Hervé Loyez    Hervé Loyez    Hervé Loyez    Hervé Loyez    Hervé Loyez    Hervé Loyez


Dernières lectures :

"UN GARÇON PRÊS DE LA RIVIÈRE", Gore Vidal ***
"ROY COHN", Philippe Corbé ***
"CONCLAVE", Robert Harris **


Hervé et Mark :

Extrait de « QUAND NOUS SERONS À MUKALLÂ », de Hervé Loyez :

Hervé Loyez « 26 juillet 1990.
Vincent ! J'avais laissé la consigne à Djamilah, ton infirmière : "Vous lui direz que je suis parti en vacances, vous lui direz que je ne supporte pas, que je ne lui pardonne pas son attitude d'hier soir".
"Va ! Tu m'oublieras vite !" Il n'est plus nécessaire de te décrire l'effet qu'ont provoqué en moi ces paroles dans ta bouche : Va ! tu m'oublieras vite ! Je me suis demandé ce qui t'avait poussé à les prononcer, je m'interroge encore. Est-ce ma faute si Vincent doit mourir ? Comment peux-tu m'en vouloir d'une impuissance qui me ronge, autant que la maladie qui t'emporte et me rapproche de toi ? Il ne restait que les mots, Vincent, devant ton injustice, les mots et mon silence, quatre semaines d'un long silence. Je t'ai parfois souhaité cette mort dont tu me parles trop, dont tu parles si mal. Et je songeais : "Vincent disparu, Vincent tel qu'en lui-même, tu m'appartiens, je te connais, je te sais mieux que toi". Jusqu'où m'entraînes-tu Vincent ? Je voudrais être à ta place, souffrir pour toi. Qu'est-ce que je raconte là ? Mais nous y sommes ! Ne me dis jamais plus "Tu m'oublieras vite". J'ai commencé d'écrire ce roman pour me venger de toi, avec l'envie de t'arracher des larmes qui ne fussent plus des larmes sur toi-même. Je priais à haute voix- quoi ? la dignité, la conscience d'être un homme : "Aidez-moi car j'ai besoin de l'admirer parce que je l'aime". Tu excuseras, Vincent, mes exigences pour toi puisqu'elles ne sont pas vaines. Le piège s'est refermé. J'ai retrouvé celui que je n'avais jamais perdu. Tu es en moi, je te comprends. Enfin je me comprends. Contre toi-même et grâce à toi. Vincent ! la vie est moins injuste que vous...
Je prenais des nouvelles de Vincent, à ton insu, deux fois par jour, Djamilah me disait : "Il ne va pas si mal". Il nous en reste du temps ! Avant, après, tu es le temps qui reste. Jusqu'à ma propre mort.
Il y a, dans la chambre à côté de la tienne, un cas bien étrange pour la science. Un jeune homme du nom de Jérôme victime d'un accident il y a trois ans. Il paraît qu'il va se réveiller bientôt : le professeur Xui Hoang, qui s'occupe si bien de toi, le croit dur comme fer. Pour lui ce sera la gloire. Et je crois bien qu'il aime Jérôme tout autant, et même plus que la gloire. Nous autres hommes, si nous étions plus simples... Va, je te pardonne.
Mon analyste (tu connais Constance !) vient de m'annoncer qu'elle a plaqué son bonhomme (dit-elle). Elle me téléphone quotidiennement. Elle se réjouit de sa liberté retrouvée. Je devrais peut-être changer d'analyste. Qu'en penses-tu ? Nous ne reverrons plus Maurizio que tu trouvais charmant. C'est vrai qu'il est mignon.
J'ai parlé l'autre jour à une vieille femme dans la rue, tout près de Saint-Louis. Comme elle sentait l'alcool j'ai cru reconnaître ma mère. Une erreur comme une autre. Elle avait l'air d'attendre quelqu'un.
Pour faire patienter le coursier qui t'apportera mon manuscrit d'ici une heure ou deux, je lui ai versé un verre de whisky pur. J'ai terminé ma lettre. J'inscris sur l'enveloppe : "Vincent Pradau. Hôpital Saint-Louis. Chambre 508". Tu auras terminé ta lecture au matin.
Demain dès l'aube je partirai. Il fera beau. Je traverserai la place de la République, je regarderai la statue, elle me parle de toi. Je longerai le canal. Quai de Jemmapes je m'arrêterai dans un troquet. J'irai peut-être voir Constance rue Saint-Maur. Je lui conseillerai : "D'ici quelques jours va donc acheter au café du rond-point un paquet de tabac". Je donnerai cinquante francs à Simone. Elle ne me criera pas "Merci !", il y faudra un peu de temps. Quand il sera dix heures j'aurai grimpé les cinq étages. Je jetterai un œil, un instant, dans la pièce à côté. L'infirmière m'annoncera : "C'est pour bientôt. C'est une seconde naissance". Jérôme !
Et mon cœur s'emballera. Je pousserai d'une épaule la porte de ta chambre, avec dans mes mains deux poches pleines de sandwichs. Tu ne me diras rien, je t'ai tout dit déjà. Je n'ai plus peur, je crois en la vie éternelle au cours de nos jours, Vincent ! © »

