Hervé Loyez    Hervé Loyez    Hervé Loyez    Hervé Loyez  Hervé Loyez    Hervé Loyez


Dernières lectures :

"UN ÉTÉ DANS L'OUEST", Philippe Labro
"UN AUTRE M'ATTEND AILLEURS", Christophe Bigot
"CALIGULA", Albert Camus
"BARTLEBY LE SCRIBE", Herman Melville


Hervé et Mark :

Extrait de « QUAND NOUS SERONS À MUKALLÂ », de Hervé Loyez :

Hervé Loyez « Julien regarde par la fenêtre, fait le tour du salon, s'assied dans un fauteuil. Seul. L'absence de Vincent est soudaine, totale. Entre le décès de Vincent et ses obsèques, Julien avait vécu dans l'attente de celles-ci. Savoir Vincent si près, même allongé dans son cercueil, procurait un certain réconfort. Julien se disait : "Il s'est éteint, sa présence brûlera toujours en moi". Et cette formule lui déplaisait, elle sonnait faux. Qui, ayant perdu un être cher, ne l'a pas prononcée sans y croire ? Cette absolue souffrance, cette séparation ne pouvaient être niées. Les mots, l'amitié, Dieu ne les rendaient que supportables. Il y avait l'existence avant le départ de Vincent, et l'existence après. Cette réalité lui parut intangible. Et cependant, à défaut de s'en abstraire totalement, Julien ne pouvait-il la transformer ? Vincent disparu, que restait-il si l'essentiel était Vincent ? L'amour que lui portait Julien, une émotion- lorsqu'il pensait à lui- semblable à celle qu'il éprouvait en le voyant, le sentiment de sa proximité quelle que soit l'heure du jour, un regard identique "sur ce qui nous importe". Une telle communauté de destin les avait réellement unis et, en définitive, seule importait cette certitude. Contre cette évidence, l'inéluctable perdait de sa superbe. Ce qu'il fallait sauver n'était pas la mémoire de Vincent, mais ce regard, cette présence, cette sensation immédiate et fluide. Une telle exigence était-elle concevable ? Elle était en contradiction avec la nature même de l'homme qui n'était que l'oubli. Au bout du compte, ce qui était en cause n'était pas l'exigence mais le désir que Julien avait de celle-ci. Cette volonté était entière. En ce sens la mort n'était pas cette catastrophe insurmontable. Elle ne constituait ni plus ni moins qu'un défi. Sans doute d'autres que lui l'avaient-ils relevé. Il se revit au chevet de Vincent.
Il lui tenait la main, Vincent respirait encore. "Entends-tu le grondement de l'orage ? Est-ce que tu sens l'odeur de la terre détrempée ?" Julien ouvrit grand la fenêtre, le vent s'engouffra, la pluie pénétra dans la chambre. Il prit Vincent dans ses bras, endormi, si léger. Il regarda la ville immense et désertée, semblant sauter sous les éclairs ; le monde à leurs pieds, ruisselant et lointain, fit un vacarme du tonnerre. Mais tout ce bruit ne les concernait pas. L'eau a mouillé les cheveux de Vincent, une goutte descend le long du front, "Tu es beau". Un garçon dehors marchait sous la pluie, il s'éloignait lentement. Julien le suivit des yeux. Les doigts de Vincent se contractent. Un soubresaut a parcouru ses lèvres. Jérôme s'enfonçait dans la nuit. "Comme tu es devenu lourd Vincent !" Julien le déposa sur le lit. Il entendit une sirène, une plume d'oiseau portée par le vent effleura son épaule, elle caressa la joue de Vincent. "Pour mourir il nous faut être deux." Il contemplait le corps inerte de Vincent semblable exactement à ce qu'il avait été pour toujours. Où se dessinait, sur cette figure, les traces, la peur du néant ? Vincent tel qu'en lui-même : un simple arrêt des battements de son cœur. Julien regarda le visage une dernière fois. L'orage s'était calmé, la lune dans le ciel dessinait un halo pâle. Il referma la porte délicatement, et quitta l'hôpital, sans désespoir. Le vent dans les arbres, les passants, une odeur, tout se rapportait à Vincent. Vincent était dans tout. La vie, inaltérable et à la fois si différente, se continuait ; son but ultime resterait identique. "A travers moi et avec lui. Avant et après ma destinée se ressemblera, elle ressemble à la nôtre." © »

