, pour toujours, je crois ça. Quand on vit longtemps, on ne peut pas vivre insouciant ou alors on en meurt, l'insouciance de vivre c'est autrement, l'insouciance c'est moi. Les livres parlent tellement d'amour pour finalement si peu en dire. La certitude de la mort je ne dirais pas que c'est un scandale puisque c'est comme ça et qu'on y passe tous, je dirais plutôt que c'est surtout la barbe. Le bonheur n'est pas un but, peut-être un résultat.
La jeunesse est orpheline (Barbara). Elle est dans la deuxième réalité maintenant, moi dans la première, ou peut-être entre les deux, alors je chemine, entre, la première réalité m'a toujours torturé. A mon café du dimanche de la Oranienburgerstrasse, ai échangé deux mots avec une Portugaise qui connaissait à peine Amália Rodrigues, un comble, je me suis retenu de la gifler. L'Ange dit que là où j'écris le mieux, c'est dans les lettres que j'écris, oui peut-être mais justement j'ai jamais écrit des lettres pour me regarder ou pour faire bien, je les ai écrites vrai, jamais fait de brouillons de mes lettres par exemple, et jamais non plus gardé des copies, pour leur conserver leur vérité, je ne jouais pas. Oui je suis resté pur, je le redis, salement pur même. C'est le mois de tout, juillet, celui de la mort d'Hervé qui est rien que notre éternité, celui de l'anniversaire de l'Ange et surtout de notre rencontre il y a 19 ans, l'Ange que dans L'Insecte j'appelle Or Vif,
stay gold, dit Johnny à Ponyboy à la fin du film Outsiders. A Radio Gilda, je faisais mes émissions sous le nom de Jimmy, alors aujourd'hui je signe Jimmy. ©
juin 2014 : la nostalgie pour moi c'est pas vraiment celle de l'enfance, les premières années, non, les années qui ont commencé à compter c'est après, à l'adolescence, quand j'ai commencé à m'apercevoir dans la glace, ce qui allait venir, ou plutôt ce qui pourrait venir si je voulais, les années où j'ai commencé à apercevoir la vie, et derrière, ma vie. Y a des gens quand tu les vois, et même si c'est injuste y a des gens tu te dis quand tu les regardes, ces gens pour moi, c'est un autre monde, c'est pour ça que je me dis, l'Ange et moi, on s'est trouvés parce que c'était le même monde, c'est tout. Je lui écris trois fois par semaine, je me creuse la tête, parfois une lettre, parfois une photo avec un mot, une carte, et je lui écris des mots, pas des mots n'importe quoi sur le temps qu'il fait ou je ne sais pas quoi, non, des vrais mots, même si sa tête est ailleurs, des vrais mots de nous, elle et moi, et je suis sûr qu'elle comprend quand on lui lit ces lettres, et que ça la régénère, que ça lui donne de l'éternité pour aujourd'hui et pour demain, et alors je me dis, quand même, qu'est-ce que j'ai pu me donner quand j'aimais, j'en aimais pas beaucoup mais ceux que j'aime, ce qu'ils ont pu me laisser exsangue, exsangue et plein. En général j'aime les livres que je lis, et quelquefois beaucoup, parce que je les choisis, je vais rarement au hasard, pour moi choisir un nouveau livre est très important, j'ai pas envie de me tromper, même si des fois je me trompe, je suis humain après tout. Je lis
Young hearts crying de Richard Yates et je me dis, merde, cette vigilance qu'il faut pour pas saboter sa jeunesse, pour pas saborder l'amour, je me dis ça un peu fier d'avoir tenu la barre quand même, malgré les échecs, les morts et les superbes défaites, d'être resté pur sous la violence de la vie. Aimer c'est aussi penser à soi, sinon t'as plus rien à donner. Tu dirais quoi ? dans la vie y a qui ? les bien-portants et les malades ? s'il faut absolument classifier, les riches et les pauvres ? les fragiles et les forts ? non je dirais, les perdus et les autres. Richard Yates et son
Young hearts crying c'est ce que j'ai lu de mieux depuis longtemps et de loin (je ne parle pas des livres que j'ai relus), il va entrer dans mon panthéon, en bonne compagnie, qui plus est un livre qui m'aura fait du bien ; dans ce roman, j'ai appris cette expression en anglais : être
the real thing, quand tu dis de quelqu'un qu'il est
the real thing, ça veut dire que c'est quelqu'un de vrai, pas une copie, quelqu'un, et j'ai pensé à Barbara. Qu'est-ce qui est inépuisable, on le sait bien ça, ce qui est inépuisable, en tout cas moi je le sais, simplement faut pas avoir peur, faut y aller. Quand je vois tous ces excités contre l'homosexualité, je me dis, et quand je pense que certains m'ont dit que j'avais exagéré dans L'insecte, que c'était fini ces choses de la haine, et bien non, cette haine quotidienne, sans l'air d'y toucher, elle demeure, et je me dis aussi que le pire c'est pas la haine, c'est de croire que c'est fini, c'est de pas se méfier le pire. Voilà c'est l'été woodstockien à Berlin mais bientôt on doit retourner quelques jours en Espagne, et en France, retour à la mer, les deux mers. Kiri. ©
mai 2014 : Fitzgerald dit dans Tendre est la nuit que le plus souvent un homme a dans sa vie seulement une ou deux idées personnelles, et toi ? moi oui, au moins deux, mon idée sur aimer, depuis très jeune je l'avais, la mienne, l'exigence que c'est et la seule vérité aussi, et puis mon idée de la liberté, celle-là venue petit à petit, jusqu'à prendre toute la place et me laisser où je suis, en-bas mais en-haut. Finalement on voit pas mal de choses sur la tête des gens, comme quoi le corps c'est pas que le corps, avec l'âge on voit, et quelquefois même on voit tout et des fois c'est très beau, et d'autres fois pas beau du tout. Parfois j'ai l'impression d'avoir un démon à l'intérieur de moi qui m'empêche toujours de me poser, un démon mesquin qui se venge quand je vais bien, et vlan prends ça, fais-toi bien du souci avec ça, alors le démon je lutte avec lui, je le terrasse. La jeunesse c'est un art, c'est un art quand on est jeune, pour pas la foutre en l'air, et c'est un art plus tard, une conquête. Je me suis tellement caché adolescent qu'après j'ai jamais plus menti, sur rien. Mireille Mathieu avait la plus belle voix de toutes les chanteuses dites à voix, sur le reste y aurait à dire mais quelle voix, à côté Céline Dion c'est une chasse d'eau. Wladimir Sepúlveda Arce, Chili, jeune homosexuel, torturé, mort de ses blessures après quelques mois, tué pour l'être. Jamais été lunatique, comme ces gens qui changent d'humeur envers toi d'un jour sur l'autre, on sait jamais pourquoi, ce qui est le signe distinctif de personnes toutes petites. Je me demande si ce qui fait le prix d'une œuvre, souvent, ce n'est pas sa rareté, qu'elle soit méconnue, je pense à des chansons, que personne ne connaît, quelquefois même pas gravées sur disque, juste interprétées une ou deux fois par l'artiste en public. L'argent arrange bien des choses mais il faut s'en méfier de l'argent, et penser à ceux qui n'en ont pas. Finalement le procès Pistorius ressemble à la chanson de Barbara "Si la photo est bonne" :
si la photo est bonne, juste en deuxième colonne, y a le voyou du jour qui a une ptite gueule d'amour, coupable ou non coupable, s'il doit se mettre à table, que j'aimerais qu'il vienne pour se mettre à la mienne. Pour que la deuxième partie ressemble à la première, il faut en changer. L'avantage de ne pas connaître la gloire, c'est qu'on n'a pas à craindre la dégringolade. Ecouté "Nuit et brouillard", ici, à Berlin,
les Allemands guettaient du haut des miradors. Rosa Luxemburg aurait paraît-il dit,
je veux bien mourir pour le peuple mais qu'on ne me demande pas de vivre avec lui. Alfredo me ressemble et ne me ressemble pas, c'est pour ça, notre histoire; l'Ange n'est pas fait pour le malheur. Je crois que la voix dit beaucoup de quelqu'un, ces voix graves de brutes de certains hommes me dégoûtent. Certains vieux pédés (mon âge) en cuir et uniforme me fatiguent, mais comme disait ma grand-mère, à chacun son sale goût. On se promenait dans Fischerinsel, j'ai dit, tu dis rien, c'est beau non ?, il a souri : toi avec ton extasiement permanent !, il a dit. Micheline Dax est morte, comme elle était de Dax et que moi aussi j'y suis né, et que je m'appelle Jean-Michel, rien n'interdit de m'appeler Micheline en souvenir d'elle. Ou Kiri. ©
avril 2014 : dans le film Drugstore cowboy, William Burroughs, à moins que ce ne soit Matt Dillon, dit qu'on se drogue parce qu'il faut mettre ses chaussettes tous les matins. C'est difficile aimer, au fond y a que ça qui est difficile. Ellen Page a mis son âme au-dessus de son art, comme il est dit dans Jean-Christophe de Romain Rolland. Suis-je privilégié ? non ça n'existe pas ces choses d'être privilégié, c'est à toi de te privilégier, d'avoir le privilège d'être ton propre privilège. Finalement l'Ange aura eu son diplôme de Sciences Po essentiellement pour la beauté du geste. Croisé sur mon vélo à Fischerinsel une veille femme avec ses deux cannes, ses deux cannes mais elle était dehors et elle marchait dans le soleil, je me suis dit, elle est peut-être seule cette femme, elle finit sa vie seule, et j'aimais pas me dire ça. Ma mère était une vraie parisienne, pas une parisienne d'adoption, ça explique des choses d'elle, et de nous deux. Une des choses au monde les plus répugnantes qui soit ce sont les versions doublées de films. Je veux bien les complications, ça me fait pas peur, mais je veux que ce soient les miennes complications, pas celles du dehors. Retour des Canaries, on n'a rien fait, on a tout fait, seuls au monde. Je console l'Ange des malheurs du monde. Parlé avec mon voisin gay de 55 ans qui n'arrête pas de dire qu'il se sent vieux, je lui ai dit mon âge parce qu'il répétait toujours que je suis plus jeune que lui, c'est un type blessé mon voisin gay, on a parlé de tous ses amis qu'il a perdus, sida, j'ai dit : moi aussi, j'ai dit, j'ai même écrit un livre là-dessus, ah si les autres savaient ce que c'est d'avoir survécu à autant de morts, mais ils sauront jamais, ils s'en foutent et c'est normal, c'est la vie, la vie c'est pas savoir et en même temps savoir très bien, sacrée saloperie. Ce qui est pénible quand on vit loin c'est de conserver des attaches ailleurs, on voudrait tout envoyer bouler. La nouvelle d'Hervé, "L'Outarde", est magnifique, exceptionnelle, totale, tout le monde devrait la lire (aller faire un tour sur Potsdamer Platz dans le site, c'est là, en partie). Fatigue de trop de vie, trop de moi, trop de trop. Comment définir le style de Fitzgerald, parce que oui, je m'en rends compte maintenant, il y a bien un style Fitzgerald et c'est ce qui en fait un grand écrivain, ce style, élégant, cette élégance qui ne s'attarde pas sur la souffrance, ces mots pas toujours clairs mais qui le sont au bout du compte, un style qui aurait du style,
une robe de cuir comme un fuseau, qu'aurait du chien sans l'faire exprès (Léo). J'étais essentiellement révolté, mais c'est quoi ta révolte aujourd'hui, d'abord c'est de ne pas la regretter, ne pas y changer une virgule, mais rester révolté c'est être intelligent, tu fais passer la révolte du dehors au dedans, et puis vivre c'est déjà une révolte. Tant que t'as des larmes mon ange, ça va. Quand j'écoutais la radio adolescent c'était plutôt drôle, divertissant, aujourd'hui tout le monde se prend au sérieux, tout le monde se la joue. La tendresse ça reste la vraie révolte.