Hervé Loyez, 1958-1993, écrivain, auteur de "Le voyage à Alba", "Les enfants de la folie" (extrait paru dans le nº8 de la revue "Les hommes sans épaules"), "Les petits enfers de David Lorentz", "Quand nous serons à Mukallâ", et "L'Outarde" (paru dans la revue "Le serpent à plumes", nº26)


Extrait du « journal » de Mark Anguenot Franchequin :

Mark Anguenot Franchequin « Je déteste quand les hommes cherchent à vouloir tout scientifiquement expliquer, justifier et comprendre. Il nous faut savoir garder une place aux choses mystérieuses qui nous dépassent et que nous ne saisirons jamais. Que seraient nos existences misérables de petits mortels sans cette part d'inconnu qui nous entoure et nous assaille. Je revendique des rêveries déraisonnables, extravagantes, inhumaines, chimériques, au moins nous permettent-elles d'échapper un temps à la cruelle réalité, à l'insoutenable et écœurante réalité. C'est dans ses rêves et son imaginaire, dans ses capacités à fuir la médiocrité quotidienne, à la rejeter que, sans doute, l'homme est souvent le plus beau et offre au monde une face de lui-même acceptable, c'est quand l'imaginaire prend le pas sur le réel que la vie devient un petit peu moins insupportable. C'est ce qui m'émeut chez la plupart des artistes, ils savent que leur mission est bien de nous alléger de nos souffrances, de nous convier au désordre de l'esprit par le beau et l'originalité de leur vision, de nous dérober aux affres de notre condition, de nous dérégler de notre trajectoire en nous soumettant à leur bénéfique et constructive dérivation : que serait un monde sans art ni fantaisie dans cette sinistrose qu'est la vie ? Leur invitation au voyage est un bienfait pour l'humanité qui de toute façon flotte lamentablement et ne parvient pas à contrôler ni ses vents ni ses coups, ils nous sauvent de la déprime et leur présence saine contribue à notre salubrité mentale... © »

(Mark avait demandé que soit publié dans Libération le communiqué suivant : « Mark Anguenot-Franchequin, né le 8 juin 1958 à Besançon, est décédé du sida après une longue lutte contre la maladie. Il nous a quittés sans honte et sans regret pour rejoindre la terre de ses racines.
La vie est injuste et dégueulasse. C'est un long voyage au bout de la nuit. J'ai beaucoup souffert, mais j'ai aussi connu le bonheur, l'amitié et l'amour.
L'existence est difficile mais on peut vivre quand même et on doit le faire, coûte que coûte. L'aventure en vaut le coup - Mark »)

Mark Anguenot Franchequin, 1958-1994, pionnier de la lutte contre le sida en France, il a notamment été à l'origine de Sida Info Service ; son journal est le témoin de son amour révolté de la vie




Kino

The Great Lillian HallThe Great Lillian Hall
de Michael Cristofer, avec Jessica Lange, Kathy Bates


c'è ancora domaniC'è ancora domani
de et avec Paola Cortellesi


scrapperScrapper
de Charlotte Regan, avec Harris Dickinson, Lola Campbell, Alin Uzun


la canciónla canción
créé par Pepe Coira y Fran Araújo avec Patrick Criado, Àlex Brendemühl, Marcel Borràs, Carolina Yuste