Hervé Loyez, 1958-1993, écrivain, auteur de "Le voyage à Alba", "Les enfants de la folie" (extrait paru dans le nº8 de la revue "Les hommes sans épaules"), "Les petits enfers de David Lorentz", "Quand nous serons à Mukallâ", et "L'Outarde" (paru dans la revue "Le serpent à plumes", nº26)


Extrait du « journal » de Mark Anguenot Franchequin :

Mark Anguenot Franchequin « Hervé s'est envolé pour toujours hier, le 26 juillet 1993, à l'âge de 35 ans ; j'ai très envie de le suivre...
Il y a indiscutablement des carences insoupçonnables face à notre conception limitée de la pluralité des mondes et au respect de l'intelligence, de la nécessité des autres cultures, des autres races que celle à laquelle on appartient et dont on n'est en rien responsable. Je n'aurai jamais l'audace de mépriser un étranger, de me sentir supérieur à d'autres êtres humains de couleur ou de mœurs différentes des miennes. Qu'ai-je fait pour être français, blanc, catholique de sexe masculin, qu'ai-je décidé de mes origines et de cette distribution des cartes ? Je ne m'abriterai jamais derrière la facilité de me croire élu, il n'y a pas de sous-hommes. J'ai beau être un Européen nanti et à l'abri, je n'accepterai jamais sans broncher que la moitié du monde survive pour que l'autre puisse continuer de vivre.
Le racisme, comme le VIH, il sommeille, se tait et ronronne en silence et puis un jour il s'active, se met à l'œuvre pour commencer sa mission destructrice, accomplir son destin. Il n'y a pas que le racisme d'ailleurs, l'antisémitisme, la haine des femmes, l'homophobie, etc. La méfiance, en fait, devant la différence, l'inconnu, et tout ce qui ne nous ressemblerait pas... Jamais il ne faut rester calme et tolérant face à tout ce qui nous semble pernicieux et humainement inadmissible, ne jamais s'accoutumer à la souffrance et à l'injustice. Face à nos manques graves d'humanisme il faut toujours avoir des facultés d'indignation supérieures à la moyenne, il faut s'insurger, sinon toute horreur pourra devenir possible et banale...
La recherche, oui, d'abord ! Mais aussi la prévention. J'ai l'impression qu'on mise beaucoup sur la recherche, parce qu'il est insupportable pour les hommes d'imaginer qu'on va devoir vivre longtemps avec ce virus, et pendant ce temps-là on néglige la prévention. Alors que, admettons qu'on ne trouve rien avant 50 ans, ce qui est une hypothèse- vaccin ou traitement, peu importe-, imagine, il faut 50 ans pour mettre un truc au point, il n'y aura pas un mec qui va trouver ça avant 50 ans. Si on est toujours dans cette situation de précarité par rapport à la prévention, comment on va s'en sortir ? En Afrique, la prévention, ils ont compris que c'était une arme... Il faut faire de la prévention un événement, chaque jour, pour que les gens arrêtent de se transmettre ce putain de virus... © »

(Mark avait demandé que soit publié dans Libération le communiqué suivant : « Mark Anguenot-Franchequin, né le 8 juin 1958 à Besançon, est décédé du sida après une longue lutte contre la maladie. Il nous a quittés sans honte et sans regret pour rejoindre la terre de ses racines.
La vie est injuste et dégueulasse. C'est un long voyage au bout de la nuit. J'ai beaucoup souffert, mais j'ai aussi connu le bonheur, l'amitié et l'amour.
L'existence est difficile mais on peut vivre quand même et on doit le faire, coûte que coûte. L'aventure en vaut le coup - Mark »)

Mark Anguenot Franchequin, 1958-1994, pionnier de la lutte contre le sida en France, il a notamment été à l'origine de Sida Info Service ; son journal est le témoin de son amour révolté de la vie




Kino

diciannoveDiciannove
de Giovanni Tortorici, avec Manfredi Marini


Ainda estou aquiAinda estou aqui
de Walter Salles, avec Fernanda Torres


house of guinnessHouse of guinness
créé par Steven Knight, avec Anthony Boyle, Louis Partridge, Emily Fairn, Fionn O'Shea, James Norton, Jack Gleeson, Niamh McCormack, Michael McElhatton, Danielle Calligan, Jessica Reynolds, Ann Skelly


Devil in Disguise: John Wayne GacyDevil in Disguise
série créée par Patrick Macmanus