Ne pas parler de poésie en écrasant les fleurs sauvages, mais faire jouer la transparence au fond d'une cour aux murs gris où l'aube aurait enfin sa chance (perlimpinpin). Kiri. ©
mars 2014 : vu hier à la Berlinale le documentaire sur John Wojtowicz, l'homme que joue Al Pacino dans Dogday afternoon, personnage formidable, et sa mère aussi, et je me disais ce que je me suis souvent dit, notamment en pensant à cette mère, qu'il y a des gens dont les vies sont autrement magnifiques que les vies des gens soi-disant importants, et ces vies-là peut-être que personne ne les connaît mais eux le savent bien que leurs vies sont des vies à couper le souffle. Il y a deux jours nous étions à la première du film "dans la cour" avec Catherine Deneuve, et surprise elle était dans la salle, je m'en souviendrai de son arrivée, j'avais l'impression de voir entrer un mythe, et le mythe a tellement de films derrière elle, et presque tous des bons films, finalement c'est sûrement l'actrice française que j'aurai vu le plus au cinéma. Bon il faut bien y passer, c'est encore mon anniversaire, j'arrête pas d'avoir un an de plus, et ça dure depuis longtemps cette calamité, ou cette bénédiction, mais j'ai ma petite idée là-dessus, l'Ange m'a écrit la plus belle carte qui soit, tellement belle que je la garde pour moi. Les choses emmerdantes il faut s'en débarrasser tout de suite, pas attendre, en même temps la vie passe vite comme ça, à passer son temps à se débarrasser des choses emmerdantes qui en finissent jamais de vous emmerder surtout de nos jours. Mon meilleur anniversaire depuis longtemps, l'Ange et moi on a vu un film par jour, on est allés deux fois à un restaurant français qu'on a découvert, et on a pris des taxis la nuit pour revenir à la maison. Je dirais pas que je suis à la recherche du temps perdu, d'abord parce que le temps perdu est toujours moins perdu et moins beau qu'on croit, le temps perdu c'est là, maintenant, qui passe, qui passe, non, plutôt à la recherche du temps caché. Le mois de février va se terminer et on a encore deux voisines dans l'immeuble, deux vieilles, au demeurant charmantes, qui ont toujours sur leurs terrasses leurs lumières de Noël, notre théorie c'est qu'il y a une compétition à mort entre les deux pour voir qui les décrochera en premier. Donc, les choses emmerdantes s'en débarrasser d'abord, garder le plaisir pour la fin, c'est ce que je fais avec la mort, seulement à la fin. Ceux qui ont des vies de con s'agitent sans arrêt pour éviter d'y penser, parfois même ils te font la leçon, ils doutent de rien, sauf peut-être à la fin, à la dernière heure du dernier jour, quand le mensonge est plus possible, mais trop tard. Décidément il y a un type de garçons hétérosexuels avec qui je m'entends vraiment bien, bien mieux souvent qu'avec les pédés, surtout de mon âge. Il fait tellement doux cet hiver à Berlin que j'ai parfois l'impression de retrouver cette douceur qu'il y avait parfois dans mon Paris d'avant, ou le matin quand enfant j'ouvrais mes volets sur le jardin de Dax, cette douceur comme de l'au-delà. J'étais tendre mais j'étais pas con. Mais j'étais pas comme eux, comme ces salauds qui jouent le jeu même quand ils croient qu'ils le jouent pas. L'Ange, qui trouve que je relis trop souvent les mêmes livres (ce qui est faux), pour m'inciter à en changer, a inventé un poème :
ne ferme pas tes horizons, prends-toi bien un saucisson. Kiri. ©
février 2014 : viens de renouer avec un de mes rites, les échappées dans Berlin à vélo, je les avais un peu mises en veilleuse à cause de mon roman, et un peu aussi par paresse faut bien le dire, ai commencé par ma favorite, la plus longue, jusqu'au pont qui suit le pont rouge de Oberbaumbrücke, m'enfoncer comme ça à vélo dans Berlin c'est un peu comme me brancher sur une prise, et la batterie qui se recharge, jusqu'à péter plein de volts, comme autrefois quand je déambulais Paris. Ici tu ne peux pas rester tout le temps enfermé, il faut que tu sortes, que Berlin te baise et que tu la baises, pénétration mutuelle.
Il est fatiguant le voyage pour un enfant de mon âge (Reggiani). Après 18 ans ensemble l'Ange veut sans arrêt me prendre dans ses bras et ça me bouleverse. J'ai acheté le disque de Guillaume. Qu'il trompe sa femme qui n'est pas sa femme, soit, il faut bien que le corps..., mais qu'il trouve le temps de ça, les bras m'en tombent, ces gens normaux soi-disant veulent tout, le pouvoir et le plaisir, et finalement ils n'ont : rien. J'ai voulu relire Mort à crédit mais j'ai laissé tomber après 100 pages, c'est plus vraiment mon truc, ça me fait un peu suer son style toujours pareil, y a des monuments qui se lézardent et d'autres qui resplendissent toujours. Je me demandais ce qu'il restait, des années derrière moi, ça commence à en faire maintenant, ce qu'il reste en tout cas ce ne sont pas vraiment les métiers que j'ai pu faire, souvent à contrecœur d'ailleurs, quand je repense à certains de ces boulots c'est comme si c'était pas moi, non, ce qui reste c'est le métier de vivre, c'est les gens, les garçons, les filles, bon, surtout les garçons quand même, c'est des choses parfois même pas palpables, mais bien réelles pourtant, des sentiments de liberté, des fulgurances sur la vie, et même si je prends tout, parce que ce qui reste ne s'expliquerait pas non plus sans ce qui reste pas. J'y repense parfois à ça, les garçons, des garçons qui recherchent des garçons, ça me fascinait autrefois et même si je me suis un peu habitué à la longue, je trouve toujours ça vertigineux, des garçons, pas des hommes, des garçons avec des garçons, je trouve toujours ça révolutionnaire, et ça le restera. Ces gens qui terminent une soi-disant histoire d'amour pour en commencer une autre qu'ils termineront là où ils ont terminé la précédente, ou moins loin encore. La drogue sans la dépendance n'a rien à voir avec la drogue avec la dépendance, idem pour la vie, pour tout, sauf pour l'amour, la dépendance quand tu aimes, c'est la liberté. J'ai toujours recherché la reconnaissance, mais moins qu'aimer, avant tout c'est aimer que j'ai recherché, la preuve j'ai quitté Paris, la vraie reconnaissance c'était aimer, donc rien à redire. Dostoïevski dans Les frères Karamazov dit ce que je pense : seul aimer vous amène à croire à l'immortalité de l'âme. Si on me demandait cinq ou six livres, je dirais Les frères Karamazov, Le rouge et le noir ou La chartreuse de Parme, Les heureux et les damnés ou L'envers du paradis, de Fitzgerald, Mrs Dalloway, Sur la route, et Le froid, de Thomas Bernhard. J'ai toujours été mon propre système de pensée, je le suis devenu en tout cas, grâce à d'autres, ces autres miens, mais je n'ai jamais intégré un système de pensée, toujours voulu me libérer. Kiri. ©
janvier 2014 : pauvre Président qui faute d'être Mitterrand en est réduit à l'imiter en se faisant opérer de la prostate. Ces gens qui me bassinent avec mon Insecte et Thomas Bernhard, alors pour que ce soit clair : avant d'écrire L'Insecte, je n'avais lu qu'un seul Thomas Bernhard, "Extinction", le seul Thomas Bernhard qu'avait Hervé et que j'avais pris dans sa bibliothèque après sa mort. Les losers magnifiques. Suivi les funérailles officielles de Mandela, j'ai trouvé Winnie et sa dernière femme Graça très belles, et puis quand je voyais tous ces Noirs rire et danser sans arrêt, même et surtout pour des funérailles, je me disais qu'ils étaient drôlement gais là-bas, alors que nous ici on fait un peu trop la gueule. Formidable soirée avec l'Ange hier, d'abord on a pris le Champagne au grand hôtel Westin Grand, l'hôtel de Joan Allen dans Jason Bourne, ensuite on est allés à Prenzlauer Berg et là on a découvert un restaurant français très bien, la Muse Gueule (ah ah), et de l'autre côté de la salle, face à moi, y avait un adolescent dans les 18 ans qui arrêtait pas de me regarder dans les yeux très longtemps, évidemment je lui en ai parlé à l'Ange des regards de l'autre, et l'Ange souriait parce qu'il sait que ça me chavire tout ça, mais il sait aussi que les regards me suffisent, qu'après ça m'intéresse plus, qu'après les regards c'est lui, et que même ces regards finalement c'est lui aussi, ah là là oui ça me chavire tout ça. Décidément les femmes à Berlin sont vraiment mal habillées, de vrais sacs à patates, évidemment c'est peut-être le froid et l'hiver, mais quand même, y a pas beaucoup de Grace Kelly ici, on a beau être pédé on aime les belles femmes élégantes merde, Edwige Feuillère doit se retourner dans sa tombe. Les livres en v.o. c'est mieux. Il y a des choses de ta vie tu en subis les conséquences parfois longtemps après, des douleurs, après 15 ou 20 ans, pas avant, et tant pis, ou tant mieux. Ta vie, un échec ou une victoire ? L'important c'est d'aimer. Après toutes ces incursions en Espagne et en France pour les fêtes, je me dis : Berlin, définitivement. A force d'en voir autant, on finit par détester la misère. Un jour on pense ça, l'autre jour on pense le contraire, ça tient à rien. Encore qu'on ne force pas sa nature, et la misère refinit par te blesser. A quoi ça sert de vivre comme ça maintenant elle, elle mange encore avec appétit, elle est belle dans sa fin, elle aime pas quand je me mets le doigt dans le nez, elle croit que j'étais là hier, je la revois encore dans ma tête, dans son fauteuil, le regard un peu perdu si je savais où, elle me prend moins la main qu'avant, elle m'appelle moins Jean-Mi, mais elle aime toujours l'Ange, et elle dit que l'amour finira jamais. Je l'ai tellement aimée, on en a fait tellement elle et moi, on s'est tellement déchirés aussi mais toujours en s'aimant, je veux pas finir avec elle, je finirai pas d'ailleurs, j'en peux plus au-dedans parfois de tout ça, cette vie. A un moment elle m'a dit : rien ne meurt parce que tout est là. Je lui dois beaucoup à elle, ma mère, les choses de la vie, l'écriture, la vie d'artiste, c'est elle, au début en tout cas, le mal de vivre et la joie de vivre, ces choses qu'on sait tous les deux, mon Dieu ces choses. Signé Kiri. ©
décembre 2013 : douleur, vie, que-faire, long. Il faut être plus grand que sa vie réelle, plus grand que ce qu'il reste, il faut être aussi grand que le sens de sa vie. On allait à Paris elle et moi, j'avais quinze ans, on y allait comme des amoureux, rien que nous, on descendait au Lutécia, elle me laissait un peu seul dans la journée faire mes choses, puis on se retrouvait, elle et moi, les amoureux. Suis allé prendre un café dans les salons de l'hôtel Adlon près de la porte de Brandebourg, pour faire le point, toujours adoré les grands hôtels, plutôt anciens, dans le coin où j'étais assis y avait deux autres fauteuils et à la fin y a un homme plutôt âgé qui a voulu s'asseoir avec moi, un comble alors qu'y avait de la place ailleurs, il me draguait peut-être mais moi j'aurais préféré un jeune comme dans mes romans, du coup quand je suis parti je lui ai même pas dit au revoir. L'Ange vient de me raconter, des trémolos dans la voix, qu'une femme de 86 ans venait de faire le marathon de New York, de bout en bout, le problème c'est qu'elle est morte le lendemain. Christiane Taubira aurait tort de se sentir humiliée par les injures racistes à son égard, elle gagne à tous les coups, ces gens-là lui font honneur, l'honneur d'être injurié par des nains, il y a des ennemis nécessaires. Ah les hypocrites, ils parlent sans arrêt de justice et de faire payer les riches et ils augmentent le prix du paquet de cigarettes. Si la mort pouvait être aussi une "première fois" ! au moins tout ça vaudrait le coup. Quand je réfléchis à l'univers, je me dis, mais qu'est-ce qu'il y avait avant, au début, rien ? mais rien c'est toujours quelque chose, ou alors il n'y a jamais eu de début, "début" c'est quelque chose pour nous, les humains, mais en fait ça veut rien dire. Quand je parlais des "premières fois", je viens de découvrir le roman de J.D. Salinger, ouah. Dans un de mes cafés du matin, je vois souvent deux ou trois femmes, la quarantaine ou je ne sais pas, des Françaises, qui parlent entre elles, et toujours le même sujet de conversation, l'unique sujet : leurs enfants à l'école, jamais je ne les ai entendues parler d'autre chose, déjà ça c'est repoussant, mais le plus repoussant c'est qu'elles en parlent avec un sérieux répugnant, à chaque fois j'ai envie de vomir. Quel peuple de mongols ces Français, quand on les voit déprimés stressés ne croyant plus en rien, et les mêmes, le lendemain, hurlant de joie comme des fous, tout ça parce que la France vient de se qualifier au foot, les cons. Quand je regarde en arrière, je m'aperçois combien j'ai pu détruire ou distendre ou ne pas alimenter un tas de relations, amicales ou professionnelles, à cause de mon caractère, surtout à cause de ce désir de liberté qui me faisait vouloir ne dépendre de personne, seulement d'Hervé, puis surtout de l'Ange, pour pouvoir me dire que tout était pour eux et rien pour les autres, les autres étaient des empêcheurs qui ne comprenaient rien. Si G. était éditeur, j'aurais déjà reçu le prix Nobel depuis longtemps. Elle aimait tant les garçons qui aiment les garçons qu'elle est morte comme eux. Bientôt l'Espagne et la France pour Noël, au collège Cendrillon de Dax, mon ami Moussa, mon meilleur ami là-bas et seul Noir de ce collège catholique, m'appelait toujours Kiri, alors je signe Kiri, happy Christmas guys. ©
novembre 2013 : les rites c'est sacré. La volonté peut tout ? La mort vivante de ma mère me détruit, je lui parle au téléphone, détruit, c'est pas la mort bien sûr, c'est autre chose, la douleur qu'elle a, de partir, de plus pouvoir, sa révolte désespérée, cette autre qu'elle devient, et la même quand même, mais il ne faut pas être détruit, il faut absolument conjurer le malheur. Ceux qui interdisent la cigarette qu'est-ce qu'ils comprennent, qu'est-ce qu'ils ont dans le cœur, mais sans la cigarette que ferait celui au chevet d'un mourant, celui dans le camp, dans le désespoir, qu'est-ce qu'ils savent ces gens du malheur des hommes ? Je viens de parler avec ma mère, j'ai raccroché, j'ai pensé, si je n'écoute pas Barbara tout de suite, je sombre. Le fossile d'un moustique d'il y a 45 millions d'années découvert gorgé de sang, ça me laisse rêveur, on est quoi nous là dans tout ça, merde, je suis perdu, je suis moi mais c'est quoi ce moi, et le reste, et l'Ange, et ma mère qui s'en va, pourquoi prendre tout à cœur, je suis tout et je suis rien. Retour de Londres, nous deux loin, lui et moi, rien de plus à dire, l'instant présent, il est des instants présents impossibles à comprendre pleinement à l'instant, on comprend juste un peu, on anticipe le souvenir, parce que c'est seulement dans le souvenir, déjà dans le souvenir anticipé au présent, que l'instant présent est totalement lui-même, sur le moment on sait que c'est bien, qu'on a de la chance (que j'ai la chance de l'Ange), on a l'intuition du bonheur, mais l'immensité que c'est, l'immensité de ces instants d'
être deux, on devine qu'on ne le saura peut-être jamais, et tant mieux, ou alors plus tard, et tant mieux, c'est pour ça que cette histoire du temps, du passé et du présent et du futur ne veut rien dire, seulement un éternel présent déchirant. Elle, c'est quand même un peu l'unité de ma vie, si maman s'en va, ma jeunesse s'en ira aussi, mais j'agirai, je les retrouverai, elle, et ma jeunesse, quelque part, j'ai peut-être un sang inquiet mais il bouillonne.
Ils renaîtront les jours heureux, les soleils verts de notre vie, ils reviendront semer l'oubli après le feu, et refleuriront avec eux les fruits pervers de l'espérance, avant-courriers de l'insouciance et des jours heureux (Aznavour,
les jours heureux). ©
octobre 2013 : c'est drôle mais à la fin de sa vie, quand la mort rôde, il semble que ma mère ne parle plus de Dieu, elle qui m'avait dit un jour, que Dieu était plus important que nous, ses enfants, (schocking), c'est fini, on est repassé devant Dieu. Rien ne vaut dans la vie que les "premières fois", il faut courir après, les inventer, et parfois tu rencontres un être qui est une "première fois" à lui tout seul, à défaut de connaître Dieu justement, un être comme une première fois infinie qui chaque jour est à remettre à la preuve, jamais donnée, le reste c'est bien mais le reste s'use, le reste est fini, jamais infini. Semaine passée malade, pas grave, un rhume mais je ne supporte pas d'être malade, une grave maladie peut-être, mais pas une petite maladie, toujours eu cette impression quand je suis malade d'être en-dehors de la vie, et puis je m'obsessionne, est-ce que ce ne serait pas plus grave que cela en a l'air, etc., je somatise comme on dit, et quand je somatise je pisse sans arrêt, je suis la pisseuse de diamants comme je dis, c'est ma façon de vivre, inquiet et combattant, la vie parfois me lasse, je voudrais la paix quand seule la guerre te garde vivant, et puis je me dis aussi, la vie pour horrible qu'elle puisse être, peut aussi être, ou est, tout de même aussi très excitante. Quand il dort la nuit et que je lui prends la main. Le vrai problème de l'amour, c'est la mort, ou plutôt, la seule question, ou réponse. J'étais tout seul au zoo, je lui ai envoyé un message, il était à la bibliothèque de Potsdamer, celle du film Les ailes du désir, celle des anges, il m'a répondu, j'aimerais tant être avec toi, je lui ai répondu, viens me rejoindre si tu veux, il a répondu, ouiii, tu m'attends ? il est venu, et voilà, c'est ça, c'est tout. Il y a vraiment un problème avec la traduction d'une œuvre littéraire, "Mrs Dalloway" par exemple, il faut que je le lise en anglais, la traduction espagnole, comme souvent, me paraît meilleure que la française, Thomas Bernhard, par exemple, ça je peux le dire, est mieux traduit en espagnol, par Miguel Sáenz, qu'en français où ses traducteurs sont multiples, en Espagne le seul traducteur c'est Miguel Sáenz, qui par ailleurs a lu mon Insecte et avec qui j'ai correspondu plusieurs fois, mais cela dit, comment faire, comment pourrait-on se passer de traductions. Dans la vie il faut choisir, durer ou exploser en vol. Quand on est trop tendre au-dedans, faut s'endurcir au-dehors, c'est pour ça qu'en fait les durs au-dehors sont souvent des tendres au-dedans, et que beaucoup de tendres en apparence sont en fait bien secs au-dedans, c'est comme ça, faut se méfier du dehors. Mise au pilori d'une population pour éviter de parler du problème global de la violence partout dans ce beau pays de France. Bientôt Londres. J'achèterai les fleurs moi-même. ©
septembre 2013 : rencontré chez ma dentiste française de Berlin un Français de pas tout à fait 40 ans, on a déblatéré sur la France, sale pays à plus d'un titre, comme moi il a fui Paris, il ne supportait plus cette violence ordinaire qui y règne. Aujourd'hui tout le monde est tatoué, c'est devenu un signe de normalité, moi ça fait longtemps que je le suis, quand c'était pas la mode de le faire juste pour être dans le coup, un H, en 1993, un H gothique qui, on me dit, ressemble aussi à un A. Faut-il savoir l'histoire des choses, d'une ville, les endroits, comment, pourquoi, ou faut-il s'imaginer les choses, les faire siennes. Le dernier jour elle était assise dans son fauteuil, j'étais à ses genoux, elle me remettait les cheveux en place, doucement avec sa main qui les lissait, et d'un coup en faisant ça je redevenais son enfant, à la dernière minute avant le taxi, son enfant, et j'ai pleuré, et elle m'a consolé comme avant. L'Ange prenait dans ses bras sa petite nièce de trois mois, je les regardais tous les deux mais en fait c'était lui que je regardais, c'était lui l'émouvant, lui l'enfant roi. Retour à la plage de Wannsee, et comme les enfants sont déjà retournés en classe, on est arrivés vers dix heures avec la plage entièrement pour nous, comme j'aime, déserte. Une amie m'a rappelé que déjà, quand j'avais vingt ou trente ans, je préservais ma maison des envahisseurs, par exemple je n'aimais pas ouvrir à quelqu'un qui venait à l'improviste, parce que si j'avais passé mon temps à ouvrir ma maison, j'aurais pas écrit une ligne de tout ce que j'ai écrit, c'est comme ça, pour s'ouvrir au-dedans, faut un peu fermer au-dehors. Ah cette sensation que le monde t'appartient après laquelle il faut courir sans cesse, la retrouver, même quand il t'a déjà appartenu le monde, encore une fois, sans fin. Nos amies les guêpes et les abeilles (je ne sais pas faire la différence) sont de retour et nous emmerdent sur les terrasses. Comment ai-je pu passer tant d'années sans lire, mes 20/30 ans, à part quelques livres pour mes cours de théâtre, mais je suis sans regrets, j'écrivais mon livre, le livre de la vie, j'inventais ma vie, mienne, propre, unique, je découvrais la vie en inventant la mienne, je copiais pas, et puis je me suis mis à écrire, et puis j'ai eu envie de me remettre à lire, pour voir un peu, confronter ma vie avec ce qu'on disait de la vie dans les livres, et maintenant je ne m'imagine plus sans un livre avec moi. L'Ange et moi avons toujours eu une prédilection pour les zoos, du coup nous avons pris une carte annuelle pour celui de Berlin, situé en plein centre de la ville et à deux pas de chez nous, maintenant le zoo est devenu ce que nous appelons notre "résidence secondaire", hormis les animaux, le zoo de Berlin est un endroit fantastique avec beaucoup de végétation, des lacs, des ponts, on peut se mettre sur un banc et lire en entendant le lion rugir, c'est fou le bruit qu'ils font ces lions. Il paraît que Merkel, à propos de la "fierté d'être allemand", encore mal vue et pour cause, aurait dit, on n'est pas fier de ce que l'on est mais de ce que l'on fait, certes, mais finalement on est ou on devient ce que l'on fait, toujours, d'où il résulte que l'on peut tout de même être fier, ou pas, de ce que l'on est. C'est la rentrée, il va automner miraculeux, comme elle disait ma murmureuse. ©
juillet/août 2013 : ça y est, j'ai terminé de taper sur mon ordinateur les quatre romans d'Hervé et sa nouvelle "L'Outarde", qu'il avait tapés sur sa vieille machine à écrire, c'est fait, il doit être content de moi s'il le sait, je crois qu'il le sait. Le visage de Garbo est à ce point incroyable que quand on regarde des vidéos d'elle sur youtube, si on fige l'image en la mettant sur pause, quelque chose se perd, le divin redevient seulement humain. Quand c'est l'été et qu'il fait beau, aucune ville ne surpasse Berlin, aucune, suis retourné en vélo faire un tour à Tempelhof, Tempelhof il n'y a aucune photo ni aucun discours qui pourra expliquer ce que c'est, l'ancien aéroport du centre de Berlin reconverti en étendue à perte de vue où on va se perdre, en vélo, à pied, en barbecue, en bronzant, en cultivant son lopin de terre, en ce qu'on veut, ça tient du campus américain, de la campagne dans la ville, ça tient de la liberté, de la bohème et des souvenirs d'enfance. Ah ces garçons que je regardais quand j'étais petit et adolescent, ce qu'ils pouvaient me chavirer au-dedans les garçons, passé mon adolescence à les regarder, les imaginer, les rêver, et finalement j'ai pas changé, l'homosexualité pour moi, au-delà du sexe, ç'a toujours été la jeunesse, même si Hervé et surtout l'Ange ont transcendé tout ça, et même si je me sens aux côtés de tous les homosexuels, quels qu'ils soient, parce que là-dedans y a toute une variété, il en reste pas moins que je leur ressemble moins que j'aurais cru, je serai toujours d'une espèce différente, un peu en voie de disparition il me semble d'ailleurs. Mauroy est mort, la vérité c'est que c'est lui qui aurait fait un digne successeur de Mitterrand et pas les autres. Peut-on ressusciter le passé, c'est la grande question de Gatsby, et la réponse est oui mais surtout en ne le ressuscitant pas, en ne courant pas après, par exemple on ne ressuscite pas Paris en y retournant mais en vivant à Berlin, on ne ressuscite pas les morts dans le souvenir mais en continuant avec eux, on ne ressuscite pas la jeunesse en se teignant les cheveux mais en l'inventant, moi c'est l'Ange qui me ressuscite le passé, au présent. C'est dingue tous ces gens qui m'énervent. Ce ne sont plus les classes dites populaires qui votent socialiste de nos jours, ce sont les fameux bobos, comme à Paris où dans leurs beaux appartements ils votent PS pour apaiser leur mauvaise conscience. Il faut une sacrée dose d'égoïsme pour vivre, sinon on tombe dans le trou et vite. Quand Barbara chantait à Paris j'allais la voir quatre ou cinq fois à chaque rentrée, même quand j'avais plus une thune, et je prenais les meilleures places, parce qu'aller la voir, c'était pas dépenser de l'argent, c'était vital, ça l'est toujours. L'Union Européenne veut effrayer les fumeurs en mettant des images horribles de malades sur les paquets, qu'elle le fasse, l'hypocrisie moderne règne partout, et sur les bouteilles d'alcool ils mettent quoi ? la drogue est vieille comme le monde, elle peut dormir sur ses deux oreilles, images morbides ou pas. "Avec ces Français il n'est pas permis de dire la vérité quand elle choque leur vanité" (Stendhal, La chartreuse). Quelle époque coincée et qui se croit libérée, maintenant ils ne disent plus baise ou sexe ou cul, non, ils disent "libertinage", de quoi vous dégoûter de la queue ou de la chatte et du reste. Dix-huit ans que nous nous sommes rencontrés l'Ange et moi, par une belle nuit de juillet, libre, justicière, éternelle. Vingt ans que Hervé est mort ce mois-ci, mais il n'est pas mort ce moi-là. Retour en Europe quelques jours dans les familles, faut ce qu'y faut. Puis retour à Berlin pour de vraies vacances en août. Si mi la ré, si mi la ré, si sol do fa ! ©
juin 2013 : regarder le clip College Boy de Xavier Dolan pour Indochine, violent ? moins que la vérité. Vu Marina Vlady ce matin sur France 2, cela faisait longtemps, sacrée belle femme. Facebook, bof beauf, je préfère Twitter. Ces gens qui ont manifesté et manifestent encore contre le mariage et l'adoption gays ne sont mus que par une chose : l'homophobie, bien sûr ils diront que c'est faux et ils parleront de la famille, préserver les valeurs, d'accord, mais derrière tout ça quoi ? l'homophobie, comme ces familles où l'on dit à la fille, ne te marie pas avec un Noir ou un Arabe, on est pas raciste mais c'est une question de culture, de religion, ceux-là ils sont racistes quoi qu'ils nous serinent, mais c'est pas au vieux singe qu'on apprend à faire la grimace. Une des choses les plus déprimantes de l'existence et de ce qu'on appelle l'âge adulte est de devoir se préoccuper de l'argent, ce qui n'est pas le cas, ou rarement, de la jeunesse au sens de l'âge, mais une chose est de s'en préoccuper, une autre de se laisser dicter sa vie par ça, n'est-ce pas. On peut être intelligent et très con, j'en connais, des dont on dit qu'ils sont intelligents et pourtant. Je ne suis pas ce qu'ils croient et je les emmerde. Retour d'Amsterdam, c'est la ville où l'Ange et moi sommes allés le plus souvent, mais on va à Amsterdam, on revient et on dit, Berlin c'est mieux, on va à Madrid et on dit, Berlin c'est mieux, à Londres aussi et c'est dire, et pas besoin d'aller à Paris pour savoir que Berlin aujourd'hui, c'est mieux. PSG, Paris à feu et à sang, ça n'étonnera que ceux qui font semblant de ne pas voir, dans ce pays la loi du plus fort règne partout, et d'abord dans les écoles. Le problème aujourd'hui c'est qu'on ne peut plus rien dire ni faire sans avoir les chiens de la correction au cul. Moustaki, que Jack Lang en lui remettant la légion d'honneur avait appelé Moustaku- sa lang avait fourché- Moustaki donc, est allé rejoindre Barbara. Je ne supporte plus Jean-François Kahn, ses coups de gueule et le reste, c'est fini, vieux radoteur je-sais-tout, je préfère encore je-sais-tout Attali que l'Ange récemment a appelé Attila, la langue de l'Ange a aussi fourché, comme celle du diable. Quand on dit que le quotidien et les détails de la vie-à-deux tuent l'amour, je dis que c'est faux, ça dépend quel amour, en tout cas ce n'est pas toujours vrai, avec l'Ange nous avons dans notre vie de tous les jours des détails qui touchent au sublime. J'y reviens : ceux qui défilent contre le mariage homosexuel prétendent défendre la famille, et bien, s'ils veulent défendre la famille, qu'ils cessent de divorcer. Changer de vie pour ne pas changer de soi. ©
mai 2013 : Thatcher est morte, au-delà des polémiques convenues ah l'horrible femme, reste la femme justement, entière, et la comparaison avec aujourd'hui est toute faite, nos dirigeants de droite et de gauche mollassons qui naviguent au gré des bons sentiments et de l'opinion, parce qu'au fond ils n'ont aucune conviction et ne croient en rien, à quand la femme qui dirigera la France ? nous sommes en 2013, elle, c'était 1979. Thatcher, les politiciens-nains de son parti ont fini par avoir sa peau, quand ils ont commencé à avoir peur pour leur réélection, normal : la médiocrité finit toujours par se rebeller contre son contraire. Notre berger allemand de Dax est mort, Tommy, c'était un bon chien avec un regard très humain, un regard parfois très perturbé par ce qu'est la vie, il pissait toujours sans lever la patte, ce qui nous avait fait penser qu'il avait des antécédents genre lions ou tigres, il est mort comme un chien, sans bouger, il avait plus faim, lui qui aimait tant manger, j'aurais bien aimé lui donner une dernière caresse, pour atténuer sa peine parce qu'il devait en avoir de la peine, une dernière caresse avant de le laisser aller. Alors, il paraît que l'homophobie n'existait plus, que c'était un truc des anciennes générations ? Manifs anti-gay, Boston, lynchage sur l'autoroute, des torrents de haine, elle choisit pas ses quartiers la haine, elle s'étale dans les soi-disant beaux quartiers et dans les soi-disant difficiles. C'est quelque chose de mettre en pratique, de réaliser, les choses auxquelles on pensait jeune, adolescent, mettre sa vie en conformité avec soi. Lu ces lignes de Keith Haring à propos des garçons :
"Ces putains de beaux garçons me rendent fou. Ce mec dans le métro assis avec les jambes bien écartées devant lui - exprès. A me jeter des coups d'œil, ravi d'être regardé. […] Quels beaux, beaux, garçons. Je ne fais que les regarder, et je sais que ça n'arrange rien parce que je regarde simplement et que j'ai une imagination incroyable. Je peux avoir ces garçons, n'importe lequel, tous, ce soir, seul, dans ma petite chambre dans le noir - juste en imagination" (18 mars 1980). Formidable film documentaire, "Searching for Sugar man", sur l'incroyable destin du musicien Rodriguez. On a toujours un rapport étrange avec ce qu'on crée, il faut préserver le désir, s'éloigner parfois de ce qu'on a créé, Barbara le disait à propos de certaines chansons, tu les adores mais tu n'as plus envie de les chanter, et puis le désir un jour revient et tu les chantes à nouveau, un roman c'est pareil, avant d'y remettre le nez pour le parfaire, faut le laisser vivre dans sa tête parce qu'y replonger briserait le désir, tu supporterais plus tes propres mots, même un texte essentiel pour toi, surtout ceux-là d'ailleurs. Y a eu beaucoup de malheur et encore davantage de bonheur. Quand on a vingt ans, découvrir la vie, même des choses de rien, qui sont tout, c'est fascinant, vraiment fascinant, et puis après, vite ou pas, découvrir la vie c'est aussi terrible, et pour que ça reste fascinant, faut s'accrocher, mais c'est possible. ©
avril 2013 : mort de Hugo Chavez, faut jamais la perdre de vue celle-là, la mort, qui qu'on soit. Elle parle de lui comme s'il n'était pas mort, je ne la contredis plus, qui sait s'il n'est pas encore là. Je ne supporte pas les retransmissions, surtout à la radio, de matchs de football, surtout en allemand. Il faudra m'expliquer pourquoi on se moque du lifting et des cheveux de Berlusconi et pas des cheveux teints de Hollande, le fait est qu'un homme politique qui ment sur ses cheveux, ça dit tout. Les commentaires sur le nouveau pape me portent sur les nerfs, tous ces abrutis qui s'extasient dans le genre, oh un pape simple ! un pape comme vous et moi ! Dieu nous préserve qu'il soit comme vous et moi, et d'ailleurs il porte une robe blanche et nous non, encore que, j'en connais… En fait, pour mettre les choses au clair, moi, je suis de la gauche élitiste, la gauche qui ne croit pas en la naissance, même pas au mérite, je n'aime pas trop le mot, mais en la grandeur, alors qu'aujourd'hui on n'a plus qu'une gauche misérabiliste, sans grandeur, qui ne flatte que la merde et la petitesse que chacun de nous porte en soi, voilà, c'est dit, je n'ai pas changé, et je pense que l'élite doit être solidaire de ce qui ne l'est pas, les uns avec les autres. L'Ange a perdu un ami qui est mort, il est triste, moi aussi, je croyais que c'était fini de mourir de ça. Horribles semaines de froid à Berlin, un froid presqu'humain, vengeur et destructeur, contre nous. Du coup je me remets à peine d'une grippe qui m'a laissé sur le flanc, une grippe qui en finissait plus, lessivé, inquiet, soigné par l'Ange, je déteste être malade, ai toujours détesté ça, l'impression de plus être dans la vie, mais bientôt j'y retourne, à la vie !… j'ai eu au moins jusqu'à trente neuf de fièvre, à ce propos je dois dire avec émotion, que le seul qui m'ait jamais enculé dans ma vie, c'est mon thermomètre, auquel j'ai d'ailleurs toujours été fidèle, il n'a pas changé depuis mon arrivée à Paris en 1976, toujours le même, il marche toujours et je le lubrifie toujours avec un peu de salive et même comme ça parfois, il a du mal à entrer, le pauvre. J'suis un pauvre type, j'ai découvert Daniel Darc après sa mort, j'espère qu'il me voit là où il est. Est-ce qu'avoir peur, c'est être vivant. Dans mon café du dimanche, dans la Oranienburgerstrasse, le serveur est bolivien, on parle espagnol, parfois aussi avec des clients, ça fait du bien, des fois j'en ai par-dessus la tête de l'allemand et des Allemands. Lu toute une page du Berliner Zeitung sur une femme, Margot Woelk, qui pendant deux ans de la guerre, a fait partie des femmes qui goûtaient la nourriture de Hitler avant qu'elle ne lui soit servie, à cause des risques d'empoisonnement, aujourd'hui elle a 95 ans et elle en parle, durant toute sa vie elle l'a tu, même avec son mari elle ne l'a évoqué qu'une fois et il ne lui a plus posé de questions, il y a toujours l'horreur et le silence qui va avec, toute une vie parfois : il faut choisir, mourir ou mentir (Céline). Les aveux de K.U.Zac, voilà la gauche socialiste, l'hypocrisie incarnée, évidemment "il" savait, ou "il" n'a pas voulu savoir, ce qui est pareil, ça va mal finir, c'est moi qui le dis, très mal, et je prends date. ©
mars 2013 : quand j'étais prof, les mères noires de certains de mes élèves, je me souviens d'elles, c'est ce qu'il reste. Que le prochain Pape soir noir, vraiment noir. Journée d'action contre les violences aux femmes, ces violences qui montrent la saloperie que peut être l'homme, souvent. Tout ce foin pour les lasagnes de cheval, ça me laisse rêveur.
Moi ? abandonnée, ruinée, entièrement ravagée, inaltérable ! je ne bouge pas, je ne cherche toujours pas à comprendre, le sommeil, je ne crois plus qu'au sommeil (Jeanne Moreau dans "Le feu follet" de Louis Malle). Ecrire un livre demande une incroyable énergie, un vrai livre, pas une rigolade, cette énergie je l'ai retrouvée. Ces enfants qui se suicident pour harcèlement à l'école, et qu'on n'a pas défendus parce que c'est la loi du plus fort qui règne dans les écoles, comme ailleurs, dans l'indifférence et même avec la complicité de ceux qui ne défendent que les violents, quoi qu'ils disent. Je voulais voir Venise, je l'avais dit à Hervé, puis l'Ange a arrangé ça, je l'ai vue, avec lui, vu la lagune turquoise, cette sensation de Venise de voir la mort de près, Venise de mort et d'éternité, de mort lente ou d'éternité agonisante, l'hôtel de Tadzio est toujours là, ils ne savent pas ce qu'ils vont en faire mais je l'ai vu, fermé mais je le voyais ouvert, le temps s'arrête pas toujours, y avait une fenêtre ouverte mais on voyait pas dedans, on pouvait tout imaginer, sommes allés deux fois au Danieli, l'hôtel de marbre viscontien, j'ai dit à l'Ange, un jour on y descendra tous les deux, on a presque rien visité, on a circulé, regardé, j'ai dit à l'Ange, faut voir la beauté de ce monde, j'ai dit, comme Deneuve dans "La sirène du Mississipi" que c'était une joie et une souffrance d'être ici, un soir dans le froid l'Ange a eu un de ses problèmes d'estomac qui lui prennent parfois et qui le tourmentent, ça s'est terminé dans une ruelle vide et étroite comme un couloir, dans la gueule de Venise la belle. Standing ovation pour Shirley Bassey à la cérémonie des Oscars, normal, sur scène c'est la plus grande (je mets à part la femme qui chante, bien sûr). Au milieu de tout ce concert de louanges, je dois dire que je n'avais pas une passion pour Stéphane Hessel, il me fatiguait un peu. Mort de Daniel Darc, 53 ans, Taxi Girl, ai lu dans Le Monde qu'il avait dit : "Quand les gens disent 'problèmes de drogue', je dis 'solutions de drogue'. Sans les drogues, je serais mort depuis longtemps, j'aurais pas pu supporter tout ce qui se passe". Pas un César pour Holy Motors, quelle honte, mais qu'importe, le film a pas besoin de ça. Je me suis dit à moi-même, toi, qu'est-ce que tu connais de tous ces malheurs qui se déroulent à ta porte, rien, tu vis dans ton histoire, puis après je me suis dit que sur cette terre, c'était à chacun ses malheurs, qu'on pouvait pas vivre chaque seconde en se laissant abattre par le malheur des hommes, la tristesse, c'est pas ça qui sauve le monde. ©
février 2013 : très bon film sur Hannah Arendt, avec Barbara Sukowa. Fait horriblement froid, je ne prends plus mon vélo ou j'aurais le visage découpé au couteau, ce serait dommage. Le monde est à feu et à sang mais le journal de France 2 ouvre depuis plusieurs jours pendant dix minutes sur… la neige en France. Cérémonie d'investiture de Barak Obama, magnifique poète Richard Blanco, pour la première fois dans un discours d'investiture un président des Etats-Unis a évoqué nos "frères" homosexuels et leurs droits, il a cité le mot Stonewall. Moi je tremble toujours quand je l'entends venir, toujours, après dix-huit ans. Les 50 ans du traité d'amitié franco-allemand, c'est Göttingen, Göttingen et puis c'est tout. Pourquoi j'aime Scott Fitzgerald que finalement j'ai découvert assez tard, il a cette élégance du désenchantement, un amour de la vie mêlé à un désespoir distant, il y a en lui quelque chose du Alain Leroy de Drieu la Rochelle, et il y a surtout que Fitzgerald est Fitzgerald. Vieillir, c'est pas pour les mauviettes, a dit Bette Davis. Thomas Bernhard dit dans Extinction que les pensées secrètes, pas dites, sont bien plus essentielles que celles exprimées au-dehors, peut-être mais y en a qui n'ont ni pensées au-dehors ni pensées au-dedans, on en connaît tous, ceux qui ont peur de penser, qui parfois y pensent même pas à penser. Lu dans La fêlure de Fitzgerald, cette phrase de Bernard Shaw : quand on n'a pas ce qu'on aime, il faut aimer ce qu'on a. Vive la diva Taubira. Selon Alfredo, Finkielkraut aurait tapé sur le mariage gay en invoquant Rimbaud et Verlaine, évidemment ! évidemment que l'homosexualité peut être une révolte, une marge, la fierté d'être détesté par ses bourreaux, comme le Noir est fier d'être noir, évidemment, mais cela ne vaut que pour les forts, ceux qui savent se défendre, les autres, les fragiles, c'est-à-dire presque tous, ont besoin de l'appui de la loi, de l'égalité de droits pour lutter contre la violence de la majorité, on ne peut pas être élitiste sur ces sujets, on ne peut pas, et je le dis moi qui le suis si souvent, élitiste, tous les Noirs ne sont pas des Mandela, comme quoi, là, Finkielkraut, avec qui je suis si souvent d'accord, finalement, n'est qu'un crétin. A un carrefour près de Potsdamer, j'étais arrêté au feu rouge avec mon vélo, il y avait un garçon qui en se tenant sur un vélo à une roue jonglait avec des balles, à un moment les balles lui ont échappé et sont tombées par terre, quand le feu s'est mis au vert, j'ai essayé qu'il m'aperçoive et je lui ai fait un signe de la main, auquel il a répondu, je me suis dit que c'était pour des choses comme ça que la vie me faisait de l'effet, je lui ai fait signe avec un petit air un peu triste à cause de ses balles qui étaient tombées et après je me suis dit que j'aurais pas dû, parce que ses balles étaient peut-être tombées mais lui il était en haut, plus haut que beaucoup qui sont en haut de l'affiche, que ceux qui dans leur voiture ne lui donnent pas un centime. Festival de la Berlinale, on voit des films, notamment le beau Maladies, avec James Franco. 55 ans le 13, un compte rond, un nouveau roman en cours d'écriture et trois jours à Venise avec l'Ange, alors ne te plains pas. ©
janvier 2013 : nausée contemporaine : je suis innocent mais je suis prêt à payer des millions pour qu'il y ait pas de procès. Barbara était comme moi, elle adorait le poulet. En 2011, aux Etats-Unis, un crime de haine sur cinq a été dirigé contre des homosexuels, en deuxième position pour la première fois devant les crimes à motivation raciale.
You could kill me but you couldn't defeat me. La droite rance et les extrémistes religieux (qu'elle dénonce par ailleurs) main dans la main contre le mariage homosexuel, fait pas bon vivre en France, avec ces gens-là. C'est sidérant comme la France, classe politique de tous bords et journalistes, vit déconnectée du reste du monde. Finalement, malgré tous les progrès, on n'a pas avancé d'un pouce sur la seule question qui vaille : qu'est-ce qu'il y a après ? on a découvert des conneries comme les smartphones ou comment vivre plus vieux, ou comment moins fumer, mais sur si tout ça a un sens, rien de rien. Je crois que c'est parce qu'on souffre en voyant souffrir ceux qu'on aime que je me dis que peut-être il y a quelque chose après la mort, tellement parfois la souffrance peut être insupportable. L'Ange m'a offert pour le 31 décembre le coffret Barbara Une femme qui chante avec 19 cd et un livre, je suis en train de le découvrir, ou redécouvrir, je me recharge à elle, comme toujours. Maman dans le précipice, et moi, la tentation de déserter, suis nul pour les fins auxquelles je ne crois pas, je ne brille que pour vaincre la mort, je ne m'en flatte pas. Quand j'écoute ces notes de piano, je sais que je n'ai pas changé, le même, malgré tout, malgré la vie, les autres, malgré cette logique de la destruction de soi. 2013 c'est mon année, je suis né un 13 février. Cette opposition de la droite au mariage gay va me faire re-devenir socialiste, socialiste, parce que mitterrandien je le suis toujours resté, y compris quand c'était pas bien vu. Au Brésil, un meurtre d'homosexuel par jour l'an dernier ; en France, ça défile contre nous ; et dire que certains ont dit que j'avais exagéré dans L'insecte, que ce n'était plus vrai ce que je disais, j'ai pas exagéré, j'étais au-dessous de la vérité, qu'on me l'accorde. Bonne année à tout le monde, je n'envoie plus de vœux comme on dit, ça me barbe et ceux que j'aime savent que je les aime. ©
décembre 2012 : on passe sa vie à s'obséder pour des détails qu'au moment de la mort on doit se dire, si j'avais su, je me serais pas emmerdé avec tant de bêtises, mais moi, je me dirai pas ça, parce que tous ces détails c'est la vie, et la vie on fait pas le détail dedans, on vit pas en planant, ou alors si on plane, c'est qu'on s'envole avec tous les bagages, c'est ça qui a de l'allure, voler quand même, pas voler bon marché. J'ai l'impression d'écrire un deuxième premier roman. Ce mariage qu'ils appellent mariage pour tous parce qu'ils ont pas le courage de l'appeler mariage homosexuel. En sortant de la station de Friedrichstrasse où j'étais allé acheter le journal, je suis devant mon vélo, j'enlève l'antivol, à côté de moi y avait une femme qui avait l'air bizarre, grande, de l'allure, mais le genre éreintée de la vie, et là tout à coup, j'étais pas encore reparti, voilà qu'elle pousse un cri, et quel cri, et puis elle redevient normale, elle m'a fait peur la garce, je me disais, pourvu qu'elle me saute pas dessus avant que je remonte sur mon vélo, mais non, elle fumait, avec son allure, elle se parlait toute seule, en partant je lui ai fait un petit signe qu'elle a évidemment pas vu, je l'ai pas fait pour ça, je l'ai fait pour moi, en solidarité, pour lui dire qu'on était tous dans le même bateau, celui des cris de la vie, simplement y a ceux qui crient au-dehors et ceux qui crient au-dedans, toutes sortes de cris d'ailleurs, parfois des cris de joie, des cris silencieux, etc. Du point de vue du symbole, pour les gays, la différence est énorme entre le mariage et le pacs, je l'ai bien vu en Espagne, le mariage te donne cette égalité parfaite en droit qui te protège de la violence, même celle des regards qui n'osent plus mal te regarder, elle permet aux fragiles de marcher dans la rue sans peur, mais ça pour le comprendre, faut faire partie de l'histoire. Alfredo a dit que je ressemblais un peu à Patti Smith, parce qu'avec tous mes morts, j'étais quand même très vivant, dans la vie quoi, il l'a pas dit exactement comme ça mais ça voulait dire ça, en fait ce qu'il a dit était plus drôle que ce que je rapporte là mais malheureusement ce n'était compréhensible que de nous deux. Barbara, samedi 24 novembre, si mi la ré, si mi la ré, si sol do fa ! Noël approche, on repart et on revient, en attendant à mort la haine et vive le vent ! ©
novembre 2012 : dans un texte que tu écris, tu ne peux pas tout mettre, c'est impossible, et en même temps il faut que tout ce qui n'y est pas, y soit quand même : il faut qu'un roman soit plein de tout ce qui n'y est pas. Retour de Londres, on voudrait toujours rester comme ça, hors les choses et dedans quand même, nous deux seulement, mais aussi nous deux et les autres, il faisait nuit, on était sur un banc devant la Tamise, la Tamise qui bouillait des choses impossibles qu'on voudrait possibles, Londres c'est son fleuve, tout ce qu'il remue, on marchait, on faisait des achats parce qu'on est humains et que ça nous plaisait beaucoup même, je regardais l'Ange, je me disais, je me disais tant de choses. Aperçu aujourd'hui dans le Tagespiegel une interview d'un scientifique qui dit qu'un jour l'homme pourrait devenir immortel, un rêve je me suis dit, et puis finalement non, on est déjà trop nombreux alors immortels j'ose pas imaginer, et puis vivre sans savoir qu'on va mourir, quel intérêt, le tout c'est de ne pas mourir trop tôt, d'avoir sa chance, et puis après d'aller voir ailleurs si on y est. Quand j'ai fini d'écrire, je prends mon vélo et je fais un tour, pour repenser à ce que je viens d'écrire, laisser venir les pensées, aujourd'hui j'ai fait un tour dans le parc de Gleisdreieck, je me suis assis sur un banc, avec mes pensées, je regardais le parc, et là je me suis extasié sur le mécanisme de l'œil, moi j'ai qu'un œil qui voit mais il voit, quelle merveille je me suis dit de pourvoir voir, même ce qui est laid finalement, et puis le beau, voir l'Ange, l'Ange qui d'ailleurs en ce moment m'énerve parce qu'il va jamais dormir en même temps que moi, il me manque dans le lit, mais lui depuis toujours il aime laisser traîner la nuit un peu tout seul dans le salon, c'est pas nouveau mais des fois ça m'énerve, en même temps j'ai jamais voulu le priver de ça, de rien d'ailleurs, je répète assez qu'aimer est le contraire d'une prison, alors ça fait longtemps que je m'endors seul pendant qu'il vagabonde sa nuit de l'autre côté du mur. Un jour j'avais dit, quand je suis en train d'écrire, je n'ouvrirais pas même à Dieu s'il sonnait à ma porte, Mark m'avait demandé : et à Hervé, tu lui ouvrirais ?, j'avais dit, à Hervé, peut-être que je lui ouvrirais. Suis mon pire tyran, l'ai toujours été, en comparaison les autres ne sont que des tyrans d'opérette. A peine désigné, le candidat des socialistes allemands aux prochaines élections législatives a des problèmes, on vient d'apprendre qu'il se faisait payer des millions d'euros pour donner des conférences, ça n'étonnera que ceux qui croient encore que les socialistes sont socialistes, rien que des petits bourgeois, hypocrites et donneurs de leçons par-dessus le marché. Le gouvernement français va prendre des mesures contre l'homophobie, pendant que la droite avec son train de retard tire sur le mariage gay sans rien comprendre à nos souffrances. On vit tous avec des chansons, on les fredonne comme des midinettes, on les adore, elles font partie de notre patrimoine au même titre que le reste, et ce que je dis vaut même pour les génies, les grands esprits qui eux aussi fredonnent et ont leurs chansons, et ceux qui font la fine bouche et disent le contraire sont rien que des complexés de l'intelligence et des crétins. Obama, yes, yes, yes. Jonny K., 7 avril 1992-15 octobre 2012. ©
octobre 2012 : les Français ont les dirigeants qu'ils méritent, qui leur mentent parce qu'ils aiment ça. Depuis que j'écris mon roman, j'ai moins envie de blogger. Et les profs aussi ont que ce qu'ils méritent, ils avaient qu'à se rebeller avant et pas subir, même parfois trouver très bien qu'on leur chie dessus. Hier soir, l'Ange est allé tôt au lit parce qu'il se sentait enrhumé, moi je voulais lire un peu avant de le rejoindre, mais lui il voulait me sentir à côté de lui, je suis resté, et puis j'ai redit, je vais aller lire au salon, il a dit, alors, tu préfères rejoindre ton connard, mon connard c'est Félix Krull, le héros du livre de Thomas Mann que je suis en train de lire, l'Ange l'appelle mon connard parce qu'il est jeune et très beau, je suis pas allé lire, je suis resté avec lui. Ceux qui ne sont pas indignés par la bassesse humaine, sont ceux qui se désintéressent des hommes, ceux qui croient en l'homme, ce sont ceux-là qui se scandalisent de la médiocrité, même chose dans l'éducation, ceux qui trouvent toutes les excuses à la médiocrité sont ceux qui se foutent des élèves et ne croient pas à leur grandeur, et inversement si les élèves chient à la gueule des professeurs, c'est parce que ces derniers sont faibles avec eux et donc les méprisent. Ceux qui à droite défendent des choses auxquelles je crois comme l'excellence ou la lutte contre la violence ne sont malheureusement souvent par ailleurs que des réactionnaires rances indifférents au malheur des minorités et qui me dégoûtent, et à gauche ceux avec qui je partage d'autres choses, ne sont aujourd'hui bien souvent plus que des bien-pensants hypocrites dégoûtants aussi, alors ?... A lire Félix Krull, je me dis que définitivement Thomas Mann était homosexuel, mais pas un homosexuel primaire, un homosexuel surtout épris de jeunesse et de beauté, comme moi. Ecrire à nouveau me stabilise. La mère de Imad Ibn Ziaten, la première victime de Merah, une femme incroyable, elle a tout dit sur la question. Tu ne revis le passé qu'en vivant au présent. Le plaisir d'écrire, c'est de refaire le monde et d'être Dieu, la douleur d'écrire, c'est de ne pas pouvoir refaire le monde et de n'être pas Dieu. Ai parlé avec maman du film "Amour" avec Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva que j'ai vu hier avec l'Ange, elle voulait aller le voir, je lui ai dit que peut-être valait mieux pas, aimer ne peut pas être seulement une agonie. J'ai vraiment beaucoup aimé Holy Motors de Leos Carax, et en prime "Revivre" de Gérard Manset, et Paris filmé comme rarement il l'a été, et puis ça aussi : aucune envie qu'on m'explique le film. Ecrire c'est comme une drogue, ses effets, parce que ça pulvérise le réel : au-delà, toujours au-delà ! comme disait Jean Bouise dans mon film de Godard. Qui dira que quand on augmente le prix du tabac, ce sont les moins favorisés qui sont touchés, les prisonniers, les malades, les ouvriers sur les chantiers, etc., personne ne le dit et tout le monde se drape dans sa sale bonne conscience. A la salle de gym, l'Ange et moi nous avons nos préférés parmi les garçons qui s'entraînent, ceux qu'on appelle nos "icônes", et les jours où ils ne sont pas là et qu'il n'y a que des affreux à regarder, nous on dit : aujourd'hui pas d'icônes, rien que des connes. Voyage à Londres dans quelques jours, juste nous, la reine et Harry.©
septembre 2012 : A Berlin les mouettes, oui il y a des mouettes à Berlin, quand elles crient, on a l'impression qu'elles rigolent comme des folles, d'ailleurs ce doit être ça, elles savent, elles, combien tout est comique finalement et à crever de rire. On l'a déjà dit mais je le répète, ce qui compte c'est la route, toujours, jamais quand on arrive, d'ailleurs on arrive jamais et Dieu merci, la route seulement, sa nuit et ses soleils. Toutes ces petites prostitutions additionnées qui sont la vie, non merci, je préfère rien avoir mais ne me faire enculer que par moi-même. Je supporte pas les insectes, je les tue, sans arrêt, l'été. Revu le film sur Françoise Sagan, Sagan est morte ruinée, abandonnée, pleine de malheur, elle qui incarnait une forme de légèreté, la légèreté c'est pas une vie, ça se paye trop cher, alors faut vivre lourd, plus lourd que les malheurs. On est revenus en France, on l'avait hospitalisée, elle pouvait plus marcher, le lendemain elle remarchait, quand on est arrivés dans la chambre, elle pleurait, elle croyait qu'on l'avait abandonnée, on était le bonheur qui revenait, c'était mon grand retour dans les hôpitaux, les hôpitaux c'est le monde à côté de la vie, et c'est toute la vie en même temps, le malheur des hommes, on l'a pas quittée, elle était heureuse aussi de voir l'Ange, et lui, l'Ange, avec elle, a été mon héros cette semaine-là encore plus que d'habitude, fallait voir pour croire, on se baladait dans les couloirs, on descendait dans le jardin, on mettait des chaises sur l'herbe, on riait quand même, je voyais ma vie défiler, je voulais pas grandir, j'était son enfant, malgré tout elle mangeait bien, j'ai dit à l'Ange, elle est comme moi, elle est angoissée mais elle veut vivre, elle a toujours été fragile, elle était ma force, on s'est jamais autant embrassés, un jour en la couchant, je lui ai dit, on va quand même pas s'embrasser sur la bouche, elle a dit, non, même si on aurait envie, elle est revenue à la maison, pendant ces quelques jours, les aides à domicile, ce fut nous, épuisant, tellement épuisant qu'on sent plus la fatigue, comme tous ces gens qui vivent ça et pire, on va vers la mort, pas vers la vie, disait Barbara, elle m'avait accompagnée la voir deux fois à Paris, Pantin et Lily Passion, elle s'en souvient encore, le matin dans le lit je la prends dans mes bras, on reste là comme ça, on sait, le vendredi je suis allé à l'enterrement de la voisine, on enterre sans arrêt dans ce monde curieux, je l'ai vue nue aux toilettes, je l'ai rhabillée, je lui ai dit qu'elle avait encore un beau corps, ce qui est vrai, je l'ai toujours aimée comme un fou, difficilement parfois mais c'est aimer qui veut ça, le dernier jour elle a dit, j'ai tellement pleuré, tellement ri, je suis tellement vivante, dans sa chambre à l'hôpital elle était pas seule, y avait une femme qu'on oubliera jamais, au début on la trouvait gênante parce qu'elle parlait sans arrêt, en gémissant, Alzheimer, et puis maman s'est prise d'amour pour elle, elle lui prenait la main, la réconfortait, Yvette, Yvette et sa moustache, et sa petite barbe, une personnalité, ça la rendait belle, parfois elle était très gaie, elle chantait, elle nous faisait rire, et puis ça repartait, les plaintes, maman lui faisait réciter le Je vous salue Marie, on en rencontre des gens dans la vie, on se sent fiers de ça et bouleversés sans arrêt… A côté de tout ça, Berlin c'est quand même un peu le paradis, et c'est difficile à chaque fois d'en partir, mais c'est tellement bien d'y revenir. Ai commencé mercredi 5 septembre l'écriture d'un nouveau roman, le premier en français depuis 10 ans, champagne ! j'ai peur mais j'avance, toutes les histoires sont écrites dans les débuts, j'ai un titre… ©
août 2012 : moi le soleil de plomb et le ciel trop bleu, parfois ça m'angoisse, et pourtant, la mer était si verte, et l'Ange si heureux, y a que chez lui que le bonheur me dégoûte pas, les gens heureux, quand on les voit, ils donnent pas toujours envie, pas lui, le voir heureux ça te bouleverse, on a eu plein de souvenirs, des choses que nous deux on sait c'était pas possible de les vivre tout à fait au présent, parce que le temps est ainsi, le présent prend tout son sens après, dans le temps, c'est pour ça que rien finit jamais, on prenait le bus pour aller sur nos plages, ces bus grecs qui nous ont fascinés, sur ces routes étroites sans trottoirs, un chauffeur de bus de là-bas il pourrait conduire un bus n'importe où, moi Mykonos j'en avais pas vraiment envie, il m'a forcé, il m'a toujours forcé à partir et il a toujours eu raison, on avançait comme ça, sur la route de nuit, on prenait le bateau de plage en plage, on pensait à Charlene avec son Champagne sur son yacht, on riait, on était perdus dans l'immensité comme on aime, il m'a dit, le Sud a besoin du Nord, mais surtout le Nord a besoin du Sud, dans un des bus, je me rappelle de ça, un garçon noir, je l'avais remarqué quand il est monté, peut-être venu d'Afrique, dans ces bateaux, il a donné son ticket au conducteur du bus pour qu'il le déchire, le conducteur a pris le ticket, l'a mis dans un sens, puis dans l'autre, puis il le lui a rendu sans le déchirer, alors le jeune Noir lui a mis la main sur l'épaule et il est allé s'asseoir. Finalement, avec qui je m'entends bien maintenant ? ça c'est la question, je me sens bien avec les gens mais quand ça dure pas trop longtemps, en fait je m'entends bien avec les garçons, pas ces garçons qui sont des brutes, les fragiles, les doux, les drôles. Le soleil, on pourrait le toucher. Maintenant chez le coiffeur, je ne parle plus pendant que je me fais couper les cheveux, ras-le-bol des salamalecs, surtout en allemand. Qui peut croire qu'on en a fini avec l'homophobie ? Impossible de dire ce que c'est, Berlin, irracontable. Maman qui mélange un peu tous les mots maintenant, appelle souvent Angela Merkel, Merguez. J'écoute, grâce à mon ami A. qui m'en a parlé, une série d'émissions consacrées à Barbara, sur radio canada, à chaque fois comme toujours, elle me rend beau. Même si j'ai beaucoup souffert du manque de reconnaissance, je peux bien le dire aujourd'hui, je suis pas un écrivain, ce qu'on entend par là, écrivain je me retrouve pas là-dedans, c'est trop peu, c'est ridicule. Qu'est-ce qui est le plus terrible, avoir vécu ça, ou ne pas pouvoir en parler. A la piscine de Kreuzberg, allongé sur l'herbe, je me dis, ce garçon il est mignon c'est vrai mais qu'est-ce que j'ai en commun avec lui, rien, et avec l'Ange que je regarde aussi, tout, et même si ce "tout" est toujours à recommencer, infini. Y a des gens tellement bêtes que même de dos, on voit leur bêtise. En vélo sur l'ancien aéroport de Tempelhof, toujours cette Histoire que transpire Berlin, nous roulant sur les anciennes pistes, des immensités comme en Amérique, comme le campus de Santa Barbara, les garçons et les filles sur l'herbe, dans l'immensité. Réécouté Duras, elle dit qu'un écrivain n'a pas de vie vécue, parce qu'il a pas le temps, la seule vie vécue, c'est écrire. Moi, je n'écrivais que dans la mesure où j'avais une vie vécue. Ah maman qu'il est long le voyage. Dax, Madrid, puis Berlin à nouveau, et ainsi de suite. Chavela a rejoint Federico. ©
juillet 2012 : J'avais tapé mes cinq premiers romans sur un ordinateur Amstrad qui n'existe plus, du coup j'ai passé deux années à les retaper sous Windows, Hervé aussi avait tapé ses quatre romans sur une Amstrad, alors maintenant je me suis mis à taper les siens sous Windows aussi, pour les avoir dans l'ordinateur, le gardien de la mémoire, c'est moi. Dans ma salle de sport, certains hurlent en soulevant des poids, souvent ils ont cet air idiot que présupposent leurs gros muscles, ce qui est intéressant c'est toujours les contraires, j'en ai connu, des beaux corps avec de beaux esprits, j'en ai connu mais pas beaucoup. Découverte scientifique paraît-il déterminante sur l'infiniment petit et l'origine de la matière, moi je m'en fous, malgré toutes leurs découvertes une larme restera toujours une larme, et un sourire, un sourire, disait Barbara, et là-dessus ils ne découvriront jamais rien. Dans "Le dernier nabab", Fitzgerald parle de la fierté de Monroe Stahr devant l'empire qu'il a créé, Hollywood, et toi, me suis-je dit, c'est quoi ton empire ? tes livres ? non, pas vraiment, même s'ils font partie du tout, l'empire il est en moi, cette vie que j'ai faite, construite, dont probablement je suis le seul à savoir ce qu'elle est, presque le seul disons. Moi j'ai jamais vraiment été intimidé par les gens en fonction de leur place dans la société, chaque personne m'intimidait parce que c'était une personne, ou me dégoûtait. Les socialistes vont refaire une réforme de l'école qui comme d'habitude avec eux va aggraver les inégalités sociales, rien de plus répugnant que la politique des bons sentiments. Ne pas s'habituer à la beauté. Terminé la préparation de mon roman, je commencerai à l'écrire en septembre, d'ici là j'écris au-dedans, sans écrire. Les femmes noires en Afrique sont si belles, et ailleurs, les mères surtout. Un écrivain qui parle de son livre, c'est en général insupportable tellement il se prend au sérieux. Parfois j'ai envie de lire des livres que j'ai dans notre bibliothèque mais que je n'ai pas encore lus, récemment je suis tombé comme ça sur Marguerite Duras et Hervé Guibert, mais j'ai renoncé, je les aime beaucoup mais c'est comme s'ils faisaient partie d'un passé passé. Il y a une religieuse à l'université de Yale, sœur Margaret Farley, qui appuie les revendications des homosexuels. Parfois je parle mal des Allemands mais en même temps, je me dis, c'est un peuple qui a beaucoup souffert, je le dis moi qui me suis toujours senti si proche des juifs. Berlin sans les ruines de l'après-guerre, un Berlin comme Paris ou Londres, sans tous ces immeubles rasés, anéantis, ce serait plus Berlin et c'est tout. On voyait la jeunesse comme le seul absolu. Le remède c'est le rire, avec l'Ange on rit souvent ensemble, souvent en se moquant des crétins de toute sorte, et y a à faire. Dans "La cave", Thomas Bernhard parle du "moment décisif" de sa vie, celui qui a déterminé sa vie future, mais pas un moment passif, une décision, décisive, et toi ? ton moment, ta décision décisive ? sûrement ce jour de juin 1978 dans un bus à Paris où d'une seconde sur l'autre j'ai accepté les garçons, et puis peut-être aussi le moment où, alors que je n'avais désespérément plus de travail ni plus un sou, j'ai refusé d'être l'attaché de presse d'un important ministre, pour pouvoir être en accord avec ce que j'écrivais dans mon premier roman, "Vie d'Ange"… Retour de Mykonos, j'en parlerai plus tard, les dieux, l'Ange, le soleil… ©
juin 2012 : Le ciel bleu un court instant, on vole en vélo, lui et moi, on s'entend, on se reconnaît. J'appelle ma mère, on rit, on rit malgré. Berlin, c'était la ville qu'il nous fallait, même si maintenant on sait aussi prendre de la distance, et maudire son climat, et parfois les allemands, les hommes surtout, évidemment, leur brutalité certains, et oui, leur brutalité, même si pas tous, mais Berlin échappe à ça, Berlin est souveraine, immense, y a à Berlin des immeubles près du canal qui me rappellent des immeubles de mon enfance à Dax, avec de l'herbe, pas très beaux mais où on vit bien, comme dans les films. Vacances d'été, temps pourri, du coup on va engraisser la Grèce, une semaine, pour nos anniversaires : le 8 juillet, nos 17 ans ensemble, le 16 juillet, l'anniversaire de l'Ange, et le 23 l'anniversaire de l'éternité d'Hervé, le tout se mêlant. Dans les vacances d'été y a toujours eu quelque chose qui tient de l'éternité, même si tu pars pas, ç'a toujours été comme ça, les vacances d'été, elles finissent jamais et puis un jour elles finissent mais elles te laissent ce goût d'éternité qui reviendra chaque année. Quand il sera vieux, moi je serai encore plus vieux que lui, mais je veillerai sur lui, ce sera comme ça, et d'ailleurs il sera jamais vieux, ce sera toujours mon enfant. Elle arrivait toujours vers nous les mains ouvertes, c'était une messe, c'était irracontable, y a que nous qui savons. Les vraies amitiés, c'est les amitiés nées de la jeunesse, au moins d'un côté il faut qu'il y ait de la jeunesse, les autres amitiés, j'aime moins. Les prostituées de la Kurfürstenstrasse clopent entre deux orages, parfois je vois rôder près d'elles des mecs qui doivent être leurs macs, je les aime pas, ils me dégoûtent, pas elles. Nous n'attendions jamais le printemps, nous partions devant lui. J'ai fait un petit lapsus concernant le nouveau Président, en mélangeant la gauche molle de l'un et la fraise des bois de l'autre, j'ai parlé de fraise molle. Le minitel est mort, ça fait drôle tout de même, parce que le minitel, c'était pas que le minitel, c'était internet avec le mystère en plus, c'était comme une immense première fois, ces premières fois qui reviendront plus et qu'il faut toujours passer son temps à s'en trouver d'autres, des premières fois pour continuer à vivre, sacré minitel, je m'y revois encore, à naviguer l'inconnu. La victoire de l'Espagne au football est à l'image du pays, pleine de vie, et la défaite de la France aussi, à son image, puante. Je cherche mon livre de vacances pour la semaine Mykonos, j'ai dit à l'Ange que j'allais peut-être relire "Les Démons" de Dostoïevski, que je n'ai lu qu'en espagnol jusqu'ici, j'ai senti comme de l'ironie dans sa réaction, du genre, ah oui, un vrai livre de vacances ça. A moins que je ne lise "Lucien Leuwen" que je n'ai jamais lu, moi je suis comme Sagan, j'adore Stendhal. L'histoire du dépeceur de Montréal m'a laissé songeur, moi qui suis si peu enclin à trouver des excuses à la violence (au contraire des voleurs pour qui j'ai un petit faible), je sais bien quand même que toutes les enfances se valent pas, que l'injustice, c'est la vie, et qu'on sait jamais où elle nous mène(ra). Voilà pour la reprise de ce blog écrit qui à n'en pas douter réjouira tous mes fans de par le monde. Comme disait Marthe Keller dans "Fedora" de Billy Wilder, à Henry Fonda qui venait de lui remettre un oscar d'honneur sur son île grecque : " Say hello to all my friends in Hollywood ". Marthe Keller qui par parenthèses est encore plus belle que du temps de "Marathon man" et "Bobby Deerfield", il est vrai qu'avec l'âge, on a, dit-on, la tête que l'on mérite. La beauté, c'est une conquête. ©